Pétrus vs Lenovo : la fourniture de logiciels non demandés est une pratique commerciale déloyale

jurisprudanceLe 15 novembre 2010, la Cour de cassation rendait l’arrêt le plus intéressant en matière de pratiques commerciales des fabricants de matériel informatique.

La Cour Suprême retenait que la vente subordonnée de l’article L. 122-1 du Code de la consommation était prohibée si les circonstances qui l’entouraient constituaient une pratique commerciale déloyale au regard des critères clairement posés par la directive 2005/29 du 11 mai 2005.

Elle censurait totalement la décision du juge de proximité de Tarascon et renvoyait l’examen de l’affaire vers la juridiction de proximité d’Aix-en-Provence qui a rendu son délibéré le 9 janvier 2012. Quel est-il ?

Commentaire par Maître PROVOST, avocate, et conclusion par Maître CUIF, avocat.


Pour un historique judiciaire détaillé dans l’affaire opposant Monsieur Pétrus à la société LENOVO, il est renvoyé au commentaire sur l’arrêt du 15 novembre 2010.

Après avoir fait un bref rappel des faits et du jugement de la juridiction de proximité de Tarascon du 20 novembre 2008, le juge de proximité rappelle l’objet de sa saisine sur renvoi et la question à laquelle il doit répondre :

« Ayant formé un pourvoi contre ce jugement, la Cour de cassation par arrêt du 15 Novembre 2010 […] renvoya l’affaire devant notre juridiction estimant qu’il n’avait pas été recherché si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. »

1. Rappel des prétentions.

Monsieur Pétrus avait d’abord fait valoir à titre principal que le fabricant s’était livré à une pratique commerciale de fourniture de produits non demandés, en l’espèce des logiciels préchargés, dont il avait exigé le paiement de sa part et qu’elle constituait une pratique commerciale déloyale « en toutes circonstances » interdite tant par la directive 2005/29/CE que par le Code de la consommation.

Subsidiairement, pour le cas où la pratique commerciale de vente forcée ne serait pas retenue par le juge, Monsieur Pétrus soutenait que cette pratique du fabricant, telle qu’elle était pratiquée en l’espèce, constituait une pratique commerciale de subordination de vente déloyale et totalement interdite.

Les arguments de la société LENOVO s’articulaient principalement autour du consentement de Monsieur Pétrus qu’elle estimait éclairé et non vicié, puisque selon elle, il avait choisi un modèle prééquipé de logiciels en connaissance de cause, qui était de surcroît destiné aux entreprises et non aux particuliers. Elle prétendait donc que Monsieur Pétrus faisait une « confusion entre la vente liée de produits distincts et séparés et la vente de produits complexes composés d’un ensemble de composants indispensables à la définition du produit telle que voulue par le constructeur ».

Elle ajoutait et qu’en toute hypothèse, à l’instar d’une voiture avec ses pneus ou sa climatisation, le matériel ne pouvait pas fonctionner sans les logiciels et que la demande de Monsieur Pétrus tendant à se faire rembourser la somme de 404,81 € était excessive puisqu’elle revenait à se faire rembourser la plus grande partie du prix d’acquisition de la machine qui avait coûté 597 €.

Enfin, Lenovo a rappelé que selon elle, il n’appartenait pas au juge de réglementer la vie économique et que le problème incombait au législateur qui avait refusé de voter dans le sens indiqué par le demandeur le 6 juillet 2011.

2. Motifs de la décision.

Le juge a d’abord rappelé les circonstances de l’achat de l’ordinateur : Monsieur Pétrus avait demandé à faire l’acquisition du seul matériel, ce qui s’était révélé impossible parce que les logiciels étaient préinstallés, et que lors de la mise en marche du matériel, il n’avait pas eu d’autre choix que d’accepter l’installation du système d’exploitation ou se faire rembourser l’intégralité de son achat par LENOVO.

De ces circonstances de la vente, la décision du juge s’articule autour de deux points : la distinction matériel logiciels et les pratiques commerciales déloyales qui en découlent.

2.1. Le matériel et les logiciels sont des produits distincts.

Il s’agit d’une solution éprouvée et jugée à de nombreuses reprises, tant par la Cour de cassation que par de nombreuses juridictions du fond. Le juge de proximité d’Aix-en-Provence s’était d’ailleurs prononcé récemment en faveur de cette solution dans une affaire similaire opposant un consommateur au fabricant ACER [1], tout comme d’autres juridictions après lui [2].

Le matériel fait l’objet d’un contrat de vente qui confère à son propriétaire un droit absolu sur la chose dès qu’il en a payé le prix, alors que la fourniture d’un logiciel est une prestation de services qui ne confère qu’un droit d’usage sur le logiciel, ce que rappelle du reste clairement le contrat de licence du logiciel système d’exploitation.

S’il paraît presque invraisemblable de rappeler cette solution, tant la différence saute aux yeux, il s’agit néanmoins de l’argument principal soulevé par les constructeurs qui cherchent à faire juger que le matériel et les logiciels forment un « ensemble indissociable », un « produit unique », « technologique » encore une « offre commerciale globale ». LENOVO avait soutenu qu’il s’agissait d’un « ensemble de composants indispensables à la définition du produit ». Et le fait est que l’argument a pu séduire par le passé quelques juridictions, sans doute par méconnaissance de l’informatique, qui ont estimé du coup que les consommateurs ne pouvaient pas solliciter le remboursement des seuls logiciels.

Mais malgré la résistance des fabricants dans les procès, cette question n’est aujourd’hui plus sérieusement contestable. Et quoi qu’il en soit, le caractère sophistiqué d’un lot de produits n’autorise pas le professionnel à s’affranchir des dispositions précises de la directive du 11 mai 2005 ou du Code de la consommation relatives à l’information sur les caractéristiques essentielles des produits et leurs prix, ou de la réglementation spécifique en matière d’affichage du prix des produits vendus par lots.

Avec humour et répondant en cela à l’argumentation de la société LENOVO qui avait soutenu que les logiciels étaient aussi peu dissociables de l’ordinateur que les pneus ou la climatisation d’une voiture, le juge de proximité précise que l’analogie n’est pas exacte et reviendrait en réalité à fournir un chauffeur lors de l’achat de la voiture…

2.2. Sur les pratiques commerciales déloyales de la société LENOVO

Le juge retient :

« Attendu certes que l’appareil objet du litige sur lequel étaient installés un système d’exploitation et des logiciels de la société Microsoft, pouvait intéresser une clientèle particulière mais qu’aucune caractéristique technique ne s’opposait à ce que d’autres y soient implantés et notamment ceux que souhaitait le requérant.

Attendu donc qu’il ne pouvait lui être imposé d’adjoindre obligatoirement Windows Vista à un type d’ordinateur dont les spécifications propres mais uniquement matérielles avaient dicté son choix ;

Attendu en définitive qu’il est ainsi constaté que la Sas LENOVO a contrevenu aux dispositions de l’article L122-1 du code de la consommation qui en l’espèce satisfait aux prescriptions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, notamment à l’article 29 de son annexe 1, relative aux pratiques commerciales déloyales  »

Le juge déduit des circonstances de la vente que la société LENOVO s’est bien livrée à une pratique commerciale de subordination de vente déloyale au sens de la directive du 11 mai 2005 notamment en ce qu’elle s’apparente à une vente forcée au sens du paragraphe 29 de son annexe 1.

Il faut avouer que si cette motivation n’est pas claire, bien trop laconique et que le juge de proximité a omis de statuer sur un bon nombre de demandes présentées par Monsieur Pétrus à l’issue des débats, il demeure que le principe est acquis : imposer aux consommateurs de payer des logiciels qu’ils n’ont pas choisis ni demandés, au seul prétexte qu’ils sont préchargés par le fabricant, constitue une pratique commerciale de vente forcée déloyale en toutes circonstances au sens du paragraphe 29 de l’annexe 1 de la directive (qui fait partie de la liste « noire » des pratiques commerciales) et une vente subordonnée également contraire à la directive.

Le juge de proximité fait donc droit à la demande de remboursement de Monsieur Pétrus, ce qui est tout à fait légitime et parfaitement conforme aux dispositions du Code de la consommation invoquées au cours des débats. Il est regrettable que le juge ait fait droit à la demande sans détailler ce point et son fondement textuel.

2.3. Sur les demandes financières.

Monsieur Pétrus avait demandé la condamnation de LENOVO à lui payer une somme de 404,81 € en 2008 devant la juridiction de proximité de Tarascon. Cette somme n’a pas été actualisée devant la juridiction d’Aix-en-Provence, mais elle a été étayée et qualifiée. En effet, Monsieur Pétrus demandait que lui soit indiqué le prix des logiciels pour pouvoir en solliciter le remboursement. À défaut, il demandait la condamnation de LENOVO à lui payer une indemnité forfaitaire dont le quantum était susceptible de correspondre au prix des logiciels par comparaison avec les prix publics habituellement pratiqués en la matière.

Sans tenir compte du fait que le prix des logiciels n’avait pas été indiqué par LENOVO, le juge a estimé que la somme sollicitée était trop importante. Alors que Monsieur Pétrus avait établi que le prix des logiciels pouvait représenter plus de 30 % du produit global, il s’est calé sur une fourchette plus basse, notamment celle qui a été prise en compte par la Cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 5 mai 2011, soit entre 10 et 25 % du prix global [3].

LENOVO est donc condamné à payer à Monsieur Pétrus une somme de 120 €.

Le juge de proximité a aussi condamné la société LENOVO à lui payer une somme de 800 € à titre de dommages et intérêts. Ces condamnations à des dommages et intérêts sont de plus en plus fréquentes, principalement parce que les fabricants s’obstinent à refuser de procéder à un véritable remboursement des logiciels préchargés et que les consommateurs n’ont aujourd’hui qu’une seule possibilité pour faire valoir leurs droits : faire un procès !

Enfin, au titre des frais de procédure, le juge de proximité accorde à Monsieur Pétrus une somme de 1.000 €.

3. Quelle conclusion pour cette affaire ?

Il s’agit d’une décision qui va dans le bon sens, celui des consommateurs.

Cependant, la motivation adoptée est décevante et bien trop laconique pour le professionnel que je suis. Le jugement est aussi atteint de plusieurs omissions de statuer au regard des demandes qui ont été présentées. Il est regrettable que le juge de proximité n’ait pas fait l’effort de motiver solidement sa décision, surtout qu’il s’agissait d’un renvoi de cassation et qu’il avait été averti de l’importance du sujet et du fait que sa décision était très attendue.

J’ajoute, s’agissant de la distinction entre le matériel et les logiciels, que la réglementation sur les ventes par lots ne concerne plus seulement les yaourts ou les lots de casseroles, n’en déplaise à certains membres du ministère de l’économie des finances et de l’industrie avec qui je suis en discussion sur ces questions, et que les logiciels ont bien unprix public identifié totalement dissimulé par le fabricant après avoir été préchargés dans le matériel, puisqu’ils sont l’un des éléments dissociables d’un lot de produits distincts. Prétendre en plus que la DGCCRF contesterait ce point revient à avouer qu’il y a un refus du ministère de prendre parti sur cette question…

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L’illustration est de Michel Cadiou, il l’a appelée « La justice sur le fil » Merci beaucoup Michel !


Notes

[1Jur. prox. Aix-en-Provence, 17 fév. 2011 : Perrono ¢ Acer

[2cf. notamment CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011 : UFC-Que Choisir ¢ SAS Hewlett Packard France & association de droit du marketing ; Jur. prox. Toulouse, 20 mai 2011 : aff. Vermel ¢ S.A Dell

[3CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, préc.

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« Nécessité d’une information spécifique du consommateur en cas de vente d’un ordinateur avec un logiciel intégré. »

Commentaire deJustice symbol glossy button la décision du Juge de proximité de Toulouse dans la Gazette du Palais.

Avec l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 mai 2011, la décision du juge de proximité de Toulouse est à ce jour la seule décision qui déclare la pratique commerciale de vente subordonnée, telle qu’elle est pratiquée actuellement, déloyale.

Sommaire de la Gazette du Palais


Le commentaire est de Monsieur Ghislain Poissonnier, magistrat spécialisé dans le droit de la consommation et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

Il s’intitule « Nécessité d’une information spécifique du consommateur en cas de vente d’un ordinateur avec un logiciel intégré » (note sous Jur. Prox. Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, Vermel vs SA Dell, Gazette du Palais du 14 au 18 août 2011, n° 226, p. 14, 16736).

On se rend bien compte, à la lecture de cet article, qu’une loi supplémentaire ne serait pas utile en cette matière, tant il existe de dispositions législatives et réglementaires, au niveau national ou au niveau Européen, favorables aux consommateurs. Une loi ne ferait qu’alourdir ou rendre plus confuses les dispositions actuelles qui régissent d’ailleurs tous les rapports entre les professionnels et les consommateurs et pas seulement « le microcosme des ventes subordonnées ». Il suffit de faire appliquer la loi !

[(Malheureusement, le lien vers le pdf n’est plus accessible, les éditions lextenso m’ayant indiqué qu’ils n’autorisaient pas la reproduction de leurs publications. Voici donc des extraits ponctués de mes commentaires. Les renvois sont de l’auteur.)]


« I Un ordinateur et un logiciel constituent des produits différents.

Les distributeurs qui commercialisent auprès du grand public des ordinateurs les vendent avec des logiciels, le plus souvent de Microsoft. Ils profitent de la vente de l’ordinateur pour imposer la vente de logiciels, qui sont préinstallés et qui sont facturés dans le prix global au consommateur. Les conditions générales de ventes de ces distributeurs n’offrent pas au consommateur la possibilité de choisir les logiciels en question et de les refuser, l’acquisition d’un ordinateur nu étant impossible.

Le procédé présente un double danger pour le consommateur. Ce dernier est, en premier lieu, obligé d’acquérir deux produits, le forçant à un achat inutile ou à un choix biaisé, alors qu’il peut seulement avoir besoin de l’un d’entre eux ou avoir besoin de deux produits mais avec des caractéristiques différentes. Les offres proposées, qui consistent en un jumelage de deux produits dont il est fait un lot indivisible [1], heurtent la liberté du consommateur d’acheter ou non les logiciels préinstallés et son droit d’acheter ou non d’autres logiciels que ceux préinstallés. Et le consommateur a souvent, en second lieu, la croyance qu’en achetant par lot, le prix sera moins élevé. Or, l’avantage-prix n’est pas constitutif de la vente par lot et il peut se faire que le prix du lot soit moins avantageux que le prix du bien acheté à l’unité ou séparément. Là encore, s’agissant des logiciels préinstallés, le consommateur à qui le vendeur a imposé le choix des logiciels est bien en peine de faire jouer la concurrence et de comparer les prix. Cette situation est d’autant plus préjudiciable pour le consommateur qu’il existe sur le marché plusieurs types de logiciels à des prix différents correspondant à des besoins différents du consommateur et qu’en outre certains de ces logiciels sont gratuits. En outre, l’informatique a connu de progrès en termes d’ergonomie que la plupart des personnes sachant utiliser un ordinateur sont désormais capables d’installer eux-mêmes le système d’exploitation et les logiciels de base de leur choix [2]. Il en est ainsi des logiciels souvent gratuits comme Linux, logiciels libres ou « open source », c’est-à-dire des logiciels dont l’architecture interne est partagée et diffusée librement et gratuitement. Contrairement aux logiciels propriétaires, les logiciels libres, reconnaissent aux personnes acceptant la licence, une grande liberté d’utilisation et de modification par la diffusion du code source. Ces logiciels libres autrefois hors de portée de l’utilisateur non averti ont connu de rapides progrès et se sont aujourd’hui démocratisés. L’intérêt objectif du consommateur est donc bien d’empêcher les fabricants de l’« obliger » à acheter un ordinateur « tout compris ».

Des associations comme l’UFC-Que Choisir et l’AFUL (Association francophone des utilisateurs de logiciels libres) invitent leurs adhérents à intenter des recours auprès des juges de proximité contre les fabricants ou les vendeurs d’ordinateurs, afin d’obtenir le remboursement du prix des logiciels vendus préinstallés dans les ordinateurs. Pour en obtenir le remboursement, les requérants se fondent sur l’article L. 122-1 du Code de la consommation, celui-ci posant une interdiction des ventes liées (dénommées dans le Code de la consommation « ventes subordonnées », mais appelées aussi « ventes par lot » ou « ventes jumelées » ou encore « offres conjointes » pour reprendre le terme retenu par le droit communautaire). Cette disposition, qui figure dans une section du Code de la consommation dédiée aux « refus et subordination de vente ou de prestations de services », dans un chapitre consacré aux « pratiques commerciales illicites », prohibe, par dérogation au droit commun, le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’un autre produit. Il s’agit d’une prohibition visant à protéger l’intégrité du consentement du consommateur à l’achat. Ce texte s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris financiers, destinés aux consommateurs et donc bien évidemment à la vente d’ordinateurs et de logiciels.

Toutefois, l’application de cet article suppose que l’ordinateur et le logiciel soient considérés comme des éléments distincts ne formant pas un même produit. Or, il ne semble pas y avoir unanimité tant au sein de la doctrine que de la jurisprudence sur le fait qu’un ordinateur et un logiciel préinstallé doivent être vus comme des produits différents. En effet, une partie de la doctrine et certains arrêts, considèrent que l’ordinateur et le logiciel constitueraient un bien unique comme dans l’exemple d’un véhicule et de ses pneus ou du vin et de sa bouteille. Se fondant sur le critère de la fonctionnalité du produit, ils soulignent qu’il est normal que tout ce qui est nécessaire à la production de la fonction pour laquelle le produit est mis sur le marché soit considéré comme en faisant partie intégrante. »

S’agissant d’une partie de la doctrine ou de certaines jurisprudences, peu nombreuses, qui ont pu assimiler le matériel et les logiciels en un seul et même produit, les motivations sont assez surprenantes. Elles évoquent souvent, de manière générale, le fait que le matériel ne fonctionnerait pas sans système d’exploitation. Mais c’est notamment oublier qu’il n’existe pas qu’un seul système d’exploitation dans le paysage informatique, mais plusieurs centaines, de sorte que la question qui se pose en réalité n’est pas celle du critère fonctionnel d’une certaine interdépendance entre le matériel et les logiciels, mais d’une pratique commerciale qui consiste à forcer la vente d’un seul d’entre eux, sans que le consommateur ne l’ait jamais demandé. Certaines décisions qui ont retenu ce critère exclusivement fonctionnel sont même aberrantes, notamment lorsqu’elles ont retenu, en substance, qu’installer un OS Linux sur un ordinateur était compliqué [3]… en prenant pour base un ordinateur déjà préinstallé d’un OS Windows, ce qui oblige à une étape de partitionnement compliquée pour un néophyte, alors que tout est différent lorsque la préinstallation est faite à partir d’un disque dur vierge (comme c’est le cas lorsque le constructeur précharge l’image dans le disque).


« Les fabricants d’ordinateurs cherchent à exploiter cette incertitude juridique. Ils ont ainsi inséré dans leurs conditions générales de vente une clause indiquant que le produit vendu au consommateur est un bien unique qui comprend nécessairement un ou des logiciels. S’appuyant sur cette définition, leurs conditions générales de vente contiennent une clause subséquente prévoyant que le refus par le client du contrat de licence du logiciel ne peut entraîner que le remboursement total du produit (après sa restitution) et non son remboursement partiel correspondant à celle de la valeur du logiciel (sans restitution). Dans les contentieux qui les opposent aux consommateurs, les vendeurs s’appuient sur la lettre du contrat et avancent ainsi que l’accord des parties se fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi, doté de logiciels, le consommateur, une fois l’acquisition effectuée, conservant la possibilité de se faire rembourser la marchandise dans sa globalité. Hélas, cet argument emporte parfois la conviction du juge [4]. Dans l’espèce soumise au juge de proximité de Toulouse, la société Dell appuyait d’ailleurs sa défense sur le contenu de ces conditions générales de vente. Toutefois, le juge, au visa de l’article 12 du CPC, prenait la peine de vérifier si ces conditions générales de vente n’étaient pas abusives au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

Or, il considérait, à juste titre à notre avis, que l’ordinateur et les logiciels sont des produits différents dans leur nature : d’un côté, il s’agit de « matériel informatique », d’un produit industriel, d’une marchandise, d’un « bien corporel » et de l’autre, il s’agit d’une « prestation de service », d’un produit immatériel, d’une « œuvre de l’esprit », d’un « bien incorporel », pour reprendre des expressions utilisées soit par le jugement du 20 mai 2011, soit par la jurisprudence de la Cour de cassation. Il notait également qu’un ordinateur et qu’un logiciel relèvent de régimes juridiques différents : le premier fait l’objet d’un contrat de vente qui confère au propriétaire un droit absolu sur la chose vendue, tandis que le second fait l’objet d’un droit d’usage, concédé à l’acheteur sous la forme d’un contrat de licence.  Dès lors, « en adoptant dans ses conditions générales de vente des clauses dont la formulation assimile artificiellement, aux yeux du consommateur, matériel et les logiciels et qui ont pour effet de paralyser le droit au remboursement de ces logiciels par les consommateurs, contraints de les payer sans les avoir commandés », la société Dell avait créée un déséquilibre flagrant et significatif aux droits des consommateurs au sens de l’art. L. 132-1 du Code de la consommation. En relevant une clause abusive dans les conditions générales de vente, le tribunal replace les parties dans une situation d’équilibre qui correspond à la réalité du contrat conclu, qui restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives.

Si le raisonnement du tribunal nous paraît cohérent, il n’en demeure pas moins que la démarche adoptée n’était peut-être pas indispensable pour aboutir à un résultat identique. En effet, le fait que le consommateur a consenti à la vente liée dans un premier temps, pour en demander l’annulation partielle un deuxième temps, et le fait que le consommateur a signé les conditions générales de vente ne changent rien au fond. L’accord non vicié du consommateur (au sens des art. 1108 et suivants du Code civil) à la vente de produits ou de services liés et l’existence au contrat de clauses contractuelles défavorables au consommateur n’interdisent ni au consommateur de se prévaloir de la règle de la prohibition de la vente liée, étant observé que cette prohibition3 est d’ordre public (art. 6 du Code civil), ni au juge de relever d’office une telle règle (art. L. 141-4 du Code de la consommation).

II La vente liée d’un ordinateur et d’un logiciel constitue une pratique commerciale déloyale.

Le droit français de la consommation évolue sous l’influence du droit communautaire qui a largement contribué à la modification des textes de droit interne français au cours de ces dernières années. Le droit de la vente liée, qui entre dans le champ d’application de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis à vis des consommateurs dans le marché intérieur, n’échappe pas à cette tendance. La directive du 11 mai 2005 a été transposée dans notre droit interne par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, sans modification de l’article L. 122-1 du Code de la consommation. Toutefois, la CJUE a affirmé à plusieurs reprises (pour les ventes liées mais aussi pour les ventes avec prime et les loteries publicitaires) que seules les trente et une pratiques commerciales énumérées de façon exhaustive dans la liste noire de l’annexe I de la directive 2005/29 peuvent être présumées déloyales « en toutes circonstances ». Or, les ventes liées ne figurent pas dans la liste de l’annexe I de la directive. Dans les autres cas, comme l’indique la CJCE, il revient au juge procéder « à l’analyse, devant être nécessairement menée au regard du contexte factuel de chaque espèce, du caractère déloyal d’une pratique commerciale à la lumière des critères énoncés aux articles 5 à 9 de la directive, lorsqu’il s’agit (…) d’une pratique non visée à l’annexe I de celle-ci » [5].
Ainsi, les ventes liées ne doivent être considérées comme des pratiques déloyales (et donc illégales) que si cette déloyauté est démontrée, à l’issue d’une évaluation au cas par cas, sur la base des critères définis par les dispositions des articles 5 à 9 de la directive.

Dans la mesure où ce texte impose une harmonisation complète (les gouvernements des États membres ne peuvent pas adopter des mesures nationales plus restrictives que celles définies par la directive, même s’il s’agit d’assurer une protection plus importante pour les consommateurs), la Cour en a déduit que toute interdiction générale et préventive de la vente liée posée par la législation nationale est contraire aux exigences communautaires. De telles pratiques commerciales ne peuvent être sanctionnées qu’à la condition que soit prouvé leur caractère déloyal, ce qui impose de mener une analyse in concreto de la situation au regard de son contexte factuel. Or, l’article L. 122-1 du Code de la consommation prescrivant une interdiction absolue et de principe des ventes liées, ce texte se devait d’être modifié (tout comme ceux relatifs aux loteries publicitaires et aux ventes avec prime). La Cour ce cassation avait d’ailleurs très vite emboité le pas de la CJUE en jugeant que la pratique de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés devait être contrôlée au regard de l’article L. 122-1 mais interprété à la lumière des critères posés par la directive du 11 mai 2005. Elle invitait clairement le juge du fond à s’interroger sur les circonstances entourant la vente pour apprécier si elles engendrent ou non un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dans ses rapports contractuels avec les assembleurs.

C’est en ce sens que l’article 45 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit complète les dispositions du Code de la consommation pour préciser qu’une vente liée est illicite « dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 [du Code de la consommation] », cette dernière disposition reprenant les critères des articles 5 à 9 de la directive.
Le droit français prévoit donc désormais une interdiction au cas par cas et c’est au juge, sur délégation du législateur, qu’il revient d’assurer la police des pratiques commerciales. Il devra, pour ce faire, apprécier les circonstances propres à chaque cas d’espèce selon les critères posés par la loi [6]. C’est exactement la démarche in concreto suivie par la juridiction de proximité de Toulouse dans son jugement du 20 mai 2011. Il rappelle qu’une pratique commerciale déloyale est définie par la réunion de deux conditions cumulatives : la contrariété aux exigences de la diligence professionnelle et une altération substantielle du comportement économique du consommateur moyen. Or, en l’espèce, la société Dell a proposé volontairement un lot dont l’achat n’a pas été effectué en connaissance de cause par le consommateur : le prix du lot n’était pas ventilé entre le matériel et le logiciel ; et les modalités de la vente, prévoyant l’impossibilité de renoncer au logiciel préinstallé (le consommateur « n’a pu supprimer de la liste du matériel les logiciels préinstallés, car aucune option ne lui permettait de la faire et alors même qu’il est possible d’exploiter les ordinateurs au moyen de logiciels gratuits, ce qui évidemment en réduit le coût » note le jugement) et de se faire rembourser le prix dudit logiciel, ont pour effet de contraindre de manière quasi-directe le consommateur à conserver le logiciel. Ainsi, en proposant un lot ordinateur-logiciel dans les conditions contractuelles très rigides et défavorables à l’acheteur, la société Dell a à la fois manqué à son obligation de diligence professionnelle et altéré de manière substantielle le comportement économique du consommateur, diminuer en particulier son aptitude à prendre une décision en toute connaissance de cause.

La motivation retenue est concise, peut-être trop (il aurait été possible notamment d’élaborer un peu plus sur le fait que les éléments soumis au juge permettent de considérer que le professionnel a manqué à son obligation d’information et à celle de conseil vis-à-vis du consommateur), mais elle résume bien la situation imposée au consommateur : en vendant ensemble, ordinateur et logiciel, sans laisser au consommateur la liberté, ni de choisir son système d’exploitation, ni d’acheter l’ordinateur seul, le vendeur adopte une pratique commerciale qui porte atteinte à l’intégrité du consentement du consommateur à l’achat. Le sens de la décision rejoint celle du 27 août 2009 rendue par le juge de proximité de Lorient : dans cette affaire, un consommateur avait acheté un ordinateur portable de marque Asus sur lequel était préinstallé un système d’exploitation Microsoft Vista. Ne désirant pas garder le logiciel, le client avait demandé au constructeur son remboursement, le constructeur lui imposant de retourner la machine. Visant la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 et sanctionnant les pratiques commerciales de la société Asus estimées « contraires aux exigences de la diligence professionnelle » et aboutissant à une « altération du comportement du consommateur », le jugement retenait que l’absence de distinction au moment de la vente entre le prix du matériel et celui des logiciels couplé au silence observé par le constructeur sur ce point ou sur les modalités de remboursement, privait abusivement le consommateur d’un choix éclairé.

Toutefois, dans cette dernière décision de Lorient, le juge n’avait pas expressément déclaré déloyales les pratiques commerciales du constructeur Asus. Les sanctions légales n’avaient donc pas non plus été appliquées.

Et Ghislain Poissonnier termine en indiquant :

Le jugement du 20 mai 2011 va contribuer à mettre fin à un courant jurisprudentiel défavorable aux consommateurs et inviter les juges du fond à s’intéresser de manière concrète aux pratiques commerciales déloyales de nombreux distributeurs informatiques.

…En espérant que dans les prochaines décisions, les sanctions des pratiques commerciales déloyales seront appliquées.

Pour aller plus loin :


Notes

[1] La prohibition tombe lorsque le consommateur a la faculté d’obtenir chaque élément du lot séparément. Mais alors, dans ce cas, pour chaque élément doivent être affichés le prix et la composition du lot, ainsi que le prix de chaque produit composant le lot

[2] Il ne semble plus possible de dire qu’il est « de l’intérêt du consommateur d’avoir un système d’exploitation préinstallé, dès lors qu’il n’est ni contesté ni contestable que pour la grande majorité des consommateurs il serait impossible ou pour le moins très difficile et sans doute onéreux de procéder à cette installation » : TGI Paris, 24 juin 2008 : JCP G 2008, p. 10185, note P. Stoffel-Munck.

[3] UFC Que-Choisir vs Darty & Fils, TGI de Paris, 24 Juin 2008

[4] Jugement de la juridiction de proximité de Tarascon du 20 novembre 2008, qui déboute le consommateur sur le fondement du principe de la force obligatoire des contrats. Ce jugement a finalement été cassé par la Cour de cassation : Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, no 09-11161, LPA, 21 mars 2011 n° 56, P. 8 note E. Ay ; Gaz . Pal. 16-17 février 2011, n°47 à 48, p. 19, note G. Poissonnier ; Contrats. Conc. Consom. 2011, n°9, obs. M. Malaurie-Vignal.

[5] point 65 de CJCE, 23 avr. 2009, C-261/07 et 299/07, VTB-VAB NV c/ Total Belgium NV et Galatea BVBA c/ Sanoma Magazines Belgium NV.

[6] Les professionnels ont ainsi gagné en liberté, mais celle-ci demeure surveillée compte tenu du risque de sanction prononcée par le juge. Pareille approche, si elle est gage de flexibilité, permettra-t-elle d’assainir les pratiques commerciales ? Cela suppose d’éprouver l’effectivité – pour l’heure douteuse – d’un tel contrôle a posteriori…

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Loi du 17 mai 2011 modifiant le Code de la consommation

code de la consommationLe 17 mai 2011, une nouvelle loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 dite de « simplification et d’amélioration de la qualité du droit » (JORF n°0115 du 18 mai 2011 page 8537, NOR : BCRX0929142L) est venue modifier différentes dispositions du Code de la consommation, à l’article 45.


Ces modifications ne sont pas très importantes et consistent essentiellement à la suppression du paragraphe 6 de l’article L. 122-11-1, qui était inséré à la section V consacrée aux « Pratiques commerciales agressives », du Chapitre II relatif aux « Pratiques commerciales illicites » qui précisait :

« Sont réputées agressives au sens de l’article L. 122-11 les pratiques commerciales qui ont pour objet : […]
6° D’exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article L. 121-20-3 ; »

Cette disposition transposait pratiquement mot pour mot le paragraphe 29 de l’annexe I de la directive européenne 2005/29 du 11 mai 2005 qui qualifiait de pratique commerciale agressive le fait de :

« 29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés,
ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément
à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). »

Cette suppression bénéficie en réalité à l’article L.122-3 du Code de la consommation, qui fait lui aussi partie des pratiques commerciales illicites et qui a été réécrit en ces termes :

« Il est interdit d’exiger le paiement immédiat ou différé de biens ou de services fournis par un professionnel ou, s’agissant de biens, d’exiger leur renvoi ou leur conservation, sans que ceux-ci aient fait l’objet d’une commande préalable du consommateur, sauf lorsqu’il s’agit d’un bien ou d’un service de substitution fourni conformément à l’article L. 121-20-3.
La violation de cette interdiction est punie des peines prévues aux articles L. 122-12 à L. 122-14.
Tout contrat conclu consécutivement à la mise en œuvre de la pratique commerciale illicite visée au premier alinéa du présent article est nul et de nul effet.
Le professionnel doit, en outre, restituer les sommes qu’il aurait indûment perçues sans engagement exprès et préalable du consommateur. Ces sommes sont productives d’intérêts au taux légal calculé à compter de la date du paiement indu et d’intérêts au taux légal majoré de moitié à compter de la demande de remboursement faite par le consommateur. »

Outre le fait que la nouvelle rédaction de l’article L. 122-3 est moins respectueuse des termes posés par la directive, on se demande pourquoi cette disposition a été retirée des pratiques commerciales agressives prévues par le Code de la consommation, alors qu’aux termes du paragraphe 29 de l’annexe I de la directive, il s’agit bien d’une pratique commerciale réputée agressive en toutes circonstances, soit sans que le juge dispose d’un quelconque pouvoir d’appréciation dès lors que le consommateur démontre qu’une telle pratique est mise en œuvre par un professionnel.

Les autres modifications notables en matière tiennent à la modification de l’article L. 421-6 du Code de la consommation sur la cessation d’agissements illicites par les associations habilités et la prise en compte de la directive 2009/22/CE du 23 avril 2009« relative aux actions en cessation en matière de protection des intérêts des consommateurs » (html) permettant aux consommateurs de faire cesser ou interdire les agissements illicites en la matière.

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La justice se prononce enfin sur la déloyauté des pratiques commerciales des constructeurs !

jurisprudanceLe 5 mai 2011 la Cour d’appel de Versailles a rendu une décision intéressante opposant l’UFC-Que choisir à la société Hewlett Packard. Quelques jours plus tard, le 20 mai 2011, la juridiction de proximité de Toulouse rendait un jugement sans précédent contre le fabricant DELL, après deux ans de bataille acharnée. Suivez le guide.

Après les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 15 novembre 2010 sur la question délicate des ventes subordonnées en matière informatique, j’avais noté que les juges du fond hésitaient encore à appliquer les sanctions, pourtant claires, posées par la directive 2005/29/CE et par le Code de la consommation, soit l’interdiction pure et simple lorsque la pratique commerciale du professionnel consiste à exiger du consommateur le paiement immédiat de produits ou de services qu’il fournit sans que le consommateur les ait préalablement demandés.

Ainsi, dans la dernière affaire contre Acer, le juge de Proximité d’Aix-en-Provence avait “seulement” condamné le constructeur à rembourser les logiciels préinstallés en retenant qu’ils n’étaient qu’une option à laquelle le consommateur n’était pas tenu de souscrire puisque le matériel et les logiciels étaient deux éléments distincts, tant par leur nature que leur régime juridique. S’il s’agissait assurément d’une bonne décision, elle n’allait cependant pas au fond des choses.

Les deux dernières décisions de Toulouse et de Versailles sont presque venues mettre un terme à ces hésitations, condamnant DELL et HP pour leurs pratiques commerciales déloyales. Mais vont-elles jusqu’au bout ? C’est ce que je vous propose d’examiner un peu plus en détail.


1. La condamnation de HP à faire cesser sa pratique commerciale de vente subordonnée sous astreinte.

Cette décision est longue pour les profanes, mais les termes et expressions employés sont intéressants. Je vous en propose donc un résumé rapide.

Devant la Cour d’appel de Versailles, l’UFC-Que choisir avait demandé que la société HP soit enjointe, sous astreinte, de cesser de vendre sur son site des ordinateurs prééquipés du système d’exploitation Windows et de différents autres logiciels applicatifs, sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d’utilisation.

Dans son arrêt du 5 mai 2011, et après avoir rappelé la règle posée par la Cour de cassation dans l’arrêt Pétrus du 15 novembre 2010 (cf. mon billet de commentaire de cette décision et mon billet suite à l’article de Ghislain Poissonnier dans la Gazette du Palais), la Cour de Versailles a retenu que le système d’exploitation était un logiciel indépendant du matériel en ce qu’il correspondait à un élément intellectuel relevant de la prestation de services, que cette indépendance était d’ailleurs confirmée par la présence de systèmes libres dont l’utilisation s’était répandue, et que juridiquement, le matériel et les logiciels suivaient deux régimes différents.

Puis, après avoir rappelé les dispositions de la directive sur les pratiques commerciales trompeuses et agressives des entreprises, elle en a déduit qu’en présentant sur son site le matériel et les logiciels comme « un seul produit que le consommateur règle globalement », sans avertir le consommateur « de la possibilité d’acquérir un ordinateur non muni du système d’exploitation Windows » sans lui donner aucune précision « sur le prix des composants de l’ordinateur et, en particulier, du logiciel dont la valeur est variable, ni sur le contenu des licences utilisateur final », et ce alors même « qu’il n’existe pas d’obstacle technique à l’absence de proposition sans préinstallation » et que cette absence ne pouvait être justifiée par le fait que le consommateur avait la possibilité de s’adresser à des vendeurs extérieurs, la société HP a adopté une attitude contraire aux exigences de la diligence professionnelle.

En effet, la Cour considère que « l’information sur la valeur des éléments composant l’offre de vente avec pré installation concerne des éléments substantiels à savoir le prix du logiciel dans la mesure où une licence OEM peut représenter entre 18 et 20 % du prix d’un ordinateur et une licence non OEM jusqu’à 27 % » et que « l’absence d’information du consommateur sur ces composants réduit ses choix en ce qu’il ne peut comparer leur valeur avec d’autres propositions qu’il s’agisse du logiciel ou de l’ordinateur nu ; que surtout il se trouve privé de la possibilité d’acquérir sans logiciels et ce alors que la demande des consommateurs ne cesse d’augmenter ».

Elle estime donc que le consommateur ne bénéficie pas d’une information suffisante et qu’il se trouve « amené à prendre une décision à propos de l’achat d’un ordinateur qu’autrement il n’aurait pas prise » et que cela constitue une vente trompeuse au sens de l’article 7 de la directive et contraire à l’article L. 122-1 du Code de la consommation.

La Cour en conclut :

« que la vente par la société HEWLETT PACKARD FRANCE sur son site ouvert aux particuliers (…) d’ordinateurs avec des logiciels pré installés sans mention du prix que représentent les logiciels et sans possibilité d’y renoncer avec déduction du prix correspondant à la licence, est contraire aux exigences de la diligence professionnelle eu égard aux possibilités techniques actuelles et étant susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse, elle constitue une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de l’article 5 de la directive de 2005 »

En conséquence, la Cour enjoint à la société HP de cesser cette pratique de vente sur son site, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard.

2. La société DELL sanctionnée pour ses conditions générales de vente et ses pratiques commerciales déloyales

Le 20 mai dernier, c’est au tour du fabricant DELL d’être condamné par la juridiction de proximité de Toulouse, après deux ans d’une longue procédure initiée au départ par un consommateur seul.

Il s’agit d’une condamnation sans précédent en jurisprudence et la décision est intéressante à de nombreux titres.

1. D’abord, il est intéressant de constater que le juge retient que le matériel et les logiciels sont deux éléments distincts, tant par leur nature que par leur régime juridique, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (mais également à l’instar d’autres décisions des juridictions du fond [1]). Il estime donc que la clause 7.3 (mais la clause 1 en réalité aussi) des conditions générales de vente de la société DELL, dont la rédaction assimile artificiellement le matériel et les logiciels en un seul et même « produit » et sur laquelle elle s’appuie pour justifier son refus de rembourser le consommateur des logiciels inutilisés, est abusive et doit donc être réputée non écrite :

« En adoptant dans ses Conditions Générales de Vente des clauses dont la formulation assimile artificiellement, aux yeux du consommateur, matériel et logiciels et qui ont pour effet de paralyser le droit au remboursement de ces logiciels par les consommateurs, contraints de les payer sans les avoir demandés, la société DELL crée un déséquilibre flagrant et significatif aux droits des consommateurs au sens de l’article L 132-1 du Code de la Consommation. »

2. Ensuite, après avoir rappelé les conditions aux termes desquelles les pratiques commerciales d’un professionnel sont susceptibles d’être considérées comme déloyales, le juge estime qu’en ne mettant à la disposition du consommateur aucun moyen de ne pas prendre des logiciels qu’elle préinstalle, alors qu’il est possible d’exploiter le matériel par le biais de logiciels gratuits, et en n’informant pas le consommateur du prix des logiciels composant le lot, la société DELL a manqué aux exigences de sa diligence professionnelle et adopté des modalités de vente qui ont eu pour effet de contraindre de manière quasi directe le consommateur de conserver le système d’exploitation Windows de Microsoft et que cela avait eu pour conséquence de diminuer l’aptitude du consommateur à faire un achat en connaissance de cause.

Le juge retient donc que l’opération contrevient aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation et constitue de ce fait une pratique commerciale déloyale et fautive entrant dans le champ d’application de l’article 1382 du Code civil et ouvrant le droit à des dommages et intérêts.

3. Quelle est la portée de ces décisions ?

Elles sont intéressantes à plus d’un égard.

En premier lieu, c’est la première fois en jurisprudence que la pratique commerciale de vente sans commande préalable est expressément déclarée déloyale. Il était temps !

Une décision un peu similaire avait été rendue par le juge de proximité de Lorient, [2] qui avait considéré que la pratique commerciale mise en place par ASUS était contraire à sa diligence professionnelle et avait eu pour effet de diminuer l’aptitude du consommateur à faire un achat en connaissance de cause. Mais le juge n’avait alors pas expressément retenu, comme c’est le cas contre DELL, que la pratique commerciale de vente forcée était déloyale.

En deuxième lieu, la décision de Toulouse vient enterrer un peu plus encore la notion de « produit unique » opportunément défendue par les constructeurs pour justifier à la fois la vente forcée des logiciels qu’ils préinstallent, mais également le refus du remboursement des seuls logiciels qui sont, comme l’avait retenu la juridiction de proximité d’Aix-en-Provence des options auxquelles le consommateur n’est pas tenu d’adhérer. [3].

En troisième lieu, ces décisions consacrent enfin toutes deux le fait que le prix des logiciels est un élément substantiel de l’acte d’achat d’un ordinateur. Sur cette question, la dernière solution retenue en jurisprudence était celle de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 novembre 2009, aux termes duquel elle avait estimé, après avoir procédé à une interprétation tout à fait particulière des intentions générales d’un consommateur moyen, que « ce qui importe avant tout pour le consommateur, c’est de connaître le prix global de l’objet proposé à la vente. ».

Mais cette motivation était très contestable, et au surplus erronée, pour plusieurs raisons :

  • contestable d’abord, parce que la Cour s’était livrée à une interprétation bien curieuse des intentions générales du consommateur moyen, alors que précisément bon nombre de consommateurs souhaitent faire un achat intelligent, ce qui inclut de ne pas payer des logiciels dont ils ne veulent pas ou dont ils n’ont pas besoin.Cette exigence des consommateurs est d’autant plus forte qu’il a été démontré à plusieurs reprises que le seul système d’exploitation pouvait représenter parfois près de 30 % du prix de la machine seule (et sans même parler du prix des autres logiciels applicatifs dont la préinstallation fait l’objet d’âpres négociations dans les contrats OEM) ! Le prix des logiciels fournis et payés sans avoir été demandés est donc loin d’être neutre et le cas est flagrant pour les consommateurs qui utilisent des systèmes d’exploitation libres dont la plupart sont gratuits.En tout état de cause, et si jamais le seul prix global devait compter pour le consommateur, ce prix global ne serait pas le même avec au moins 30 % de prix en plus pour des logiciels dont l’utilité n’est pas démontrée dès lors qu’il existe des alternatives gratuites, au demeurant bien plus complètes…
  • Erronée ensuite, parce qu’en estimant arbitrairement que seul le prix global importait pour le consommateur, la Cour de Paris avait oublié de prendre en compte que le matériel et les logiciels étaient deux éléments parfaitement distincts, tant par nature que dans leur régime juridique, comme la jurisprudence l’a retenu maintenant à de nombreuses reprises, ce qui faisait de ce type de vente, une vente par lots. Par conséquent, pour le consommateur moyen, il importe de connaître le prix de chacun des éléments composant le lot, et précisément le prix des logiciels qui augmente artificiellement le prix du matériel. La motivation de la Cour était donc contraire :
    • aux dispositions de la directive qui précisent expressément que le prix est un élément substantiel dont le consommateur doit être tenu informé (cf. les actions et surtout, les omissions trompeuses prévues par l’article 7) ;
    • aux dispositions de l’article L. 113-3 du Code de la consommation et à la réglementation spécifique de l’arrêté du 3 décembre 1987 qui prévoit d’informer spécifiquement le consommateur de chacun des éléments composant un lot, séparément du prix du lot.
  • Erronée encore, parce qu’il faut aussi rappeler que le paragraphe 29 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE prohibe formellement le fait d’ « Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). » Dans cette hypothèse, le prix global importe peu s’il est fixé par le biais d’une pratique commerciale réputée déloyale en toutes circonstances ! [4]

Je ne peux donc pas partager les différentes interprétations que je peux lire sur le sujet et notamment celle d’Étienne PETIT (relayée par Le Monde Informatique) laquelle laisse à penser qu’il y aurait deux visions du consommateur moyen : celle du « consommateur lambda » selon lui retenue par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 26 novembre 2009, et celle du consommateur ayant « un tout autre profil : une personne plutôt jeune, internaute actif, parfois GEEK, parfois anti World Cie, parfois simplement économe, qui maîtrise l’informatique et est prête à rechercher sur le Net, par conviction ou par souci d‘économie, des logiciels libres, gratuits ou non, ou des versions pirates des logiciels usuels… » comme l’aurait selon lui retenu la Cour de Versailles dans son arrêt du 5 mai 2011.

Contrairement à ce qu’il indique, il n’existe pas deux consommateurs moyens. Il y a simplement une Cour d’appel, celle de Paris, qui a fait une erreur en oubliant de relever que le prix des logiciels revêtait un caractère substantiel, en cachant tout cela derrière les prétendues intentions générales du consommateur moyen.

Au demeurant, je rappelle que le consommateur moyen est une personne qui s’ouvre au monde, qui est raisonnablement informée des usages qui se pratiquent autour d’elle, sans avoir de connaissances techniques en particulier dans le domaine en cause.

Dès lors, en prétendant que la cour d’appel de Versailles n’aurait pas pris en compte un consommateur moyen, mais un geek, on voudrait nous faire croire que ceux qui sont simplement informés qu’il existe des alternatives tout à fait crédibles aux systèmes Windows imposés par les fabricants, seraient des consommateurs avertis en informatique. Outre le fait que c’est faux, c’est surtout prendre, a contrario, les consommateurs moyens pour des imbéciles, car c’est supposer qu’ils achètent bêtement leur ordinateur sans se poser aucune question.

En effet, il existe dans le paysage informatique plusieurs centaines de systèmes d’exploitation concurrents de ceux de la firme de Redmond, et il n’y a pas besoin d’être un geek pour savoir que « Linux » et les « logiciels libres » existent : qui peut croire que personne ne connaît ces mots, ou ignore l’existence des « Mac » (qui sont issus de la même famille, unix) qu’on trouve dans les Iphone ou Ipad et qui inondent les rayons des magasins, les systèmes Google Android des tablettes tactiles ou des smartphones qui sont sous linux et pleinement fonctionnels ? De plus en plus de consommateurs se tournent vers des distributions Linux comme Ubuntu, Suse, Mandriva, Fedora ou d’autres moins connues mais tout aussi prometteuses comme Mageia.

Une fois que l’information a été donnée, les consommateurs moyens retiennent que Linux est simple, fiable, nettement moins cher (la plupart des distributions Linux sont gratuites) et exempt de virus, des qualités qui ne sont pas vraiment au rendez-vous avec les systèmes préinstallés de Windows.

Quant à l’argument selon lequel il faudrait maîtriser l’informatique pour installer une distribution Linux, c’est un argument qui n’a plus cours aujourd’hui pour peu qu’on veuille bien essayer d’en installer une dans des conditions identiques, soit à partir d’un disque dur vierge et non pas « par dessus » un système d’exploitation Windows déjà préinstallé par un fabricant : imaginez donc un monde inverse, où Linux serait préinstallé d’office par tous les fabricants et essayez d’installer par dessus un système d’exploitation Windows… vous en conclurez certainement que Windows est un outil de geek !

En ce qui me concerne, je constate que l’immense majorité des clients qui me saisissent pour demander le remboursement des logiciels dont on leur a extorqué le prix à leur insu, ne sont pas des consommateurs avertis, bien au contraire. Ce sont des gens qui font attention à leur budget, qui lisent la presse généraliste et cela va de l’étudiant au retraité. Ils n’ont aucunement l’intention d’utiliser les logiciels préinstallés d’architecture Windows et les effacent purement et simplement en installant Linux à partir d’un support vierge.

Par conséquent, et comme l’a très bien écrit Ghislain Poissonnier dans la Gazette du Palais [5] :

« L’intérêt objectif du consommateur est donc bien d’empêcher les fabricants de “l’obliger” à acheter un ordinateur “tout compris” »

En dernier lieu, un élément notable est à souligner dans la décision de Toulouse contre DELL. Le juge estime en effet que l’achat fait par Monsieur VERMEL dans ces conditions avait diminué son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause et constituait une pratique commerciale non seulement déloyale, mais également fautive au sens de l’article 1382 du Code civil, ce qui ouvrait droit à la réparation du préjudice qu’il avait subi.

Certes, la réparation accordée n’est pas à la hauteur, le juge ayant manifestement oublié que Monsieur VERMEL avait dû faire un procès pour faire respecter ses droits les plus élémentaires, mais c’est là encore la première fois qu’un tribunal prononce une condamnation à des dommages et intérêts pour ce motif. Et c’est bien le minimum puisque ces pratiques commerciales déloyales sont sanctionnées pénalement !!

4. Ces décisions sont-elles totalement satisfaisantes ?

Malheureusement pas encore, puisque le Code de la consommation précise que « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. », tout comme les pratiques commerciales illicites de ventes et prestations de services sans commande préalable. Bien que les sanctions aient été demandées devant la juridiction de proximité de Toulouse contre DELL, le juge n’a sans doute pas osé aller jusque là. Pour la Cour de Versailles, il semble qu’aucune demande n’avait été faite sur ce point.


5. Notes

[1] Juridiction de proximité d’Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono ¢ Acer

[2] Juridiction de proximité de Lorient, 27 août 2009, Magnien ¢ Asus

[3] Juridiction de Proximité d’Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono ¢ Acer

[4] Paragraphe 29 de l’annexe I de la directive du 11 mai 2005 intégré dans le Code de la consommation avec les lois du 3 janvier et 4 août 2008 à l’article L. 122-11-1, 6° et finalement déplacé à l’article L. 122-3 par la dernière loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, article 45 (NOR : BCRX0929142L)

[5] Arrêt Pétrus ¢ Lenovo par Ghislain Poissonnier : une évolution encourageante

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Perrono ¢ Acer : les logiciels ne sont qu’une option et les imposer est une vente liée.

jurisprudanceDans une nouvelle décision en date du 17 février 2011, le juge de proximité du tribunal d’instance d’Aix-en-Provence a statué sur la subordination de vente entre le matériel informatique et les logiciels préinstallés. Commentaire par Maître Provost.


1. Faits et procédure

Monsieur Perrono a fait l’acquisition d’un ordinateur sur lequel étaient préinstallés un certain nombre de logiciels, dont un système d’exploitation Windows et d’autres logiciels. Faute de pouvoir obtenir le remboursement des logiciels, il a saisi seul la juridiction de proximité par déclaration au greffe.

À la lecture de la décision, on s’aperçoit qu’une évolution du litige est intervenue en cours de procédure. En effet, après avoir rappelé dans l’« exposé du litige » que Monsieur PERRONO avait saisi la juridiction d’une demande de remboursement d’un montant de 120 € au titre du système d’exploitation et de 40 € pour un logiciel, ainsi que d’une demande à hauteur de 300 € au titre des frais de procédure, le juge a finalement condamné ACER à lui payer les sommes de 130 € pour le système d’exploitation, 320 € pour les autres logiciels et 600 € au titre des frais de procédure.
Le juge ne pouvant accorder plus que ce qui a été demandé, cela signifie que les demandes ont été revues à la hausse en cours de procédure, ce qui m’a été confirmé.

2. La motivation du juge de proximité

Cette décision est juridiquement confuse et insuffisamment motivée. Deux idées se dégagent cependant :

  • Le juge constate d’abord que le matériel et les logiciels sont deux entités distinctes. Il en tire la conséquence que les logiciels préinstallés ne sont que « des options auxquelles l’acheteur n’est pas tenu d’adhérer », d’autant plus que les logiciels applicatifs ne fonctionnent que grâce au système d’exploitation lui même préinstallé (l’expression « matériel WINDOWS » utilisée en fin de page 2 étant manifestement une erreur de plume).
  • De ce constat, le juge en déduit que le fait d’imposer au consommateur une procédure de désinstallation de ces logiciels en option (le mot « matériel » utilisé est là encore une erreur de plume), qu’il a préalablement estimée « lourde », l’empêche d’acquérir l’ordinateur seul et est donc contraire aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation interprété à la lumière de la dernière jurisprudence de la cour de cassation [1] reprenant en cela la directive 2005/29/CE.

Le juge de proximité condamne donc ACER à payer au demandeur les sommes de 130 € au titre du système d’exploitation et 320 € au titre des logiciels applicatifs préinstallés.

3. Le matériel et les logiciels sont-ils deux « entités » différentes ?

La réponse est positive : l’ordinateur est un bien matériel qui fait l’objet d’un contrat de vente, alors que la fourniture de logiciels est une prestation de services. Sur ce point, la décision est conforme à la position de la jurisprudence (Cour de cassation et juridictions du fond).

4. Monsieur PERRONO disposait-il d’un matériel « inutilisable » comme l’a retenu le juge ?

Il faut replacer cette appréciation dans son contexte, sans s’arrêter à la formulation un peu abrupte de la décision. Pour un juge, le critère d’appréciation est le « consommateur moyen », ce qu’était Monsieur PERRONO à la lecture de la décision. Ce dernier s’était plaint de n’avoir eu que deux choix : accepter le contrat de licence du système d’exploitation ou renvoyer sa machine chez le fabricant pour qu’il soit procédé à sa désinstallation. Il y a donc bien une contrainte quasiment insurmontable pour un consommateur moyen qui ne peut pas utiliser immédiatement son matériel, ce qui entrave sa liberté de choix. C’est en cela que le juge a pu retenir que le matériel était « inutilisable ».

Bien sûr, un autre système d’exploitation pouvait être installé. Mais la procédure mise en place par les fabricants comme ACER conditionne le versement d’une somme forfaitaire au retour de la machine en atelier pour procéder à la désinstallation du système d’exploitation. Dès lors, en procédant lui-même à la suppression du logiciel, le consommateur prendrait le risque de perdre toute possibilité de se faire indemniser par le fabricant et rendrait le passage par les tribunaux quasiment obligatoire. Le consommateur est donc bien “pieds et poings liés” à des logiciels qu’il n’a pas souhaités, contrairement à ce que certains commentateurs avaient estimé [2].

5. La procédure de désinstallation était-elle lourde ?

Le juge a estimé que c’était le cas, non seulement parce que les logiciels ne sont que des options auxquelles le consommateur n’est pas tenu d’adhérer, mais également parce qu’elle ne prévoit pas d’indemniser le consommateur pour l’indisponibilité du matériel pendant toute la durée de la procédure de désinstallation en atelier. Le juge relève également que Monsieur PERRONO a contestait la somme de 60 € proposée par le fabricant, qu’il estimait insuffisante.

6. Quelle est cette « indemnisation forfaitaire » ?

Rares sont les décisions qui utilisent cette terminologie. C’est en général le terme de « remboursement » qui est utilisé, alors qu’il n’est pas exact. S’il est celui utilisé par les fabricants qui ont mis en place une procédure de désinstallation à l’issue de laquelle ils vont verser quelques euros au consommateur pour les logiciels dont il demande le remboursement, il ne peut cependant pas correspondre à un remboursement au sens juridique du terme. En effet, faute de savoir le montant qu’il a payé au titre des logiciels inclus dans le prix du matériel, le consommateur ne peut pas vérifier que la somme versée est bien celle qu’il a déboursée ! Le terme d’indemnisation forfaitaire utilisé démontre que la question de la dissimulation du prix a été abordée et que le juge a estimé que le montant proposé n’était pas un remboursement.
Il est toutefois regrettable que le juge n’ait pas développé l’idée qui se cache derrière cette terminologie, car ce point méritait d’être abordé en profondeur.

7. La nouvelle lecture de l’article L. 122-1 du Code de la consommation.

Sur ce point, la décision est trop légèrement motivée. Le juge de proximité estime que l’impossibilité pour l’acheteur de se procurer la machine seule constitue une vente liée au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation du 15 novembre 2010. Si ce raccourci est juridiquement exact, il demeure un peu court.

En effet, dans son arrêt du 15 novembre 2010, la Cour de cassation a rappelé que, conformément à la jurisprudence de la CJCE du 23 avril 2009, les juges du fond devaient rechercher, au terme d’une analyse au cas par cas, si la pratique commerciale dénoncée par le consommateur était ou non déloyale au regard des critères posés par la directive 2005/29/CE (articles 5 à 9) dès lors qu’elle ne figurait pas dans la liste noire de l’annexe I.

Les ventes conjointes ou subordonnées ne faisant pas partie de cette annexe I, le juge de proximité aurait dû en conclure que compte tenu des circonstances de l’espèce, il y avait non seulement une vente liée, mais également et par conséquent, une pratique commerciale déloyale au regard des critères posés par la directive. Et s’il avait été complet, il aurait même dû préciser quels étaient les critères d’appréciation de la directive susceptibles de s’appliquer au cas d’espèce (articles 5 à 9 de la directive).

8. Quels sont les autres moyens auquel le juge fait référence ?

Le juge de proximité a évacué trop rapidement « les autres moyens » manifestement soulevés au cours des débats, sans les avoir jamais rappelés dans l’exposé des prétentions de chacune des parties, ce qui n’est pas conforme aux dispositions du Code de procédure civile.

Après avoir obtenu les éléments renseignements nécessaires, il s’est avéré qu’avaient été soulevées toutes les questions relatives à la qualification des pratiques commerciales déloyales, ainsi qu’une demande de dommages et intérêts en découlant. Mais le juge n’a pas répondu aux conclusions sur ce point, ce qui est regrettable. Une voie de recours aurait pu être exercée pour faire trancher ces questions.

Sur la demande de dommages et intérêts, le juge a estimé que Monsieur PERRONO ne justifiait pas d’un préjudice direct et certain. Cette motivation est contestable car les pratiques commerciales déloyales sont sanctionnées précisément parce qu’elles ont pour effet de modifier de façon substantielle le comportement économique du consommateur qui n’aurait pas pris la décision qu’il a prise s’il avait pu faire autrement.

En conclusion, cette décision est encourageante malgré une motivation insuffisante, car elle aborde de façon pragmatique certains problèmes :

  • la distinction entre le matériel et les logiciels ;
  • les logiciels sont des options auxquelles le consommateur n’est pas tenu d’adhérer ;
  • L’article L. 122-1 du Code de la consommation doit être lu à la lumière des pratiques commerciales déloyales posées par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005.

Commentaire par Maître Provost.

9. À lire également


10. Notes

[1] Cass. Civ. 1re, 15 nov. 2010 : Pétrus ¢ Lenovo France, arrêt n° 995

[2] Le consommateur est-il pieds et poings liés à son logiciel ? Focus par Jean-Philippe FELDMAN : Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, alerte 39, Lexisnexis.fr

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Arrêt Pétrus vs Lenovo par Ghislain Poissonnier : une évolution encourageante

Justice symbol glossy buttonMalgré le caractère relativement confidentiel des ventes subordonnées dans l’océan du droit de la consommation, l’arrêt Pétrus du 15 novembre 2010 n’a logiquement pas laissé indifférents quelques commentateurs.

Pour ceux qui sont abonnés à la Gazette du Palais (lextenso.fr), je vous invite à lire l’article intitulé « Vers des critères plus objectifs en matière d’exception à la règle de l’interdiction de la vente liée » écrit par Ghislain Poissonnier, Magistrat, notamment spécialisé en droit de la consommation, publié dans l’édition des 16 et 17 février 2011. Mais pour ceux qui ne sont pas abonnés, je n’ai pas d’autre solution que de vous faire un résumé de ses propos, car les éditions Lextenso m’ont refusé la publication en ligne d’une reproduction de cet article.


Je ne suis pas partisan de paraphraser cet excellent article. Je vais donc me contenter de vous en faire un rapide résumé et d’insister sur les quelques points qui ont retenu mon attention par rapport aux autres commentaires que j’ai déjà pu lire sur le sujet.

Dans le premier titre de son article, Ghislain Poissonnier revient sur « la fin de la règle en droit français de l’interdiction absolue de la vente liée ».

L’auteur rappelle d’abord le principe et le domaine de la prohibition absolue des ventes subordonnées posée, en son temps, par l’article L. 122-1 du Code de la consommation, dont l’alinéa 1 dispose que :

« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit. »

Il est appréciable de trouver une interprétation rigoureuse de cet article. En effet, on lit trop souvent que l’interdiction de la subordination de vente serait susceptible de recevoir une exception, tenant à l’existence d’un motif légitime lié à l’intérêt du consommateur. Il s’agit cependant d’une interprétation erronée. En matière de vente subordonnée matériel-logiciels, elle a pourtant été astucieusement invoquée à plusieurs reprises par les fabricants de matériel informatique ou par les distributeurs, et les juges lui ont prêté une oreille favorable [1], au détriment des consommateurs.

La formulation de l’article est pourtant claire : seuls les refus de vente sont susceptibles de recevoir l’exception tirée d’un motif légitime, et non pas les subordinations de vente. C’est ce que rappelle fort justement Ghislain Poissonnier :

« Cette disposition qui figure dans une section du Code de la consommation dédiée aux “refus et subordination de vente ou de prestations de services”, dans un chapitre consacré aux “pratiques commerciales illicites”, prohibe, par dérogation au droit commun, le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’un autre produit. Il s’agit d’une prohibition générale et préventive. Ce texte s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris financiers, destinés aux consommateurs. »

Quoiqu’il en soit, même si l’article prévoyait qu’un motif légitime soit susceptible de constituer une exception à la prohibition des ventes liées, et à supposer également que la pratique de vente forcée de produits fournis par le professionnel et non demandés par le consommateur ne soit pas interdite par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, ce qui n’est pas le cas, je pense qu’il serait totalement contraire à l’intérêt du consommateur de se voir imposer la préinstallation de logiciels avec l’achat de matériel informatique.

D’une part sur le plan économique, car il existe dans le paysage des systèmes d’exploitation plusieurs dizaines de candidats susceptibles de correspondre aux besoins des consommateurs (sur plusieurs centaines de systèmes d’exploitation environ, toutes architectures confondues). Certains sont même bien plus fiables que les produits Microsoft qui sont systématiquement vendus dans les configurations destinées au grand public et les consommateurs ont pu s’en rendre compte un peu lors de la sortie des netbooks qui étaient équipés en grande majorité de distibutions Gnu/linux plus légères (avant que Microsoft n’allège Windows XP et ne revoie sa politique tarifaire auprès des fabricants…).
L’étouffement systématique de cette concurrence par le biais de la préinstallation prive notre économie d’un certain nombre d’emplois et les entreprises concernées d’une part de développement (sur les SE, les services, etc.). La société française Mandriva, qui était le leader Européen des systèmes d’exploitation, en a d’ailleurs fait les frais puisqu’elle s’est retrouvée sous plan de continuation en 2003 et a fini par se séparer en 2010 des 15 salariés qui concevaient le cœur de son système d’exploitation, après avoir déclaré la cessation des paiements de l’une des entités du groupe qui les employait (la société Edge-IT).

D’autre part, sur le plan informatique, car installer un système d’exploitation à partir d’un disque dur vierge est aujourd’hui une opération relativement simple, surtout dans les environnements GNU/Linux les plus populaires (Ubuntu, OpenSUSE, Fedora, Mandriva, Gentoo, etc.), l’utilisateur pouvant globalement se contenter de cliquer sur le bouton « suivant » sans se soucier d’avoir à installer des dizaines de pilotes logiciels comme nous étions habitués à le faire auparavant sous Windows (ce qui ne semble plus être le cas avec Windows 7).

Ghislain Poissonnier précise quant à lui :

« (…) ce procédé présente un double danger pour le consommateur. Ce dernier risque, en premier lieu, d’acquérir plusieurs biens, le forçant ainsi à un achat inutile, alors qu’il peut seulement avoir besoin de l’un d’entre eux. Il s’agit alors d’une atteinte à son libre choix, notamment à sa liberté de pouvoir acheter des produits en quantité limitée ou à l’unité.
S’agissant des logiciels préinstallés sur les ordinateurs, les offres proposées, qui consistent en un jumelage de deux produits dont il est fait un lot indivisible, heurtent la liberté du consommateur d’utiliser ou non lesdits logiciels et son droit d’acheter ou non d’autres logiciels que ceux préinstallés. Et le consommateur a souvent, en second lieu, la croyance qu’en achetant en quantité ou par lot, le prix sera moins élevé. Or, l’avantage-prix n’est pas constitutif de la vente par lot et il peut se faire que le prix du lot soit moins avantageux que le prix du bien acheté à l’unité ou séparément. Là encore, s’agissant des logiciels préinstallés, le consommateur a qui le vendeur a imposé le choix des logiciels est bien en peine de faire jouer la concurrence et de comparer les prix. L’intérêt objectif du consommateur est donc bien d’empêcher les fabricants de “l’obliger” à acheter un ordinateur “tout compris” »

Et je partage évidemment son avis.

Le deuxième titre de l’article de Ghislain Poissonnier est intitulé « Le caractère illégal d’une vente liée doit être apprécié par le juge au regard des critères du droit communautaire ».

Après avoir brièvement évoqué le fait que la directive 2005/29/CE fournissait tous les éléments nécessaires à l’appréciation des pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs, l’auteur revient sur l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 qui a retenu que la directive devait être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques au cas d’espèce, interdit toute offre conjointe (ventes subordonnées, en France).

En effet, comme je l’avais souligné dans le commentaire que j’avais rédigé à l’époque à propos de cette décision, le droit Européen prime le droit français en vertu du principe dit de la hiérarchie des normes. Il s’ensuit que lorsqu’une directive européenne arrête et définit des comportements prohibés de la part des entreprises en direction des consommateurs, les états ne peuvent adopter une réglementation nationale qui serait plus sévère que les dispositions de la directive.

L’annexe I de la directive 2005/29/CE fait une liste exhaustive des « Pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances », ce qui signifie qu’en dehors de ces cas prévus par l’annexe I, le juge doit alors procéder à une analyse au cas par cas des pratiques commerciales déloyales au regard des articles 5 à 9 de la directive.

Et Ghislain Poissonnier ajoute sur ce point :

« prenant acte de cette position de la CJCE, la Cour de cassation en déduit (comme indiqué dans le visa de l’arrêt du 15 novembre 2010) que l’article L. 122-1 du Code de la consommation qui interdit les ventes liées sans tenir compte des circonstances spécifiques doit être appliqué à la lumière de la directive et donc dans le respect des critères énoncés par elle ».

Les juges du fond devront donc procéder à une analyse dite in concreto du comportement du professionnel (fabricant, distributeur, etc.) et des circonstances spécifiques entourant la vente, pour savoir s’il ils sont susceptibles d’altérer de façon substantielle le comportement économique du consommateur face à des produits ou des services. « C’est ce que le juge de Tarascon avait oublié de faire », conclut Ghislain Poissonnier.

Et c’est ce que commencent à faire les juridictions du fond, ce qui fera l’objet d’un prochain billet.

À lire sur ce thème :


Notes

[1] cf. notamment : T. Corr. Montpellier, 17 juin 2008 : MP vs Dell Southern Europe ; TGI Paris, 24 juin 2008 : UFC – Que Chosir vs Darty & Fils

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Arrêt Guerby vs Darty du 15 novembre 2010 : la Cour de cassation étend sa jurisprudence

jurisprudanceDans un autre arrêt rendu le 15 novembre 2010, la première Chambre civile de la Cour de cassation a de nouveau statué sur la question de la vente de matériel informatique avec des logiciels préinstallés.

Par cette décision, la Cour de cassation a manifestement entendu généraliser sa jurisprudence sur la lecture à avoir de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, puisqu’après s’être prononcée sur le cas des assembleurs dans l’arrêt Prétrus, elle adopte le jour même une solution identique à l’égard des revendeurs, ici la société DARTY.

Voici quelques explications.

Cass. Civ. 1re, 15 nov. 2010, arrêt n° 994, pourvoi n° 08-20227 FS-D


 

1. Rappel des faits et de la procédure de première instance.

Le 6 juin 2006, Monsieur GUERBY a fait l’acquisition de matériel informatique auprès de la société DARTY & FILS, en l’espèce un ordinateur portable TOSHIBA à 799 € qui était préinstallé d’un certain nombre de logiciels.

Lors de son achat, Monsieur GUERBY avait pourtant indiqué au vendeur qu’il ne souhaitait pas acquérir et payer ces logiciels (le système d’exploitation Microsoft windows XP, Microsoft Works 8), car il n’avait aucune intention de les utiliser. Mais il lui avait été répondu qu’il était impossible de vendre la machine sans ces logiciels et d’en réduire le prix en conséquence.

Monsieur GUERBY a donc saisi la juridiction de proximité le 19 octobre 2006 en demandant la condamnation de la société DARTY à lui payer la somme de 359 € au titre du prix des logiciels préinstallés, ainsi que 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles (article 700 du Code de procédure civile).

La société DARTY a pour sa part demandé que Monsieur GUERBY soit débouté de sa demande, subsidiairement, le cantonnement de sa condamnation à une somme comprise entre 10 et 25 % du prix de l’ordinateur et la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

2. La décision du Juge de proximité.

De façon tout à fait laconique, le juge s’est contenté de relever qu’à la suite de sa demande, Monsieur GUERBY avait été informé par la société DARTY qu’il était impossible de vendre l’ordinateur sans les logiciels et de réduire le prix en conséquence. Il a donc retenu :

Que dès lors, Monsieur GUERBY reconnaît avoir été parfaitement informé de son achat,Qu’il a eu le choix d’acheter ou non,Qu’au regard de l’article 1235 du Code civil, aucune condition de la répétition de l’indû n’est réunie,Qu’en conséquence, Monsieur GUERBY sera débouté de ses demandes, faute de fondement juridique.

3. Quelques mots de commentaires.

Il faut bien reconnaître que ce jugement, on ne peut plus laconique, est particulièrement décevant et mal motivé, alors qu’aux termes de l’article 455 du Code de procédure civile, les juges doivent motiver les jugements qu’ils rendent.

En retenant que le consommateur aurait fait son choix en connaissance de cause, le juge de proximité s’est contenté de se placer sur le seul terrain juridique des vices du consentement issus du Code civil. Il a estimé que le consentement de Monsieur GUERBY n’avait pas été vicié lors de son achat, car DARTY l’avait informé du fait que le matériel n’était vendu qu’avec des logiciels.

Or, c’est oublier un peu vite les règles spéciales issues du Code de la consommation (lesquelles priment sur la règle générale selon l’adage specialia generalibus derogant) qui traitent cette question spécifique des vices du consentement au travers des pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs.

C’est également méconnaître la réalité du marché et les problèmes auxquels les consommateurs se trouvent confrontés, parfois sans le savoir, lors de l’achat de matériel informatique et plus particulièrement d’un ordinateur portable. Car, ne l’oublions pas, si les consommateurs peuvent choisir leur matériel dans les moindres détails, tant l’offre est variée (on choisit la taille de son écran, la capacité et les caractères matériels du disque dur, on regarde l’autonomie, la carte graphique pour les joueurs nomades, la quantité de mémoire vive, les performances du processeur, etc.), ils ne choisissent pas les logiciels qui sont préinstallés, sans qu’ils les aient jamais demandés, sur le matériel. Pire, ils ne peuvent pas non plus choisir de ne pas les payer avec la machine qu’ils convoitent.

Fort heureusement, Monsieur GUERBY ne s’est pas satisfait de cette mauvaise décision et a formé un pourvoir en cassation à son encontre.

4. L’arrêt de la Cour du 15 novembre 2010.

Dans son arrêt, la Cour de cassation a retenu :

Attendu que pour rejeter cette demande, la juridiction de proximité a retenu que M. Guerby reconnaissait dans ses écritures que lors de son achat il ne souhaitait pas acquérir et payer les logiciels préinstallés « Microsoft Windows XP » et « Microsoft Works 8 » vendus avec ce portable au motif qu’il n’en avait pas l’utilité ni l’intention de les utiliser que le vendeur a indiqué qu’il était impossible de vendre l’ordinateur sans ces logiciels et de réduire le prix en conséquence, que dès lors M. Guerby reconnaissait avoir été parfaitement informé lors de son achat, qu’il a eu le choix d’acheter ou non et qu’aucune condition de l’article 1135 du Code civil n’est remplie ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Guerby qui soutenait qu’ayant proposé à la vente un produit composé d’un ordinateur et de logiciels préinstallés, sans offrir au consommateur la possibilité de n’acheter que le seul ordinateur, la société Darty avait procédé, avant l’expiration du délai de transposition de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, à une vente liée prohibée par l’article L. 122-1 du code de la consommation, justifiant la résolution partielle du contrat et le remboursement du prix des logiciels qui ne lui étaient d’aucune utilité, la juridiction de proximité n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »

5. Portée de l’arrêt de la Cour de cassation

Dans la droite ligne de l’arrêt Pétrus qui concernait les fabricants de matériel informatique (la société Lenovo), la Cour de cassation vient appliquer dans un arrêt du même jour, la même solution aux revendeurs de matériel informatique, en rappelant aux juridictions du fond le sens de la lecture de l’article L. 122-1 du Code de la consommation depuis ladirective 2005/29/CE « relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ».

Elle précise que quelle que soit l’entreprise (fabricants, revendeurs, etc. soit les professionnels en général), il convient de procéder à une analyse in concreto des circonstances spécifiques entourant la vente du matériel, afin de vérifier si la pratique commerciale dénoncée par les consommateurs n’entre pas dans les prévisions de la directive 2005/29/CE, laquelle décrit les comportements des entreprises susceptibles d’être sanctionnés.

Dans la présente affaire, la Cour de cassation a reproché au juge de proximité de Paris d’avoir, dans un jugement en date du 25 septembre 2008, débouté Monsieur GUERBY sans vérifier si la pratique commerciale de la société DARTY qu’il dénonçait, ne constituait pas une subordination de vente au sens de l’article L. 122-1 du Code de la consommation interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005, même si elle n’avait encore fait l’objet d’aucune transposition à l’époque (la transposition devait intervenir au plus tard le 12 juin 2007 pour être mise en application au plus tard le 12 décembre 2007, mais n’interviendra dans notre droit qu’au terme de loi 2008-3 du 3 janvier 2008 (consolidée le 3 juillet 2010) ainsi que la loi de modernisation de l’économie (LME) n° 2008-776 du 4 août 2008).

De par le principe dit de la « hiérarchie des normes », le droit européen prime le droit national. Dans un arrêt du 23 avril 2009, la Cour de Justice des Communautés Européennes (qui deviendra la CJUE peu de temps après) avait dit pour droit qu’un État membre de l’union ne pouvait adopter une réglementation plus stricte que celle prévue par les directives européennes. Elle avait donc sanctionné l’article 54 de la loi de 1991 de la loi belge qui posait une prohibition de principe des offres conjointes, sans tenir compte des circonstances de l’espèce (cf. mon commentaire).

À l’époque, et encore récemment, de nombreux commentateurs en avaient hâtivement conclu qu’il s’agissait de la fin de la prohibition des ventes subordonnées. À tort, car la seule chose qui est interdite est l’adoption par un État membre d’une réglementation plus stricte que les dispositions prévues par la directive.

L’article L. 122-1 de notre Code de la consommation était directement concerné en ce qu’il pose lui aussi une interdiction de principe des ventes subordonnées, sans tenir compte des circonstances de l’espèce. La Cour de cassation a précisé avec l’arrêt Pétrus que ce texte devait être interprété à lumière de la directive 2005/29/CE, selon la lecture donnée par la Cour de Justice dans son arrêt du 23 avril 2009.

Ainsi, comme pour l’arrêt Pétrus, il importe peu que les ventes subordonnées ne soient pas expressément visées dans l’annexe I de la directive 2005/29/CE qui établit la « liste noire » des pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, la Cour de cassation rappelant une nouvelle fois que les juges du fond doivent vérifier si la pratique commerciale dénoncée par le consommateur n’est pas susceptible de correspondre à l’une des pratiques commerciales interdites, dont la directive nous donne tous les critères d’appréciation (appréciation au cas par cas au regard des articles 5 et 9 de la directive).

En l’espèce, Monsieur GUERBY avait soutenu devant le Juge de proximité que le fait de vendre du matériel avec des logiciels préinstallés constituait une vente liée au sens de l’article L. 122-1 du Code de la consommation. Sans tenir compte de la directive qui précédait sa décision depuis plusieurs années, le juge l’avait débouté en estimant qu’il avait été informé de cette vente subordonnée, mais qu’il avait fait un choix en connaissance de cause en décidant d’acheter le matériel !

Vous l’avez compris, le juge de proximité de Paris aurait dû vérifier si la vente de matériel informatique avec des logiciels préinstallés était une pratique commerciale susceptible d’entrer dans la définition prévue par la directive 2005/29/CE.

Et clairement, la directive donne tout ce qu’il faut pour faire sanctionner les pratiques commerciales déloyales des professionnels.

Au sens de cette directive, une pratique commerciale est déloyale si elle réunit deux conditions cumulatives, à savoir une contrariété aux exigences de la diligence professionnelle et une altération, effective ou potentielle, substantielle du comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse.

Elle précise en son article 8 que :

« Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

L’article 9 (§ d) de la directive définit les notions de harcèlement, de contrainte et d’influence injustifiée eu égard au comportement du professionnel, en tenant compte notamment de :

« Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur. »

Or, en imposant aux consommateurs systématiquement les mêmes logiciels avec chaque matériel différent, en ne les mettant pas en mesure de ne pas acheter les logiciels avec le matériel qu’ils ont choisi, les constructeurs et les revendeurs modifient le comportement économique des consommateurs qui ne peuvent plus faire leur choix, car pour pouvoir acheter le matériel le matériel qu’ils convoitent, ils doivent nécessairement payer les logiciels.

De même, en dissimulant le prix des logiciels derrière une artificielle « offre commerciale unique » ou un « produit unique » , alors que le matériel et les logiciels sont, tant par nature que par leur régime juridique, deux éléments parfaitement distincts, les professionnels altèrent la liberté de choix des consommateurs.

Enfin, il faut aussi rappeler que l’annexe I de la directive 2005/29/CE qui dresse la liste noire des « pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances » répute agressive la pratique commerciale consistant à :

« 29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). ».

Les « ventes subordonnées » de l’article L. 122-1 du Code de la consommation doivent donc se lire à la lumière des dispositions de la directive 2005/29/CE et c’est donc une analyse in concreto qui doit être faite par le juge, pour chacun des consommateurs qui va en justice, ce que le Juge de proximité de Paris n’avait pas fait.

J’ajoute à titre personnel, qu’il ne faut pas se méprendre sur l’apparente facilité à mettre en œuvre ces règles. Je discute souvent avec des consommateurs qui pensent pouvoir faire face seuls, devant un juge, à une telle argumentation. Or, la pratique démontre qu’ils ont tort et que les décisions qui leur sont rendues sont mauvaises car ils n’ont pas su expliquer le problème. Ce débat qui mêle informatique et droit de la consommation est technique et la résistance des constructeurs, très forte.

6. À lire sur ce thème

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Arrêt Pétrus vs Lenovo du 15 novembre 2010 : la Cour de cassation rétablit l’équilibre à l’égard des consommateurs

Le 15 novembre jurisprudence2010 (arrêt n° 995, pourvoi n° 09-11.161, publié sur son site), la première Chambre civile de la Cour de cassation a rendu un arrêt fondamental relatif aux pratiques commerciales déloyales des constructeurs assembleurs de matériel informatique qui vendent aux consommateurs qui pourtant ne les demandent pas, un nombre important de logiciels allant du système d’exploitation Microsoft jusqu’aux logiciels applicatifs sous architecture Windows (un antivirus, pour patcher la passoire Windows, plusieurs traitements de texte, des logiciels de traitement d’images, etc., et ce sans compter les multiples utilitaires).

Pourquoi l’arrêt de la Cour de cassation est-il fondamental ?


1. Rappel des faits et de la procédure.

Le 25 mars 2008, Monsieur PETRUS a saisi le Juge de proximité de TARASCON aux fins de voir condamner la société LENOVO à lui payer la somme de 404,81 € au titre du remboursement des licences de l’ensemble des logiciels préinstallés sur son matériel informatique.

Monsieur PETRUS a rappelé qu’il avait fait l’acquisition d’un matériel informatique de marque LENOVO (un ordinateur portable) le 6 décembre 2007, que le 15 décembre suivant il avait écrit à l’assembleur pour lui indiquer que s’il était satisfait de son matériel, il n’avait en revanche aucune utilité de l’ensemble des logiciels qui y étaient préinstallés et qu’il avait donc demandé le remboursement des logiciels comme les termes CLUF l’y invitaient en cas de refus d’acceptation de la licence du système d’exploitation hôte.

En réponse, la société LENOVO lui a rappelé en substance que la présentation commerciale lui avait été clairement indiquée et que ce matériel n’était vendu qu’avec un certain nombre de logiciels préinstallés faisant partie intégrante du produit mis en vente de sorte qu’il ne pouvait ignorer la nature exacte du produit au moment de l’achat. Elle a ajouté que le distributeur offrait la possibilité de choisir tous les composants d’un PC et fournissait en outre un service d’assemblage et que par conséquent, elle ne donnerait pas suite à sa demande de remboursement.

Monsieur PETRUS estimait pour sa part que la position de la société LENOVO était contraire à l’article L. 122-1 du Code de la consommation et que le CLUF du système d’exploitation Microsoft lui indiquait la possibilité de se faire rembourser. LENOVO s’opposait à cette argumentation en prétendant que Monsieur PETRUS faisait une confusion « entre les ventes liées de produits distincts et séparés et la vente de produits complexes d’un ensemble de composants indispensables à la définition du produit telle que voulue par le constructeur » et que le « désaccord sur les termes de la licence […] » permettait à « l’acheteur de retourner les marchandises contre remboursement » (sous entendu, le matériel et les logiciels).

Le Juge de proximité de TARASCON a alors estimé devoir traiter cette question sous l’angle juridique du vice du consentement, pour savoir s’il pouvait y avoir erreur ou dol au choix fait par Monsieur PETRUS. Et pour le débouter de sa demande, il a retenu :

« Attendu que l’accord des parties s’est fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi.
Attendu qu’en effet, il est démontré que les fiches techniques de l’ordinateur que le demandeur verse au dossier et qu’il a pu consulter préalablement à son acquisition précise pour ce qui concerne les logiciels qu’ils sont intégrés au produit.Attendu que le demandeur avait, l’acquisition effectuée, la possibilité comme le précisait le CLUF, de se faire rembourser les marchandises s’entendant du produit dans sa globalité et non tel ou tel élément de choix de l’acquéreur En conséquence, il sera jugé que la société LENOVO ne contrevient pas aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation en proposant à la vente des ordinateurs prééquipés de logiciels d’exploitation et d’utilisation »

Monsieur PÉTRUS ayant estimé, à juste titre, que le Juge de proximité de TARASCON avait fait une inexacte appréciation du droit applicable, il a formé un pourvoi en cassation. Et il en a été bien avisé, puisque cet arrêt a été cassé dans des termes qui ne laissent aucune place au doute sur les questions complexes de ventes subordonnées et de pratiques commerciales des professionnels à l’égard des consommateurs.

2. La solution retenue par la Cour de cassation.

Elle est limpide :

« Vu l’article L. 122-1 du code de la consommation, interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005
Attendu que pour débouter M. X… de sa demande, la juridiction de proximité retient que l’accord des parties s’est fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi et que le consommateur avait, l’acquisition effectuée, la possibilité de se faire rembourser les marchandises dans leur globalité ; »Attendu, cependant, que par arrêt du 23 avril 2009 […] a dit pour droit que la Directive 2005/29/CE […] doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques du cas d’espèce interdit toute offre conjointe faite par un vendeur à un consommateur, de sorte que l’article L. 122-1 du code de la consommation qui interdit de telles offres conjointes sans tenir compte des circonstances spécifiques doit être appliqué dans le respect des critères énoncés par la directive ;qu’en statuant comme elle l’a fait sans rechercher si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les prévisions des dispositions de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales , la juridiction de proximité n’a pas donné de base légale à sa décision. »

3. La Haute Cour rétablit l’équilibre en faveur des consommateurs.

Dans cet arrêt, la Cour de cassation met fin à la controverse sur le devenir de l’article L. 122-1 du Code de la consommation français et la prohibition des ventes subordonnées, en précisant le champ d’application de cet article au regard de la jurisprudence Européenne.

J’avais lu beaucoup de commentaires à l’époque et tous (ou presque ?) prétendaient quel’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 (à l’époque, elle est aujourd’hui la CJUE) allait mettre fin au contentieux issu des ventes subordonnées. J’avais contesté à l’époque cette vision que j’estimais réductrice dans un commentaire que j’avais (publié).

Aujourd’hui, la Cour suprême fait clairement un rappel en direction des juridictions du fond pour mettre fin à la dérive actuelle de la « jurisprudence » (en réalité, quelques décisions sur le sujet) qui a tendance à débouter un peu vite les consommateurs qui viennent solliciter en justice le remboursement des logiciels inutilisés sur le fondement de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, alors que les assembleurs exigent de leur part le paiement de logiciels qu’ils n’ont pas demandés.

Elle vient donc utilement rappeler le sens de la lecture de l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009, en précisant que si la directive s’oppose aux réglementations nationales posant une interdiction de principe, il doit cependant être tenu compte des exceptions (posées par les états) et des circonstances spécifiques du cas d’espèce (celles entourant la vente), et ce au regard des critères posés par la directive 2005/29/CE du parlement et du conseil du 11 mai 2005.

Elle reproche donc au Juge de proximité d’avoir débouté Monsieur PETRUS en se contentant de retenir, sur le fondement de l’article L. 122-1 du code de la consommation, qu’il n’y avait pas de vente subordonnée dans l’offre de LENOVO, sans rechercher si cette dernière s’était livrée à l’égard du demandeur, à une pratique commerciale déloyale.

En résumé, la vente subordonnée réglementée par l’article L. 122-1 du Code de la consommation est prohibée si les circonstances qui l’entourent constituent une pratique commerciale déloyale à l’égard des consommateurs, au regard des critères posés par la directive 2005/29/CE.

Au sens de cette directive, une pratique commerciale est déloyale si elle réunit deux conditions cumulatives, à savoir une contrariété aux exigences de la diligence professionnelle et une altération, effective ou potentielle, substantielle du comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse.

De même, cette directive précise en son article 8, que :

« une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.»

La loi 2008-3 du 3 janvier 2008 ainsi que la loi de modernisation de l’économie n° 2008-776 du 4 août 2008 ont toutes deux transposé la « liste noire » de l’annexe I de la Directive 2005/29/CE, qui comprend 23 pratiques commerciales trompeuses et 8 pratiques commerciales agressives, notamment aux articles L. 121-1 à L. 121-7 et L. 122-11 à L. 122-15 du Code de la consommation (cf. mon commentaire).

Par conséquent, la Cour de cassation invite clairement à s’interroger sur les circonstances entourant la vente pour apprécier si elles engendrent ou non un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dans ses rapports contractuels avec les assembleurs au regard des dispositions du Code de la consommation.

Ce sont ces circonstances qui bordent désormais l’appréciation de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, dont la jurisprudence l’entourant est remise au goût du jour avec les produits technologiques puisqu’elle n’avait tendance qu’à réglementer les lots de casseroles (cf. notamment : Cass. crim., 30 nov. 1981 : D. 1982, inf. rap. p. 151), de yaourts, etc.

Dans la situation de Monsieur PETRUS, le Juge de proximité de TARASCON aurait dû vérifier s’il pouvait débouter le demandeur de sa demande de remboursement des logiciels, alors que « l’accord des parties s’est fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi et que le consommateur avait, l’acquisition effectuée, la possibilité de se faire rembourser les marchandises dans leur globalité ». De toute évidence non, etnotamment parce qu’en revendant les licences pour des logiciels qu’elle préinstalle sans que le consommateur les ait demandés, la société LENOVO enfreint les dispositions de l’article L. 122-11-1, 6° du Code de la consommation, de même qu’elle ne se conforme pas aux indications du CLUF qui précisent que le système d’exploitation peut être remboursé.

Il serait trop long de dresser ici la liste exhaustive de l’ensemble des pratiques commerciales déloyales et abusives qu’utilisent les assembleurs à l’encontre des consommateurs (je la réserve actuellement à mes adversaires !).

Mais on imagine aisément que constitue notamment une pratique commerciale abusive et déloyale au sens de la directive et des dispositions du Code de la consommation, le fait :

  • d’exiger du consommateur le paiement du prix pour des logiciels qu’il n’a pas demandés ;
  • de n’être pas informé avant la vente de l’existence d’une bien mal nommée « procédure de remboursement », lorsque le constructeur la prévoit, qui ne rembourse pas le prix facturé au consommateur et qui lui impose de se conformer à différentes obligations tout à fait exorbitantes, telles que le renvoi de la machine pour désinstallation du SE, clause maintes fois déclarée abusive par la jurisprudence ;
  • le fait de ne pas informer les consommateurs sur les qualités essentielles du produit (notamment en leur précisant que les logiciels ne sont pas obligatoires), et sur les prix ;
  • le fait que l’assembleur s’octroie plus de droits qu’il n’en a en s’opposant au remboursement des logiciels non utilisés et en conditionnant ce prétendu remboursement au respect de leur « procédure », alors qu’en refusant le contrat de licence, le consommateur ne peut se voir imposer d’autres obligations auxquelles il n’a pas consenties…

Et la liste est très longue !

Cet heureux arrêt de la Cour de cassation va sans doute freiner un peu les interprétations sujettes à caution faites par les assembleurs et issues de l’arrêt de la Cour d’appel de PARIS du 26 novembre 2009 (opposant l’UFC QUE CHOISIR à la société DARTY & FILS, sur l’appel de la décision rendue par le tribunal de grande instance de PARIS le 24 juin 2008, pitoyable pour les droits des consommateurs), puisque la Cour d’appel n’avait pas passé en revue les circonstances entourant ce type de ventes.

Ce n’est pas parce que le produit est « technologique » ou « sophistiqué » que cela dispense les assembleurs de respecter le minimum de leurs obligations que leur impose leur déontologie professionnelle ou les dispositions du Code de la consommation.

Le mérite de cette excellente décision revient à la persévérance de Monsieur PETRUS et de son avocat à la Cour de cassation, qui avait développé dans son mémoire ampliatif deux moyens dont le premier divisé en pas moins de sept branches bien argumentées, a suffi à convaincre la Cour de cassation !

À noter également que cet arrêt de la Cour de cassation est, dans notre jargon, un arrêt « publié » (mention FS-P+B+I), ce qui lui confère une autorité indiscutable.


4. À lire sur ce thème :

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Affaire Z vs ACER : la clause de retour de la machine déclarée abusive

jurisprudanceDans une nouvelle affaire opposant un consommateur à la société ACER, le Juge de proximité du PUY-EN-VELAY a rendu le 1er septembre 2010 un jugement aux termes duquel il a déclaré abusive la clause de la procédure de remboursement du constructeur qui impose le retour de la machine dans ses ateliers et l’a condamné à payer la somme de 50 € au titre du « remboursement » du système d’exploitation Microsoft.

Si ce rapide résumé démontre que les consommateurs ne relâchent pas la pression auprès des constructeurs pour faire valoir leurs droits, observons de plus près le cas soumis au juge.


1. Rappel des faits et de la procédure.

Le 20 janvier 2010, Monsieur Z a fait une déclaration au greffe du Juge de proximité en demandant notamment :

  • la condamnation de la société ACER à lui payer la somme de 130 € au titre du remboursement du système d’exploitation Microsoft Windows, outre 500 € pour compenser ses frais de procédure ;
  • la publication du jugement à intervenir dans un quotidien national et régional ainsi que sur le site de la société ACER ;
  • que la procédure de remboursement de ACER soit déclarée abusive et non écrite.

Le Juge a relevé que Monsieur Z soutenait :

  • que la procédure de remboursement des logiciels était abusive au sens des dispositions de l’article R. 132-1 du Code de la consommation au motif que le contrat n’était pas consultable avant l’achat et que le prix du logiciel n’était pas connu, ce qui engendrerait selon lui un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties ;
  • que le fait de conditionner le remboursement du logiciel à la réexpédition du matériel sans qu’aucune contrepartie ne soit prévue était un procédé abusif dans la mesure où le matériel et les logiciels étaient deux produits distincts, ce qui engendrait un préjudice de jouissance ; il a ajouté que techniquement, ce renvoi n’était pas indispensable ;
  • que le montant du remboursement proposé par ACER (40 €) était trop faible car la jurisprudence habituelle en la matière situait le prix du logiciel Windows Vista autour de 100 € et les autres logiciels à 30 €.

À l’audience à laquelle il a comparu en personne, Monsieur Z a ajouté une demande de nullité de la vente des logiciels Microsoft pour vice du consentement, car il a estimé que constituait une violence le fait d’être contraint d’acquérir les logiciels avec l’ordinateur dont il avait besoin. Il a précisé que le vendeur de l’enseigne de grande distribution dans laquelle il avait acheté son ordinateur lui avait indiqué une estimation du prix des logiciels remboursables à hauteur de 50 € environ, ce qu’il a estimé insuffisant.

La société ACER a quant à elle demandé que Monsieur Z soit débouté de toutes ses demandes, en rappelant que selon elle :

  • la clause de remboursement n’avait aucun caractère abusif dans la mesure où elle prenait en charge les frais d’expédition aller et retour et que l’immobilisation ne dépassait pas 5 jours, ce qui était tout à fait raisonnable au regard du prix de la machine et du montant proposé ;
  • il n’était pas possible de désinstaller les logiciels sans intervention sur l’ordinateur et que Monsieur Z connaissait parfaitement cette procédure avant l’achat ;
  • l’article R. 132-1 du Code de la consommation n’était pas applicable en l’espèce car l’acheteur était libre de ne pas adhérer à ce contrat qu’il découvre en ouvrant l’ordinateur, ce qui avait été précisément le cas de Monsieur Z ;
  • le prix de la licence à rembourser ne pouvait se comparer au prix de la licence proposé aux particuliers et qu’elle assemblait des composants sur lesquels il y avait un prix de gros dont bénéficierait le consommateur (selon ses dires, environ 35 %) ;
  • Monsieur Z avait reconnu avoir été informé par le vendeur du prix de 50 € au titre du remboursement ;
  • l’objet de l’instance introduite par Monsieur Z consistait en réalité à acquérir un ordinateur gratuitement.

2. La motivation de la décision par le Juge de proximité.

a. Sur le vice du consentement et la nullité des contrats.

Le juge de proximité a d’abord rappelé que Monsieur Z invoquait un vice du consentement fondé sur les dispositions de l’article 1111 du Code civil. En effet, Monsieur Z a soutenu que le fait de ne pas pouvoir acquérir sur le marché un ordinateur conforme à ses désirs, à savoir sans logiciels préinstallés, constituait une violence car le consommateur devait se résoudre soit à accepter de acheter la configuration telle quelle avec des logiciels préinstallés et donc non conformes à ses besoins, soit ne rien acheter. La description de ce marché vicié exprimée par Monsieur Z était tout à fait exacte, ce qui a amené le juge à la reprendre dans la motivation de sa décision. Cependant, il a estimé qu’elle ne constituait pas une violence au sens des dispositions précitées :

« Cette alternative qui est réelle sur le marché des ordinateurs ne constitue pas pour autant une violence de la part du vendeur d’ordinateurs, au sens de l’article 1111 du Code civil. »

En effet, le Juge a estimé qu’il s’agissait simplement de « critères d’achats » que le consommateur devait arbitrer et que Monsieur Z avait fait ce choix en achetant du matériel ACER. Il a donc estimé que cela entraînait de facto le rejet des demandes en nullité des ventes de l’ordinateur et de la prestation de service définie par la mise à disposition d’un logiciel.

b. Sur le caractère abusif des clauses du contrat.

Le Juge a retenu que Monsieur Z n’avait effectivement bénéficié « d’aucune information quant à l’existence du CLUF lors de l’achat de son ordinateur » et que s’il souhaitait faire l’acquisition d’un ordinateur portable, il n’avait d’autre choix que de se soumettre à la procédure de remboursement s’il ne souhaitait pas adhérer au CLUF. Puis, après avoir rappelé les termes du CLUF, il a relevé que :

« Il ressort de ces termes que le CLUF est un nouveau contrat entre le consommateur et le fabricant et que le consommateur a la liberté d’y adhérer ou de ne pas y adhérer, de sorte que les conditions de l’article R. 132-1 du Code de la Consommation ne sont pas réunies. »

Après avoir exclu l’application des dispositions de l’article R. 132-1 du Code de la consommation, il a estimé devoir se pencher sur la procédure de remboursement de la société ACER pour savoir si elle était susceptible d’engendrer un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et si la liberté laissée à ce dernier d’adhérer au CLUF était réelle. Il a alors rappelé que la société ACER prenait en charge les frais d’expédition et de renvoi de la machine et que l’immobilisation durait environ 5 jours, ce qui l’a amené à juger que :

« Cette procédure n’est donc ni coûteuse ni particulièrement longue. Toutefois, si l’atteinte au droit de propriété du consommateur sur son ordinateur peut se justifier par les règles de la propriété intellectuelle, l’indisponibilité de l’ordinateur pendant quelques jours, ne serait-ce que cinq, entraîne un trouble de jouissance incontestable pour son propriétaire. Aucune indemnisation pour ce préjudice n’est contractuellement prévue. »

Le Juge a donc estimé que cette procédure engendrait un déséquilibre significatif au détriment du consommateur et que dès lors, la clause qui imposait à ce dernier le retour de la machine devait être déclarée abusive et donc réputée non écrite.

c. Sur le montant du remboursement.

Pour les logiciels autres que le système d’exploitation, le Juge a vite balayé la question en estimant qu’ils n’étaient que des versions d’essai auxquelles le consommateur devait souscrire ultérieurement, « de sorte qu’ils sont gratuits et ne sauraient faire l’objet d’un quelconque remboursement à moins d’entraîner un enrichissement sans cause au profit du demandeur ».

Pour le système d’exploitation, le Juge a retenu que Monsieur Z avait été « informé par le vendeur sur le lieu de vente d’un prix prévisible de remboursement de 50 €, et c’est avec cette information, qui est à rapprocher du prix de l’ordinateur portable (399 €) qu’il a fait le choix de son achat ». C’est ainsi qu’il condamne la société ACER à lui payer la somme de 50 €.

d. Sur les autres demandes.

Monsieur Z a bien entendu été débouté de sa demande de publication et le Juge a condamné la société ACER à lui payer la somme de 250 € au titre de ses frais de procédure, résultant de ses frais de déplacements et de photocopies.

3. Quelques commentaires sur la portée de cette décision.

En préambule, je précise que Monsieur Z avait fait le choix de comparaître seul devant le Juge de proximité. Il avait présenté une argumentation sans cohérence, issue de l’interprétation erronée de nombreux articles du Code civil essentiellement et dénuée d’explications sur leur application en l’espèce. De tout cela, le juge a été contraint de faire un tri, ce qui a de toute évidence détourné son attention des problèmes essentiels qui se posent en la matière. La décision est donc un franc revers et Monsieur Z est passé à côté de son procès.

1. Sur le vice du consentement, par violence.

Monsieur Z a logiquement été débouté de sa demande fondée sur l’article 1111 du Code civil. Avoir le choix de son matériel sans être contraint d’acheter un logiciel ne relève pas du vice du consentement, tout du moins pas celui de l’article 1111 du Code civil qui traite de la violence dans les obligations. S’il peut y avoir, comme dans l’article précité, une certaine contrainte économique à devoir acheter un logiciel qu’on ne veut pas, cela ne relevait cependant pas de la violence dans les obligations et le juge l’a rapidement balayé en retenant que Monsieur Z avait en quelque sorte, fait un choix en connaissance de cause.

Mais il faut bien reconnaître que sur le terrain des obligations, cette motivation n’est pas satisfaisante car après avoir pourtant admis que le marché était vicié en ce que le consommateur devait se résoudre à acheter un ordinateur avec des logiciels préinstallés lorsqu’il fait le choix d’une configuration matérielle, il a néanmoins estimé que Monsieur Z avait fait « son choix »… C’est dévoyer l’élément déterminant de la vente (sur ce sujet, voir les commentaires des affaires T. contre MSI du 12 novembre 2009 et LEROUX / Packard Bell du 4 juin 2009) qui porte dans l’immense majorité des cas (tout du moins dans tous les cas où le système d’exploitation est systématiquement identique, comme par exemple les ordinateurs vendus avec Windows) exclusivement sur le matériel.

En réalité, la distorsion du marché à laquelle participe la société ACER devait être sanctionnée au titre des pratiques commerciales déloyales, trompeuses et agressives issues de la directive 2005/29/CE du parlement et du conseil du 11 mai 2005 ayant fait l’objet de plusieurs lois de transposition en France et insérées à ce titre dans le Code de la consommation.

Le principe de spécialité du droit français exprimé sous la forme de l’adage Speciala generalibus derogant signifie que s’il existe une règle spéciale prévue pour la situation juridique examinée, c’est la règle spéciale qui doit s’appliquer en primant la règle générale. La violence évoquée à l’article 1111 du Code civil étant une règle de droit commun, elle devait céder sa place à la notion de violence spécifiquement traitée dans le Code de la consommation au titre des pratiques commerciales agressives. Il y a donc là une erreur sur les arguments à invoquer pour faire sanctionner les pratiques commerciales abusives des constructeurs. C’est regrettable, car ces pratiques prohibées auraient pu fonder une demande de dommages et intérêts conséquente.

2. Le CLUF est-il abusif ?

De façon assez contradictoire, le Juge de proximité a retenu que le CLUF était « un nouveau contrat entre le consommateur et le fabricant et que le consommateur a la liberté d’y adhérer ou de ne pas y adhérer, de sorte que les conditions de l’article R. 132-1 du Code de la Consommation ne sont pas réunies ».

Pourquoi contradictoire ? Pour le comprendre, il faut d’abord rappeler le principe : l’article R. 132-1 du Code de la consommation prévoit que dans les contrats entre les professionnels et les consommateurs, sont irréfragablement présumées comme abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet de constater l’adhésion du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l’écrit qu’il accepte, ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n’est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n’a pas eu connaissance avant sa conclusion. Ainsi, dès lors que le juge relève l’existence de telles clauses, elles doivent être déclarées abusives sans que le professionnel puisse en rapporter la preuve contraire (irréfragablement).

Le Juge de proximité a estimé qu’en ayant eu le choix de ne pas se conformer au CLUF, il ne pouvait y avoir le constat d’une adhésion du consommateur à des clauses clauses qui ne figuraient pas dans l’écrit auquel il n’a pas été fait référence lors de la conclusion du contrat.

Or, en adoptant une telle motivation, il est passé à côté du problème.

En effet, le Juge n’a pas relevé que lorsque le constructeur exige du consommateur le paiement immédiat de logiciels non souhaités au mépris de l’interdiction posée par le Code de la consommation, ce qui le contraint à devoir accepter la « procédure de remboursement » du constructeur pour se faire rembourser alors même qu’il a refusé le CLUF, il y a bien constat d’une adhésion forcée du consommateur à des clauses auxquelles il n’a pas été fait référence lors de la conclusion du contrat. Le Juge de proximité ne pouvait donc constater que le CLUF était un nouveau contrat sans relever son caractère abusif et par la même le caractère abusif de l’autre nouveau contrat imposé au consommateur qu’est la « procédure de remboursement » !

Cela était d’autant plus flagrant que le Juge de proximité a relevé en outre que Monsieur Z n’avait bénéficié d’aucune information précontractuelle sur l’existence du le CLUF ou les clauses qu’il contient. Le Code de la consommation impose pourtant au professionnel une obligation d’information en direction des consommateurs, portant sur les qualités essentielles du produit et des services (article L. 111-1 du Code de la consommation) et sur les prix (article L. 113-3 du Code de la consommation).

Le Juge ne pouvait donc pas à mon sens, paralyser l’efficacité de la règle posée par l’article R. 132-1 du Code de la consommation en considérant que le consommateur avait la possibilité de renoncer au CLUF. Si Monsieur Z avait réellement pu refuser le CLUF, il aurait dû être remboursé du montant qui lui avait été réellement facturé lors de l’achat au titre des logiciels sans que le constructeur puisse lui opposer la moindre condition pour ce faire. Mais on sait bien que cela n’est pas le cas.

3. La procédure de remboursement est-elle abusive ?

Vous l’avez compris, le Juge a examiné la validité d’une procédure de remboursement sans relever qu’elle était elle-même un nouveau contrat qui devait être déclaré abusif et donc inopposable à Monsieur Z, alors que le CLUF était lui-même un nouveau contrat soumis aux mêmes sanctions prévues par le Code de la consommation.

Elle est abusive à plusieurs titres.

D’abord, et comme le Juge de proximité l’a relevé, parce qu’elle ne compense pas le préjudice de jouissance qu’elle créé au détriment du consommateur qui voit sa machine immobilisée pendant plusieurs jours.

Ensuite et comme je l’ai souligné précédemment, parce que les consommateurs ne bénéficient en général d’aucune information sur l’existence d’une procédure de remboursement,des modalités qu’elle prévoit et qu’il s’agit aussi de la seule proposition du constructeur pour proposer un « remboursement ». Ce défaut d’information est totalement contraire aux obligations pensant sur les professionnels et issus des articles L. 111-1 et L. 113-3 du Code de la consommation.

Par ailleurs, le juge n’a pas non plus évoqué la question du montant du remboursement et n’a octroyé à Monsieur Z que la somme de 50 €. Il s’est en effet appuyé sur le fait qu’en magasin, le vendeur avait informé grosso modo Monsieur Z du montant probable du remboursement. Or et de toute évidence, cette somme forfaitaire évaluée « à la louche » par les constructeurs et opportunément donnée aux quelques magasins sensibilisés sur le sujet ne correspond en rien à un remboursement au sens du Code civil, car dans l’ignorance du prix auquel les logiciels vous ont été vendus, vous ne pouvez pas savoir quel est le montant du remboursement !

Pour compléter le tout, il aurait été opportun de discuter sur les conditions mêmes du retour en cas de casse du matériel, quand bien même les frais étaient pris en charge par ACER. En effet, le transfert des risques aurait été discuté si la machine était arrivée détériorée chez ACER… qui aurait certainement refusé de la prendre en charge ou qui aurait facturé la réparation à un prix automatiquement exorbitant compte tenu du prix d’un SAV aujourd’hui.

Enfin, la procédure de remboursement résultant de la vente forcée à l’achat d’un grand nombre de logiciels préinstallés non obligatoires, elle devait être considérée comme abusive et comme telle réputée non écrite.

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Les pratiques commerciales de ASUS sévèrement sanctionnées

jurisprudanceDans un récent jugement en date du 27 août 2009, le Juge de Proximité de LORIENT a sanctionné les pratiques commerciales de la société ASUS.

Le juge a relevé dans cette affaire que le comportement du constructeur était « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » et aboutissait à une « altération du comportement du consommateur », engageant sa responsabilité sur le fondement de l’article 1382 du Code civil.

Il a donc condamné ASUS à payer des dommages et intérêts à Monsieur MAGNIEN.

Mais la société ASUS FRANCE n’a pas accepté cette condamnation et a déposé au début du mois d’octobre 2009 une « requête en retranchement » (art. 464 du CPC) pour demander au juge de retrancher la condamnation dont elle avait fait l’objet.

Explications.


1. Rappel des faits et de la procédure.

Monsieur MAGNIEN a fait l’acquisition d’un ordinateur portable de marque ASUS auprès de la société NO WORK TECH, sur présentation du catalogue du fabricant. Il était préinstallé d’un système d’exploitation Microsoft Vista, mais le juge a précisé que cela n’avait pas été « préalablement porté à sa connaissance ». Le juge a également relevé que ni le catalogue, ni la facture ne comportaient de distinction entre le prix du matériel et celui des logiciels d’exploitation et d’utilisation préinstallés.

Au démarrage de la machine, le contrat de licence d’utilisation (dit « CLUF ») du système d’exploitation (ci-après « SE ») Microsoft s’est affiché et, comme ses clauses lui en offraient la possibilité, Monsieur MAGNIEN s’est rapproché du constructeur pour se le faire rembourser. La société ASUS lui a fait parvenir la procédure à suivre, laquelle imposait notamment le retour de la machine pour désinstallation du SE. Estimant cette demande abusive, alors que selon lui il suffisait de retourner l’autocollant de licence placé sous l’ordinateur (dit « COA »), ce consommateur a saisi le juge de proximité de LORIENT pour trancher la question.

L’affaire est venue une première fois à l’audience du 26 mars 2009. Monsieur MAGNIEN a alors soutenu que la procédure de remboursement imposée par le constructeur consistant à subordonner le remboursement des licences au retour du matériel, était contraire à l’article L. 132-1 du Code de la consommation. Par jugement du 23 avril 2009, le juge a enjoint les parties d’appeler à la procédure le vendeur de l’ordinateur, la société NO WORK TECH, pour s’expliquer sur les circonstances de la vente.

L’affaire est donc venue une seconde fois à l’audience du 25 juin 2009, à laquelle Monsieur MAGNIEN a demandé :

  • qu’il soit jugé que le CLUF ne pouvait s’appliquer qu’aux logiciels et que la société ASUS ne pouvait dès lors subordonner le remboursement de ces licences au retour du matériel ;
  • qu’il soit jugé que le CLUF aurait dû lui être présenté avant son achat, de même que le prix de remboursement des licences ;
  • la condamnation de la société ASUS à lui payer les sommes de 105 € au titre de la licence du système d’esxploitation, et 100 € pour les autres logiciels préinstallés (80 € pour Office One et 20 € pour Néro) ;
  • la condamnation de la société ASUS à lui payer la somme de 500 € au titre de ses frais irrépétibles (frais de justice).

La société ASUS s’est opposée à ces demandes, en soutenant notamment :

  • que la procédure de remboursement avait été « consacrée par un arrêt de la 1ere Chambre Civile de la cour de cassation rendu le 5 juin 2008 qui a fait jurisprudence » ;
  • que la somme de 40 € qu’elle proposait pour le système d’exploitation correspondait « à sa juste valeur »
  • que le demandeur devait être débouté de ses demandes et condamné à lui payer la somme de 2.000 € au titre de ses frais irrépétibles (frais de procédure).

La société NO WORK TECH a pour sa part expliqué que son client avait fait l’acquisition de l’ordinateur sur le catalogue édité par le constructeur, qu’elle n’avait pas de matériel de présentation et qu’elle n’avait tenu qu’un rôle d’intermédiaire transparent entre son client et la société ASUS.

2. La solution retenue par le juge de proximité.

Le juge motive sa décision au visa des articles 12 du Code de procédure civile et L. 122-1 du Code de la consommation qui interdit la subordination de vente, ainsi que de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005.

Il va d’abord analyser les pratiques de la société ASUS au regard de la directive, laquelle prohibe les pratiques commerciales déloyales qu’elle définit par une réunion de deux conditions cumulatives, à savoir :

  1. une contrariété aux exigences de la diligence professionnelle
  2. une altération, effective ou potentielle, substantielle du comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse.

Le juge relève qu’en l’espèce, Monsieur MAGNIEN n’a bénéficié d’aucune information de quelque nature que ce soit : il a choisi son ordinateur sur présentation par le vendeur du catalogue édité par ASUS, lequel ne mentionnait que les caractéristiques matérielles des ordinateurs (preuve supplémentaire de ce que l’élément déterminant de la vente est bien, dans ces hypothèses, exclusivement le matériel : voir notre commentaire précédent), sans indiquer qu’ils étaient préinstallés d’un système d’exploitation Windows, sans faire la différence entre le prix du matériel et le prix des logiciels (alors qu’il est acquis qu’il s’agit de produits juridiquement distincts, la fourniture d’un logiciel étant une prestation de service ne concédant qu’un droit d’usage, alors que le matériel fait l’objet d’un contrat de vente avec par conséquent transfert de propriété). Il ajoute que la procédure de remboursement et le contenu du CLUF n’étaient pas non plus précisés et que le vendeur les ignorait même totalement…

Le couperet tombe (lire le jugement du 27 août 2009) :

« La société ASUS a pré-équipé l’ordinateur portable acheté par Monsieur MAGNIEN d’un système d’exploitation Windows de Microsoft dont elle a déterminé le coût ainsi que les modalités suivant lesquelles, a posteriori, et après accomplissement de formalités très contraignantes, elle lui a offert de renoncer. Au surplus, le consommateur se trouve contraint d’avoir un autre interlocuteur que son vendeur immédiat. Une telle pratique est contraire à l’intérêt du consommateur. »

Mieux, après avoir exposé qu’il existait depuis plus de 10 ans des systèmes d’exploitation alternatifs « Linux » qui équipaient maintenant plus d’un ordinateur sur dix ainsi que des logiciels libres comme la suite bureautique OpenOffice.org qui était « adopté[e] par un nombre croissant d’administrations », procurant aux consommateurs un avantage non négligeable en ce qu’ils leur font économiser le coût des licences logicielles, et que« l’intérêt du consommateur se trouverait dans la mise en place d’un système d’optionnalité des logiciels […] » qui pourrait être facilement mis en place, le juge en déduit que « l’on se trouve bien en présence d’un lot, constitué par le matériel et le logiciel « imposé » dont l’achat par Eric MAGNIEN n’a pas été effectué en connaissance de cause en raison d’un manquement de la société ASUS à la diligence professionnelle. » La première des deux conditions de la directive 2005/29/CE est donc remplie.

S’agissant de la deuxième, à savoir l’altération du comportement du consommateur, le juge se réfère encore à la directive qui précise qu’il s’agit de « l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause ». Sur ce point, le juge observe que l’absence de distinction au moment de la vente entre le prix du matériel et celui des logiciels couplé au silence observé par le constructeur sur ce point ou sur les modalités de remboursement, prive « abusivement » le consommateur d’un choix éclairé et ajoute :

« il ne peut être sérieusement contesté que les modalités de la vente mises en place par la société ASUS ont pour effet de contraindre de manière quasi directe, le consommateur, de conserver le système d’exploitation Windows de Microsoft. »

Il estime donc qu’est suffisamment établi le fait que Monsieur MAGNIEN n’a pu prendre sa décision en connaissance de cause et que l’opération conclue contrevient tant aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation qu’à celles de la directive.

Partant, le juge a considéré que le comportement de ASUS constituait « une pratique déloyale fautive » et comme telle susceptible d’engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l’égard de Monsieur MAGNIEN. Il condamne donc la société ASUS à payer à ce dernier la somme de 205 € au titre de la réparation de son préjudice (compte tenu du prix des licences logicielles), outre 500 € au titre de ses frais de procédure.

3. L’obstination déraisonnable d’ASUS à nouveau sanctionnée.

ASUS n’a manifestement pas apprécié cette décision contre laquelle, pourtant, une voie de recours était ouverte. C’est une toute autre voie qu’a choisi le constructeur, qui a déposé quelques mois après, une improbable « requête en retranchement » fondée sur les dispositions de l’article 464 du Code de procédure civile. De quoi diable s’agit-il ?

Le Code de procédure civile prévoit que le juge qui a rendu un jugement peut être amené à le compléter (notamment) à la requête de l’une des parties, lorsqu’il a oublié de statuer sur des choses demandées, lorsqu’il s’est prononcé sur des choses non demandées ou qu’il a accordé plus qu’il n’a été demandé. La procédure consiste donc à revenir devant le même juge pour faire réparer un oubli, une erreur, compléter la décision, etc.

En l’espèce, le constructeur exposait que le demandeur initial avait formé une demande de remboursement des licences logicielles à hauteur de 205 € et reprochait au juge de l’avoir condamné à payer la somme de 205 € à titre de dommages et intérêts, estimant que cette demande de remboursement ne pouvait pas justifier une condamnation à des dommages et intérêts. Et, faisant fi du fait que la somme allouée à Monsieur MAGNIEN était la même que celle qu’il avait demandée (excluant ainsi la qualification de jugement « ultra-petita », c’est-à-dire lorsqu’un juge accorde plus que ce qui a été demandé), la société ASUS a sollicité du juge qu’il écarte la condamnation à la somme de 205 € qu’il avait mise à sa charge, ainsi que celle au titre des frais de procédure…

Or cette demande, qui en réalité visait à supprimer l’ensemble de la condamnation dont le constructeur faisait l’objet et ne tendait donc qu’à obtenir une réformation pure et simple de la décision, ne pouvait en aucun cas prospérer et ce pour plusieurs raisons :

  • D’une part, car c’était bien méconnaître le Code de procédure civile, et notamment les dispositions de l’article 12 (au visa duquel le juge s’était d’ailleurs fondé pour prononcer sa condamnation initiale) qui prévoient que le juge tranche le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables et qu’il peut donner ou restituer aux faits et actes litigieux leur exacte qualification sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée.
  • D’autre part, car c’était également oublier que le juge peut, depuis la loi 2008-3 du 3 janvier 2008 qui a inséré l’article L. 141-4 du Code de la consommation, soulever d’office toutes les dispositions relatives dudit Code dans les litiges nés de son application, ce qui signifie que dès lors que le juge estimait que le procédé commercial du constructeur constituait une pratique déloyale fautive prohibée par la directive 2005/29/CE transposée dans notre droit et insérée dans le Code de la consommation, il pouvait le sanctionner sur le fondement de la responsabilité civile.
  • Enfin, car pour parvenir à ce qu’une personne condamnée par un juge ne le soit finalement plus, il faut utiliser une voie de recours (appel, opposition, pourvoi en cassation, etc. selon le cas). Mais le constructeur n’avait manifestement pas souhaité se pourvoir en cassation pour une raison que nous ignorons. ASUS ne pouvait donc espérer parvenir au même résultat en utilisant une autre procédure qu’une voie de recours et qui n’était pas prévue pour cela : c’est pour cette raison que le juge a retenu que le constructeur s’était rendu coupable d’un détournement intentionnel de procédure. Sa requête en « retranchement » n’avait donc, pour ainsi dire, aucune chance d’aboutir.

Sur les deux premiers points, il faut en déduire que le juge n’était pas lié par la qualification juridique de demande de « remboursement » formée par Monsieur MAGNIEN (et qui au demeurant n’en est pas une puisque le constructeur ne rembourse rien au sens propre du terme et se contente de vous proposer une somme forfaitaire fixée discrétionnairement par lui à titre de dédommagement) et qu’il pouvait condamner ASUS sur un autre fondement.

Ces points ayant été exposés, parmi d’autres, dans les conclusions de Monsieur MAGNIEN présentées au le juge, il avait demandé la condamnation de la société ASUS à lui payer la somme de 500 € de dommages et intérêts pour procédure abusive et vexatoire.

Sans reprendre le deuxième des points exposés ci-dessus, le juge a retenu (lire le jugement du 12 novembre 2009) que :

« La présente requête paraît donc totalement infondée et vise en fait à l’annulation pure et simple dudit jugement, puisque dans ses écritures postérieures à sa requête, la société ASUS FRANCE sollicite également la suppression de la somme de 500 € allouée au titre des frais d’instance.Il apparaît que la société ASUS FRANCE tente de faire annuler en totalité le jugement susvisé, en utilisant la procédure de retranchement de l’article 464 du code de procédure civile au lieu de se pourvoir en Cassation et en motivant sa requête par une argumentation fallacieuse.Ce faisant, elle commet un détournement intentionnel de procédure caractérisant un abus de droit d’ester en justice, faute quasi-délictuelle au sens des articles 1382 et 1383 du code civil.Éric MAGNIEN a incontestablement subi un préjudice certain et direct constitué notamment par les troubles et tracas causés par cette tentative d’annulation pure et simple du jugement en faveur d’un consommateur et la nécessité d’organiser sa défense. »

Le juge a donc accordé à Monsieur MAGNIEN la somme de 400 €, outre une somme de 250 € pour ses frais d’instance.

4. Quelques mots de commentaires.

La directive 2005/29/CE à la base de la condamnation du constructeur.

À l’heure où notre article L. 122-1 du Code de la consommation (1) est malmené dans certains procès par le recours aux dispositions de la directive 2005/29/CE (2), cette victoire vient utilement rappeler que les consommateurs sont loin d’avoir perdu leur combat contre les pratiques commerciales restrictives et déloyales des constructeurs engendrant un déséquilibre flagrant pour le consommateur, puisque c’est par le biais de la même directive que le constructeur a été condamné !

5. Le parcours du combattant du consommateur.

Il n’est pas normal qu’un consommateur subisse ces méthodes abusives de vente et ce, qu’il soit un consommateur averti ou non. En effet, quelle que soit son aisance avec l’informatique, la vente demeure forcée car :

  • non seulement, le consommateur ne peut pas se faire déduire directement auprès de son vendeur le montant du système d’exploitation dont il ne veut pas acheter la licence d’utilisation (ou acheter directement en magasin le système d’exploitation qu’il veut) ;
  • mais en outre, le consommateur qui souhaite acheter une machine d’une marque et d’un modèle précis, ne trouve pas aujourd’hui sur le marché la même machine qu’il a choisie sans qu’un SE Microsoft ne soit d’office préinstallé. Il en est réduit à être contraint d’acheter la machine préinstallée et se livrer à des contorsions inacceptables : il découvre au premier démarrage de celle-ci les termes d’un contrat de licence (dit « CLUF ») dont il n’a pas eu connaissance avant l’achat et qui n’est donc pas censé lui être opposable, mais dont il doit nécessairement respecter la première des clauses (alors que paradoxalement, il est considéré comme refusant le CLUF) pour se voir opposer par un nouvel interlocuteur, le constructeur, un deuxième nouveau contrat dont il n’a pas non plus eu connaissance avant l’achat, et qui conditionne le versement d’une indemnité forfaitaire en guise de « remboursement » au respect d’obligations parfaitement abusives telles que le renvoi de la machine sans indemnité compensatrice, souvent aux frais du consommateur (l’envoi de la machine par la poste coûte plus cher que l’indemnisation proposée par le constructeur), le formatage obligatoire d’un disque dur sur lequel d’autres données personnelles ont pu être stockées, etc.

Ces contraintes inacceptables qui sont imposées aux consommateurs de la part du constructeur ASUS ont été sanctionnées à maintes reprises, mais de façon moins claire, notamment dans un jugement du 18 mai 2009 (P. c/ Asus) dans lequel le juge de proximité de PLOERMEL retenait déjà :

« L’offre de remboursement du CLUF ainsi apparaît abusive, par sa procédure lourde et coûteuse, car si le remboursement n’est pas refusé il est soumis à des conditions propres à décourager le consommateur moyen. Elle viole son droit et sa liberté d’adhérer à tel ou tel système d’exploitation ou d’utiliser d’autres licences que les systèmes et licences préinstallés par ASUS, ce qui vide l’offre de son sens.

La proposition de remboursement forfaitaire étant inopérante, Monsieur P. est en droit de reprocher à la société ASUS de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles et de réclamer un remboursement correct. »

La dernière condamnation de la société ASUS est donc parfaitement justifiée et les autres constructeurs devraient subir la même sanction dans les nombreuses autres affaires actuellement pendantes devant diverses juridictions, puisque le phénomène ne fait qu’amplifier.


6. Notes

(1) : L’article L. 122-1 du Code de la consommation prohibe le refus de vente sauf motif légitime, ainsi que la subordination de vente d’un produit ou prestation de service à un(e) autre.

(2) : La directive 2005/29/CE prohibe les dispositions nationales plus contraignantes que celles posées limitativement par la directive, et a donc comme conséquence de prohiber les interdictions de principe telles que celles posées par l’article L. 122-1 du Code de la consommation (cf. notre commentaire de l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009).

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