Prescription des actions du consommateur à l’encontre du prestataire de services d’investissements

Dans cette affaire, une société A était spécialisée dans le marché de lettres autographes et manuscrits anciens. Elle proposait la commercialisation de certains produits financiers adossés à ces œuvres, par l’intermédiaire d’un courtier, proposant à ses clients d’acquérir en pleine propriété ou en indivision des collections de lettres et manuscrits anciens.

Dans un arrêt du 27 mars 2024 (n° 22-17.899), la chambre commerciale de la Cour de cassation retient que :

« le manquement d’un prestataire de services d’investissement à son obligation d’information sur le risque de perte en capital et la valorisation du produit financier prive cet investisseur d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l’investisseur ait subi des pertes ou des gains manqués. Il en résulte que le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage ne peut commencer à courir avant la date à laquelle l’investissement a été perdu. »

La Cour d’appel de Toulouse (12 mai 2022) avait pourtant retenu que les investisseurs avaient été informés, dès la conclusion du contrat, des risques encourus résultant d’un retournement du marché et du risque de défaut de la société de gestion qui ne garantissait pas la perte du capital investi et que la teneur insatisfaisante du message du gestionnaire le 13 avril 2013, qui répondait à leurs inquiétudes sur les investissements réalisés, n’était pas de nature à les rassurer. La Cour en avait déduit que c’était à cette date qu’ils avaient connu ou auraient dû connaître les faits leur permettant d’exercer leur action qui, exercée le 11 septembre 2018, était tardive.

Censurée pour défaut de base légale, la Cour de cassation rappelle qu’il s’agit de motifs impropres à établir qu’à la date du 13 avril 2013, les investisseurs avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance de l’existence de la perte en capital dont ils alléguaient l’existence.

Sur renvoi (RG 24/01897), la Cour d’appel de Bordeaux retient que la perte de chance, qui correspond à celle d’éviter un événement défavorable que constitue le préjudice en cette matière, ne se réalise qu’avec la réalisation du risque lui même, et qu’en tout état de cause, si la réalisation du risque se confondait avec le dommage, l’article 2224 du code civil n’excluait pas que la connaissance des faits permettant d’agir soit constituée par la réalisation du dommage. Elle ajoute que le point de départ de la prescription ne peut être résumé à la date de la signature du contrat, lequel marque la connaissance du risque inhérent au produit lui-même, étant rappelé qu’il n’était pas reproché au contrat de contenir en soi des risques, mais au conseiller de n’en avoir pas suffisamment averti son client, consommateur non professionnel, au moment même de sa conclusion.

Elle en déduit qu’en l’absence de tout fait postérieur à la conclusion du contrat, antérieur à la liquidation judiciaire de la société A en raison notamment de la mise en examen de son dirigeant pour pratiques commerciales trompeuses et escroqueries, marquant cette connaissance, l’action entreprise le 11 septembre 2018 n’était pas prescrite.

#lxavocatsbordeaux #prescription #contrats

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Condamnation fiscale solidaire du dirigeant avec sa société, quelles sont les problématiques ?

L’article L.267 du Livre des procédures fiscales instaure une action en responsabilité fiscale du dirigeant, solidairement avec sa société, lorsque cette dernière est redevable d’un impôt qui n’est pas réglé, sous diverses conditions. Cette action, ouverte aux comptables de la DGFiP, est destinée à assurer le recouvrement des dettes fiscales des sociétés ou des groupements.

Une telle  condamnation est distincte de celle prévue par l’article 1745 du CGI qui prévoit que ceux qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive prononcée en application des articles 1741, 1742 ou 1743 du CGI peuvent être solidairement tenus, avec le redevable légal de l’impôt fraudé, au paiement de cet impôt ainsi qu’au paiement des pénalités fiscales qui s’y rattachent. Elle est également distincte de la responsabilité des dirigeants sur le fondement des dispositions de droit commun, par exemple celle engagée par les comptables de la DGFiP contre les dirigeants dans le cadre des procédures collectives, ou sur le fondement des différents articles du Code de commerce sur les sociétés (SARL, etc.) puisque les dirigeants sont responsables envers les tiers, des fautes et infractions commises dans le cadre de leurs fonctions.

Je vous propose un article sur cette épineuse thématique, sachant que la question essentielle est de savoir quelle est le type de condamnation qu’une juridiction peut prononcer. (suite…)

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Les lettres d’information.

Dans cette rubrique, retrouvez les dernières lettres d’information mises gratuitement à votre disposition. Nous vous informons sur vos droits, dans les matières que nous pratiquons.

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La transaction et l’instance.

A l’heure où la procédure civile se complexifie décret après décret, il ne se passe pas une journée sans que nous soyons contraints de constater que les règles de procédure ne sont pas bien comprises. Cette fois, j’ai l’occasion de revenir sur la question de l’effet d’une transaction dans une instance en cours.

C’est le jugement d’un tribunal judiciaire qui m’en donne l’occasion et je suis toujours gêné de constater que les règles de procédure civile ne sont pas toujours comprises par nos magistrats, même après plusieurs années d’application, puisque la décision en question a été rendue en vertu de la loi ancienne puisque l’instance avait été introduite en octobre 2019, soit avant les dernières réformes de procédures de 2019 et 2020.

Pourquoi cette question de procédure civile est-elle intéressante ici ? Parce que cela me donne l’occasion de rappeler qu’un litige n’est pas gratuit et que lorsque les juges ne sont pas formés et qu’ils n’appliquent pas les règles, ce sont les justiciables qui font les frais de cette déroute. Explications.

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Les conventions locales sont du droit coutumier et ne valent rien face à la loi !

C’est ce que je rappelle très régulièrement, avec plus ou moins d’humour selon l’interlocuteur qui est en face de moi, lorsqu’à une audience ou à l’occasion d’une communication avec un greffe, on me reproche de n’avoir pas suivi le protocole de communication électronique passé entre mon barreau et la juridiction.

Les conventions locales n’ont strictement aucune valeur et ne sont, en d’autres termes, qu’une forme de droit coutumier qui s’efface naturellement devant la loi.

C’est par un arrêt rendu le 26 septembre 2019 que la deuxième chambre civile de la Cour de cassation nous rappelle le principe :

« Qu’en statuant ainsi, alors que la recevabilité du recours en annulation de la sentence arbitrale était conditionnée par sa remise à la juridiction par la voie électronique et que les conventions passées entre une cour d’appel et les barreaux de son ressort, aux fins de préciser les modalités de mise en ouvre de la transmission des actes de procédure par voie électronique, ne peuvent déroger aux dispositions de l’article 930-1 du code de procédure civile, notamment en en restreignant le champ d’application, la cour d’appel a violé les textes susvisés ; »

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Conséquences d’un défaut d’assurance décennale pour un entrepreneur du bâtiment.

Même lorsque les désordres ne compromettent pas la solidité de l’ouvrage, leur importance peut justifier l’application de la responsabilité décennale. La solution est désormais ancrée. Ce sont ici les conséquences de ce défaut d’assurance décennale que je tiens à rappeler : infraction pénale intentionnelle séparable des fonctions sociales du gérant qui engage la responsabilité personnelle de ce dernier.

Extrait de la décision :

« L’expert judiciaire a constaté un affaissement important des cloisons centrales (…) Cet affaissement a provoqué des fissures sur la cloison et le carrelage (…). L’expert considère que ces désordres ne compromettent pas la solidité de l’immeuble dans son ensemble. Cependant, l’importance du décollement des cloisons avec le plafond et l’existence des fissures sur la cloison et le carrelage au sol (…) qui fait partie intégrante de l’immeuble et en représente un de ses éléments constitutifs, sont de nature à rendre cette pièce impropre à sa destination.

La responsabilité décennale des constructeurs est donc engagée en application des dispositions de l’article 1792 du Code civil susvisé.

(…) la SARL n’avait pas contracté d’assurance au titre de la garantie décennale. Or, cette omission, qui constitue une infraction pénale intentionnelle séparable des fonctions sociales du gérant, engage la responsabilité civile personnelle de ce dernier à l’égard du maître d’ouvrage à qui cette faute a porté un préjudice. Ce préjudice s’analyse en perte de chance de pouvoir être indemnisé par une compagnie d’assurances, des conséquences des désordres survenus. Monsieur X sera en conséquence condamné à indemniser le maître de l’ouvrage (…) »

DESCARTES AVOCATS rappelle donc à tous les artisans et entrepreneurs du bâtiment (que vous soyez une grosse entreprise, un auto-entrepreneur ou un artisan), qu’il est OBLIGATOIRE de souscrire une assurance décennale. Ne pas s’assurer, c’est engager sa responsabilité, y compris personnelle. Nous rappelons aussi à nos lecteurs qu’ils doivent réclamer à l’entrepreneur qu’ils choisissent la justification d’une police d’assurance couvrant les risques de la construction.

Sachez aussi qu’un défaut d’assurance décennale pendant plusieurs années incite les assureurs vers qui vous vous tournez pour vous assurer, à vous réclamer le paiement des cotisations qui auraient été dues pendant les années où vous n’étiez pas assuré. En effet, en décidant de vous assurer avec un « passif » de défaut d’assurance, les compagnies prennent un risque qu’elles entendent minimiser.

N’hésitez pas à nous consulter pour faire vérifier ces éléments par le cabinet.


TGI de Poitiers, 4 déc. 2017

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Le référé et l’urgence : savoir conseiller son client en procédure civile

jurisprudanceDans un arrêt exemplaire rendu le 4 février 2018, la chambre de la famille de la Cour d’appel de POITIERS a rappelé avec force que la saisine du juge en référé exigeait la démonstration d’une urgence, laquelle s’appréciait au jour où le juge statuait.

Les faits sont singuliers et la solution est juridiquement classique.

Mais manifestement, rappeler quelques principes classiques en procédure civile n’est pas une mauvaise chose.

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Deroo vs Sony Europe : un arrêt sans surprise de la Cour de cassation

J’ai tardé à commenter ce nouvel arrêt du 14 décembre 2016. Sans doute écœuré par l’issue de cette affaire que je pressentais.

Dans mon précédent article sur l’arrêt rendu par la la CJUE le 7 septembre 2016, je m’étais étonné des questions préjudicielles posées par la Cour de cassation et avais déploré le manque de réalisme de la Cour de justice de l’Union qui a, ni plus ni moins, esquivé le fond du problème. J’estimais alors qu’il ne fallait rien attendre de la « solution » qui serait donnée par la Cour de cassation et j’avais raison, malheureusement.

Voici mon analyse.


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Rappels sur les effets d’une transaction

jurisprudanceLa chambre sociale de la Cour de cassation vient, dans un arrêt du 11 janvier 2017 [1], de confirmer l’abandon d’une conception restrictive de l’objet d’une transaction.

Si le salarié a déclaré, dans une transaction régularisée entre les parties en des termes généraux, « être rempli de tous ses droits et ne plus avoir aucun chef de grief quelconque à l’encontre de la société du fait de l’exécution ou de la rupture de son contrat de travail », il renonce à toute demande indemnitaire ultérieure, quelle que soit l’évolution de ses droits et des obligations de l’employeur.

Pour l’employeur, les termes généraux deviennent très protecteurs : plus le champ du protocole est large, moins il s’expose à des réclamations par la suite.

Le salarié aura quant à lui intérêt à tenter de restreindre – autant que faire ce peut – l’objet du protocole d’accord afin, en cas de naissance d’un droit ultérieur, ou d’une nouvelle obligation de son employeur, de conserver la possibilité de s’en prévaloir pour formuler une réclamation.

Conclusion : Restez vigilants dans la rédaction des protocoles ! Et en cas d’hésitation, n’hésitez pas à vous faire conseiller par le cabinet.


 

[1] Cass. Soc. 11 janvier 2017 ; n° 15-20.040

 

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