Arrêt HP France vs UFC Que-Choisir du 12 juillet 2012 : La réponse de la Cour de cassation à un débat incomplet.

courdecassation_humourDans un arrêt du 12 juillet 2012 opposant la société Hewlett Packard France, demanderesse au pourvoi, à l’association Union fédérale des consommateurs – Que Choisir (et autre), la haute juridiction a prononcé une cassation partielle de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 5 mai 2011 qui avait jugé que la vente d’ordinateurs prééquipés d’un logiciel d’exploitation, sans possibilité offerte au consommateur d’acquérir le même ordinateur sans le logiciel d’exploitation, constituait une pratique commerciale déloyale et avait donc interdit à HP France de vendre sur son site Internet des ordinateurs avec logiciels d’exploitation préinstallés sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de leur licence d’utilisation.

Cet arrêt a semblé résonner comme un coup de tonnerre, notamment en raison du fait que la presse en a fait une interprétation désastreuse et il n’est pas rare de voir écrit des titres comme « La vente liée d’OS autorisée à nouveau » ou « Vente liée : la vente de Windows avec un PC n’est pas « déloyale » » ou pire, « La vente liée de nouveau autorisée : le jugement qui remet tout en question« .

Je vous rassure immédiatement, il s’agit là d’inepties. Il est à regretter que l’association APRIL n’ait également pas échappé à cette lecture rapide dans son communiqué titré « Retour à la case précédente pour la vente liée : la Cour de cassation exige le changement de fondement juridique« , alors que la Cour de cassation n’exige rien de tel. Il fallait être bien plus modéré, ce que de nombreux autres sites ont fait fort heureusement. La Cour de cassation met logiquement et progressivement de l’ordre dans ces questions des pratiques commerciales déloyales et sanctionne une nouvelle fois la négligence de l’UFC Que-Choisir qui s’était déjà fait épingler sur une question analogue en 2008, avec le jugement du TGI de Paris du 24 juin 2008 (aboutissant à un arrêt de cassation le 6 novembre 2011). Voici donc quelques explications.


L’association Union fédérale des consommateurs – Que Choisir lutte depuis plusieurs années, parallèlement aux actions menées directement par les consommateurs, contre ce qu’on appelle dans le langage commun « la vente liée »… mais malheureusement avec un train de retard souvent. À l’initiative de l’AFUL, elle avait initié plusieurs actions en justice, notamment en 2006, contre des professionnels qui pratiquaient la subordination de vente. Les sociétés DARTY et Fils et HEWLETT-PACKARD France faisaient partie des sociétés assignées, sur le fondement de l’article L. 122-1 du Code de la consommation.

Mais le débat a très largement évolué en 2005 avec la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales des professionnels de l’Union envers les consommateurs, dont la transposition est intervenue en France par deux lois du 3 janvier et du 4 août 2008. Pourtant, l’UFC n’a jamais revu sa stratégie pour prendre en compte ces textes, en faisant évoluer les fondements juridiques sur lesquels elle dénonçait les pratiques commerciales déloyales en matière de consommation informatique. Les moyens financiers de l’association, qui peut s’offrir la possibilité de faire un très large usage des voies de recours pour ses procès, ainsi que la possibilité offerte par le Code de procédure civile de changer devant la Cour d’appel les fondements juridiques sur lesquels repose une demande, auraient dû conduire à un recadrage stratégique.

Petit rappel. Depuis la directive, sa transposition en droit Français, l’arrêt de la CJUE du 23 avril 2009 et celui de la Cour de cassation du 15 novembre 2010, le paysage juridique est le suivant :

  • Il y a d’abord les pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, au rang desquelles on trouve la fourniture de produits non demandés. Pour elles, pas d’interprétation possible. Lorsque le juge constate que le professionnel fournit un produit au consommateur dont il exige de sa part le paiement alors que ce dernier ne lui a rien commandé au préalable, il s’agit d’une pratique commerciale déloyale, plus particulièrement agressive, de vente forcée.
  • Il y a ensuite les pratiques commerciales déloyales au cas par cas en fonction des circonstances de la cause. La charge de la preuve négative incombe au professionnel qui doit démontrer qu’il n’a pas eu recours à de telles pratiques lorsqu’un consommateur les dénonce avec comme canevas les articles 5 à 9 de la directive. Ces pratiques sont celles qui ne figurent pas dans la liste noire des pratiques commerciales visées dans l’annexe I de la directive qui relèvent des pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances évoquées ci-dessus et on y trouve notamment la pratique commerciale illicite de subordination de vente.

Vous l’aurez donc compris, dénoncer une pratique commerciale agressive de fourniture de produits non demandés est bien plus « aisé » à mettre en œuvre que la pratique commerciale illicite de subordination de vente de l’article L. 122-1 du Code de la consommation qui, elle, nécessite une analyse précise par le juge des circonstances de la vente.

1. Le fondement choisi par l’UFC : la subordination de vente.

Certes, le débat est ancien puisque l’assignation de l’UFC devant le TGI de Nanterre date du 13 décembre 2006. Elle demandait notamment, sur le fondement de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, que la société HP soit enjointe de cesser, sous astreinte, de vendre sur son site dédié aux particuliers, des ordinateurs fournis d’un système d’exploitation Windows préchargé et de différents autres logiciels applicatifs, sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ce logiciel moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de la licence d’exploitation et d’indiquer le prix des logiciels d’exploitation et d’utilisation préinstallés vendus en ligne. Par arrêt du 30 octobre 2009 (ce qui démontre une fois de plus que ces procès, techniques, sont longs et difficiles), le TGI de Nanterre a notamment débouté l’association de ses demandes. L’UFC a interjeté appel de cette décision, ce qui a abouti à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 mai 2011 cassé partiellement par la Cour suprême.

Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle d’abord la règle juridique sur ce fondement :

« Attendu que sont interdites les pratiques commerciales déloyales ; qu’une pratique commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle atteint ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe particulier de consommateurs qu’elle vise. »

Il s’agit là d’une synthèse de l’article 5 de la directive repris (ultérieurement) dans le Code de la consommation. C’est donc à la lumière de cette règle que la Cour de cassation va rendre sa décision.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt fort bien motivé, avait jugé que la vente d’ordinateurs prééquipés d’un logiciel d’exploitation, sans possibilité offerte au consommateur d’acquérir le même ordinateur sans le logiciel d’exploitation, constituait une pratique commerciale déloyale et avait fait interdiction à la société HP de vendre sur son site Internet des ordinateurs avec logiciels d’exploitation préinstallés sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de leur licence d’utilisation.

Pour cela, elle avait retenu que :

« Considérant que sur le site qui lui est consacré, le consommateur n’est pas averti directement de la possibilité d’acquérir un ordinateur non muni d’un système Windows ; que cette possibilité offerte par la société HP, encore récente, n’existe en effet que sur le site pour les professionnels où il est offert la possibilité d’acheter un ordinateur avec un système d’exploitation libre (Linux ou Freedos) ;

Que le site grand public ne contient pas davantage de précision sur le prix des composants de l’ordinateur et, en particulier, du logiciel dont la valeur est variable, ni sur le contenu des licences utilisateur final ou utilisateur final Microsoft soumis à l’adhésion permettant à l’utilisateur de connaître avec exactitude les droits qui lui sont accordés ;

Considérant qu’il n’existe pas d’obstacle technique à l’absence de proposition sans préinstallation puisque la SAS HEWLETT PACKARD FRANCE le propose aux professionnels et qu’elle peut reprendre l’avertissement sur l’exigence d’une compétence minimale telle que prévue sur ce site et des problèmes de compatibilité ;

Qu’elle ne peut justifier l’absence de proposition d’ordinateurs sans préinstallation par le fait qu’il existe la possibilité pour le consommateur de s’adresser à des vendeurs extérieurs ;

Considérant que la SAS HEWLETT PACKARD FRANCE, qui oppose n’être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur lequel s’il n’a que des droits d’utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s’adressant à l’éditeur du logiciel d’exploitation ; qu’il n’est pas démontré que la désactivation, lors de la vente, est un réel obstacle technique ;

Que cette attitude est contraire aux exigences de la diligence professionnelle ;
(…)
Considérant que l’information sur la valeur des éléments composant l’offre de vente avec pré installation concerne des éléments substantiels à savoir le prix du logiciel dans la mesure où une licence OEM peut représenter entre 18 et 20 % du prix d’un ordinateur et une licence non OEM jusqu’à 27 % ;

Que l’absence d’information du consommateur sur ces composants réduit ses choix en ce qu’il ne peut comparer leur valeur avec d’autres propositions qu’il s’agisse du logiciel ou de l’ordinateur nu ; que surtout, il se trouve privé de la possibilité d’acquérir sans logiciel et ce alors que la demande des consommateurs ne cesse d’augmenter ;

Que dans ces conditions, le consommateur, sans information suffisante sur ces éléments importants dans la détermination de la valeur de l’ordinateur, peut se trouver ainsi amené à prendre une décision à propos de l’achat d’un ordinateur, qu’autrement il n’aurait pas prise ; que par le comportement induit par le manque d’information, la vente est « trompeuse » au regard de l’article 7 de la Directive et contraire à l’article L 121-1 du code de la consommation ; que le choix imposé est constitutif d’un préjudice pour le consommateur ; »

Cette motivation est conforme au droit positif.

La Cour d’appel a motivé sa décision en indiquant pourquoi l’attitude de la société HP était manifestement contraire à sa diligence professionnelle et a également estimé, après avoir décortiqué les pratiques commerciales trompeuses dont les critères d’appréciation sont posés par les articles 6 et 7 de la directive, que l’absence d’information sur les prix constituait notamment une omission trompeuse, constitutive d’une pratique commerciale déloyale.

Mais le débat était largement incomplet…

Partant, la Cour de cassation estime :

« Qu’en se déterminant ainsi, tout en constatant que la société soulignait, sans être démentie , que le consommateur pouvait en s’orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs “nus”, mais que l’installation d’un système d’exploitation libre restait une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir la réussite, la cour d’appel qui s’est fondée sur des motifs desquels il ne résulte pas que la vente litigieuse présentait le caractère d’une pratique commerciale déloyale, a violé le texte susvisé ; »

En d’autres termes, la Cour de cassation constate que l’UFC n’avait pas démenti que les consommateurs pouvaient commander une machine nue sur le site de HP dédié aux professionnels et relève que n’était pas non plus démentie l’allégation de la société HP selon laquelle « l’installation d’un système d’exploitation libre reste une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir le fonctionnement ».

La Cour de cassation n’étant pas là pour juger le fond du droit mais pour sanctionner une mauvaise application des règles de droit par les juges au regard du débat évoqué devant la juridiction dont la décision est soumise à sa censure, elle ne pouvait alors pas faire autrement que de retoquer la Cour d’appel qui avait estimé, malgré le « trou » flagrant dans l’argumentation de l’UFC qui n’a pas discuté les deux points litigieux ci-dessus, que les circonstances de la cause révélaient l’existence d’une pratique commerciale déloyale.

Or, sur le fond, s’il était possible que la société HP puisse présenter une telle offre à ses clients professionnels, encore fallait-il savoir si ce site était accessible ou non aux particuliers et s’ils pouvaient y commander exactement la même machine que celle qu’ils auraient pu commander sur le site grand public. L’UFC n’a développé aucun argument en droit civil sur ce point.

Par ailleurs, l’UFC aurait dû se pencher sur le site dédié aux professionnels pour en tirer la conséquence qu’il s’agissait en réalité d’une vaste fumisterie, sans compter les entorses au droit de rétractation prévu par le Code de la consommation s’agissant des ventes à distance…

Par ailleurs, comble de l’ironie, l’UFC avait déjà pêché par légèreté sur la question de la complexité de l’installation d’un système d’exploitation libre dans l’affaire l’opposant à la société DARTY ayant abouti au jugement du TGI de Paris le 24 juin 2008, puis à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 novembre 2009 et enfin à l’arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2011. Dans cette affaire, la société DARTY avait produit en première instance un rapport de deux « experts » qu’elle avait mandaté, hors cadre judiciaire, pour savoir si l’installation d’un système libre était compliquée. Ce rapport n’avait déjà pas été contesté à l’époque par l’UFC, alors qu’il y avait tant à dire sur le plan informatique et qu’il n’était pas difficile de demander une expertise judiciaire pour contrer cette pièce qui n’était pas sérieuse.

Enfin, le débat était largement incomplet devant la Cour d’appel puisque l’UFC était passée à pieds joints sur la question des pratiques commerciales agressives, se contentant d’évoquer les pratiques commerciales trompeuses, ce qui limitait largement le débat.

2. Un fondement inefficace à titre principal, car aléatoire.

Surtout, il faut rappeler encore une fois que la question qui se pose et que je soumets moi-même systématiquement aux juridictions du fond que je saisis du problème, n’est pas informatique mais purement un problème de consommation.

En effet, il ne s’agit pas tant de savoir si un système d’exploitation libre est complexe à installer puisque quelques minutes suffisent à démontrer le contraire, ou si un fabricant doit fournir des ordinateurs nus aux consommateurs alors que n’importe quel consommateur ou professionnel utilise un système d’exploitation pour pouvoir utiliser son matériel de façon conviviale et en tirer toute la quintessence.

La seule vraie question que devait poser l’association UFC était de savoir si, pour un fallacieux motif de pseudo-facilité d’installation pour le consommateur, un professionnel a le droit d’extorquer au consommateur le prix de produits qu’il lui a fournis alors que ce dernier ne les a jamais commandés avant la vente.

En d’autres termes, la société HP pratiquait-elle la vente forcée ? La réponse est évidemment positive et les sites comme celui de HP ainsi que les procédures mises en place lors de l’achat ou même postérieurement lorsque le consommateur se trouve confronté au CLUF du système d’exploitation qui le force à éteindre sa machine, démontrent très largement le contraire.

Mais l’UFC n’a rien relevé de tel.

3. Triste conclusion.

Les erreurs de l’UFC vont certainement coûter très cher, puisque la Cour de cassation a eu la mauvaise idée de renvoyer l’affaire à la Cour d’appel de Paris, celle-là même qui avait donné raison à la société DARTY dans l’affaire l’opposant à l’UFC et qui avait abouti à un arrêt de cassation le 6 novembre 2011.

La Cour d’appel de Paris avait alors adopté une motivation éminemment critiquable comme je l’avais déjà détaillé dans un précédent article, allant même jusqu’à supposer ce que devait être l’intérêt du consommateur moyen, au mépris des évidences.

Autre conséquence, malgré quelques erreurs contenues dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, sa motivation était bonne et minutieuse et venait avantageusement discréditer l’arrêt de la Cour de Paris du 26 novembre 2009 qui, fort heureusement, a été cassé depuis.

Enfin, ces erreurs vont encore obliger à se livrer à de très longs développements dans les conclusions présentées aux juges pour leur expliquer que la Cour de cassation n’a pas tout chamboulé, ce qui n’est pas franchement une bonne nouvelle pour le professionnel que je suis.

4. Références.

Arrêt n° 833 de la première chambre civile de la Cour de cassation du du 12 juillet 2012 (pourvoi 11-18807) : sur le site de la Cour de cassation ou sur Legifrance.

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Pratiques commerciales déloyales : pas de distinction entre constructeurs et revendeurs.

Dans deux nouvelles décisions récentes, la justice a encore condamné le fabricant SAMSUNG pour ses pratiques commerciales déloyales relatives à la fourniture de logiciels préchargés dans le matériel informatique ainsi que l’enseigne de grande surface AUCHAN pour ses pratiques commerciales trompeuses.
La jurisprudence ouverte par la Cour de cassation continue, logiquement, de s’imposer.
Regardons tout cela d’un peu plus près.

1. Madame Simone Z contre le géant SAMSUNG.

Le 10 mai 2012 SAMSUNG a une nouvelle fois été condamné par la juridiction de proximité de Caen. Cette nouvelle condamnation intervient à la suite des deux dernières, retentissantes, prononcées le même jour par la juridiction de proximité de Saint-Denis le 10 janvier 2012 sous forme de décision de principe. L’addition commence à avoir un goût amer pour le constructeur…

Les consommateurs qui mènent ces procédures de remboursement sont très souvent accusés d’être des « geek », terme qu’on prête aux mordus de l’informatique et de hi-tech. Madame Simone était-elle une « geek » pour vouloir le remboursement des logiciels qui lui étaient fournis ? En fait, absolument pas, vu son âge. C’est une simple consommatrice, attentive au monde qui l’entoure, et qui n’a pas apprécié que le constructeur lui extorque plus d’argent qu’elle n’avait à en donner, pour des logiciels qu’elle n’avait pas demandés.

1.1 La motivation prise par le juge.

Pour entrer en voie de condamnation contre le constructeur, le juge de proximité a d’abord rappelé, sans surprise, que le système d’exploitation et les logiciels applicatifs préchargés dans le matériel n’étaient que « des options auxquelles l’acheteur n’est pas tenu d’adhérer«  [1].

Ensuite, il a relevé que Madame Simone avait fait la démonstration que le fabricant ne lui avait laissé aucun choix :

  • lors de l’achat, puisque SAMSUNG ne propose ses ordinateurs à la vente qu’avec une multitude de logiciels fournis préchargés, de sorte que si Madame Simone souhaitait acheter ce même modèle chez SAMSUNG, elle devait obligatoirement l’acheter dans sa configuration d’origine, soit avec une multitude de logiciels fournis préchargés.
  • lors du démarrage de la machine, puisque le système d’exploitation Windows qui s’enclenche automatiquement (à partir d’un bios quasiment toujours configuré en premier démarrage sur le disque dur) ne propose pas d’autre option que d’accepter le contrat de licence du logiciel par une, voire deux cases à cocher, de sorte que si un consommateur moyen ne veut pas utiliser les logiciels fournis, il n’a pas d’autre choix que d’éteindre son ordinateur et de contacter le fabricant pour tenter d’obtenir un remboursement.
  • ou après l’achat, lorsque le constructeur tente d’imposer au consommateur qui lui adresse une demande de remboursement des logiciels, une procédure lourde et contraignante de renvoi du matériel à ses frais et risques abusivement qualifiée de « procédure de remboursement« , laquelle a été jugée abusive et réputée non écrite dans son ensemble à de nombreuses reprises.

Le juge a retenu que :

« Madame Y… apporte la preuve que la combinaison de la marque SAMSUNG et le modèle N130 constituait l’élément déterminant de son achat, à l’exclusion de tout autre critère.

SAMSUNG a ainsi mis Madame Simone Y… face à la contrainte d’acquérir le matériel dans sa configuration logicielle d’origine et ainsi de payer le prix de logiciels qu’elle ne souhaitait pas acquérir.

Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de désinstallation des logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire 2005/29/CE puisqu’elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu’une contrainte à l’égard du consommateur. (…)

C’est à juste raison que Madame Simone Y… a pu réclamer le remboursement de ce qu’elle a indûment payé sur le fondement des dispositions de l’article L. 122-3 du Code de la consommation. »

S’agissant de la contrainte exercée par le constructeur sur le consommateur après la vente, et le caractère déloyal de la procédure de remboursement, le juge ajoute :

« Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de désinstallation de logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire 2005/29/CE puisqu’elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu’une contrainte à l’égard du consommateur.

Le fait de soumettre le consommateur, après l’achat du matériel, et à sa charge exclusive les frais qui découlent de la procédure de remboursement conduit à violer le droit et la liberté du consommateur d’adhérer à tel ou tel système d’exploitation et de choisir les licences et les logiciels qu’il souhaite installer. »

C’est donc encore une condamnation contre un constructeur pour fourniture de produits non demandés, même si la motivation n’est pas aussi limpide que celle retenue par le juge de proximité de Saint-Denis.

Rappelons que le seul constat par le juge que le professionnel a exigé du consommateur le paiement immédiat ou différé de logiciels qu’il lui a fournis sans que ce dernier ne les ait jamais demandés, justifie de le condamner à rembourser le prix perçu, soit ici celui des logiciels. La directive 2005/29/CE et le Code de la consommation rappellent clairement que cette pratique commerciale est strictement interdite, de sorte que la sanction devrait être maintenant de plus en plus automatique contre les professionnels qui la pratiquent. Je rappelle également que ces pratiques commerciales déloyales sont une infraction pénale et sont punies d’une peine de 150.000 € d’amende au plus et de deux ans de prison.

1.2. Un manquement à l’obligation d’information sur les prix.

Tirant les conséquences du fait que le matériel et les logiciels constituent deux éléments distincts, la jurisprudence et la doctrine s’accordent sur le fait que la vente d’un ordinateur fournis de logiciels préchargés constitue une vente par lots de produits distincts. Dans ce cas, la réglementation française impose au professionnel d’informer le consommateur des caractéristiques essentielles des produits (le matériel) et des services (les logiciels), du prix du lot mais également du prix de chacun des éléments constituant ce lot.

Là encore, SAMSUNG s’est fait épingler, puisqu’il ne fournit jamais la moindre information aux consommateurs, tant sur le caractère facultatif des logiciels, que sur le fait qu’ils sont payants et que le consommateur les paye effectivement, ou sur le prix du matériel seul et des logiciels seuls. Le prix global indiqué par le fabricant ou le revendeur ne suffit pas à satisfaire aux obligations imposées par la réglementation.

C’est la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 6 octobre 2011, a rappelé que le prix des logiciels était un élément substantiel dont le consommateur devait être informé, reprenant en cela les critères posés par la directive 2005/29/CE.

Le juge retient que :

« Attendu que la société SAMSUNG ne donne aucune information s’agissant du prix des logiciels vendus à Madame Simone Z… sans que cette dernière n’en ait sollicité l’acquisition lors de l’achat objet de la présente instance. En effet, la société SAMSUNG doit à tout le moins donner cette information à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure de remboursement dont elle a conservé la maîtrise. La société SAMSUNG ne saurait profiter de son silence s’agissant de la décomposition du remboursement proposé unilatéralement et a posteriori sans en avoir tenu le consommateur informé lors de la réalisation de l’achat. »

Le juge de proximité condamne donc la société SAMSUNG à payer à Madame Simone la somme de 250 € au titre des logiciels dont il a dissimulé le prix.

Il y ajoute une somme de 250 € de dommages et intérêts pour le préjudice subi par le consommateur, ce qui est un montant scandaleusement dérisoire lorsqu’on sait que la vente forcée est une infraction pénale sanctionnée notamment par une amende de 150.000 € au plus ! Le préjudice subi par les consommateurs face à ces pratiques commerciales est très important puisqu’ils n’ont pas d’autre choix que de faire des procès pour faire respecter leurs droits les plus élémentaires et légitimes, se substituant en cela à l’incurie de la DGCCRF ou du ministre de l’économie qui peut se saisir de ces questions.

Il condamne enfin SAMSUNG à payer à Madame Simone une somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés, ce qui est là encore une somme insuffisante, ainsi qu’à payer les dépens de la procédure [2].

2. Monsieur Z… contre la société AUCHAN.

Cette décision du 18 avril 2012 est plus intéressante puisqu’elle concerne non plus un fabricant, mais un distributeur, ce qui est plus rare. Et la décision, satisfaisante, est intéressante à plusieurs titres.

Les précédents jurisprudentiels sont peu nombreux, et ont été intentés pour la plupart par l’UFC Que Choisir contre différentes enseignes, avec plus ou moins de succès, alors que bénéficier du statut d’association de consommateurs est de toute évidence bien plus avantageux pour obtenir de bonnes condamnations.

Monsieur Z avait classiquement fait l’achat en avril 2010 d’un ordinateur, un Samsung (!), pour 295 €. Il avait fait des recherches pour savoir si le modèle qu’il avait choisi était proposé sans logiciels préchargés. Bien évidemment, comme dans le cas précédent, la réponse s’est rapidement avérée négative.

Monsieur Z reprochait à titre principal à la société AUCHAN sa pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de produits non demandés (dont le professionnel exige le paiement), et à titre subsidiaire (demande présentée au cas où le juge rejetterait la demande principale) sa pratique commerciale déloyale de vente subordonnée au regard des circonstances entourant la vente.

2.1. Pas de vente forcée selon le juge ???

Contre toute attente, et de façon contraire aux dernières jurisprudences en la matière, le juge a écarté le grief de vente forcée en deux temps :

« – Sur la vente subordonnée
Après l’achat de cet ordinateur (…) Monsieur Z a obtenu de la société AUCHAN (…) l’information selon laquelle il était possible, sous certaines conditions, de procéder à la « désinstallation » des logiciels pré-installés (…), qu’il en résulte que ces logiciels et l’ordinateur sont des éléments distincts et ne constituent pas un élément indivisible, qu’en conséquence la vente de l’ordinateur SAMSUNG (…) et des logiciels pré-installés constitue une vente liée ou subordonnée (…) »

Il a donc d’abord retenu la qualification de vente subordonnée au seul motif que les logiciels, qui ne sont que des options non obligatoires, sont fournis. Ce n’est pas inexact à proprement parler, mais cette argumentation n’avait avait été développée qu’à titre subsidiaire par Monsieur Z.

Or, la vente n’est pas exclusivement subordonnée du seul fait que les logiciels sont fournis préchargés, puisque la qualification de fourniture de produits non demandés (ou vente forcée) est également applicable à cette hypothèse.

C’est donc la suite de la décision, le second temps, qui va nous renseigner sur la justification qui a poussé le juge à exclure la vente forcée :

« Attendu que Monsieur Z prétend que l’exigence d’un paiement immédiat des logiciels fournis avec l’ordinateur sans qu’il ne demande la fourniture de ces logiciels constitue une vente déloyale en soi au sens de l’article L. 122-3 du Code de la consommation, que toutefois ce texte applicable aux ventes sans commande préalable n’est pas applicable en l’espèce puisque Monsieur Z a passé une commande préalable à son achat ; que cette commande porte le numéro (…) selon la facture délivrée par la société AUCHAN »

Il y a là une erreur et une confusion importante de la part du juge qui ne pouvait pas à la fois retenir que la matériel et les logiciels étaient deux éléments distincts (ce qui est exact) sans en tirer les conséquences juridiques qui en découlaient.
En effet, nous sommes en présence d’un lot de deux produits distincts, le matériel d’un côté et les logiciels de l’autre, chacun étant régis par des contrats bien différents : un contrat de vente pour le matériel et un contrat de fourniture de prestations de services pour les seconds. Par conséquent, le juge ne pouvait pas retenir que Monsieur Z avait passé une commande préalable de logiciels auprès de AUCHAN en se fondant sur le contrat de vente du matériel, d’autant plus que le contrat de licence des logiciels (SE ou applicatifs) n’est soumis à l’accord éventuel du consommateur que postérieurement à la vente. En outre, le juge ne pouvait pas déduire de l’acte d’achat du matériel l’existence d’une commande préalable de logiciels auprès de AUCHAN, puisque les logiciels sont fournis préchargés par le fabricant, ici SAMSUNG, et non pas par le revendeur.

Je ne peux donc pas partager la motivation du juge qui l’a conduit à écarter le grief de vente forcée.

Néanmoins, le juge retient tout de même l’existence d’une pratique commerciale déloyale, en l’espèce une pratique commerciale illicite de subordination de vente.

Choisissant cette qualification juridique, le juge a donc examiné les circonstances de la vente pour savoir s’il existait une pratique commerciale trompeuse et/ou agressive, comme l’exigent la directive et la Cour de cassation depuis l’arrêt Pétrus lorsqu’il s’agit d’apprécier les pratiques commerciales non listées à l’annexe I de la directive.

Pour écarter le grief de pratique commerciale agressive, le juge s’est basé sur le fait qu’il avait estimé que la vente des logiciels n’avait pas été forcée au motif qu’il y avait eu commande préalable des logiciels de la part de Monsieur Z. Cela est évidemment contestable, puisque nous savons pertinemment que le consommateur n’a pas d’autre choix que de payer le prix des logiciels fournis préchargés s’il veut fait l’acquisition du modèle convoité.

Il a donc examiné si la société AUCHAN s’était livrée à une pratique commerciale trompeuse.

Rappelons d’abord que les critères d’appréciation posés par la directive obligent le juge qui choisit la qualification d’une pratique commerciale déloyale au cas par cas (soit ici la subordination de vente, par opposition à la pratique commerciale déloyale « en toutes circonstances » de vente forcée), à vérifier au regard des circonstances de la vente s’il existe une pratique commerciale agressive (articles 8 et 9 de la directive) et à défaut, une pratique commerciale trompeuse (article 6 et 7 de la directive). Mais si les leviers pour dénoncer les pratiques commerciales déloyales des professionnels en cette matière sont importants, il ne faut cependant pas négliger de les soulever.

Le juge de proximité a retenu sur cette question :

« Attendu que selon (…) la directive (…), constitue une pratique commerciale trompeuse l’information qui induit ou qui est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne le prix ou le mode de calcul du prix de nature à l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
(…)
Attendu qu’en l’espèce, la société AUCHAN n’a pas affiché le prix de l’ordinateur et de façon distinctive le prix des logiciels pré-installés, qu’elle n’a fourni à Monsieur Z, avant l’achat du 23 avril 2010, aucune information sur le prix de chacun de ces éléments alors que l’ordinateur et les logiciels pré-installés constituent des éléments distincts, qu’une telle pratique commerciale est trompeuse au sens de (…) la Directive (…) puisque l’absence d’information sur les prix a induit en erreur Monsieur Z et l’a amené à prendre une décision, à savoir l’achat de l’ensemble qu’il n’aurait pas prise autrement puisqu’il ne souhaitait acheter que l’ordinateur sans les logiciels pré-installés, que cette pratique trompeuse est interdite en application de l’article L. 122-1 du code de la consommation. »

Avec un peu d’attention, vous aurez relevé l’existence d’une contradiction entre la motivation ci-dessus et celle précédemment adoptée par le juge s’agissant de la fourniture de produits non demandés. En effet, alors que le juge avait rejeté la qualification de fourniture de produits non demandés au motif que, selon lui, Monsieur Z avait volontairement passé une commande préalable de logiciels, il retient maintenant que Monsieur Z avait bien souhaité acheter un ordinateur sans logiciels préchargés…

En définitive, on voit encore plus clairement que la motivation prise par le juge sur la vente forcée était contestable. Mais qu’importe, puisqu’il estime qu’en ne donnant aucune information sur les prix et qu’en ne procédant à aucune ventilation entre le prix du matériel et le prix des logiciels, la société AUCHAN s’est livrée à une pratique commerciale trompeuse, puisque Monsieur Z a été contraint de prendre une décision d’achat qu’il n’aurait peut-être pas prise s’il avait eu cette information.

Et qui d’autre mieux que AUCHAN peut connaître le prix des logiciels, à part le fabricant lui-même bien évidemment ? Seule la société AUCHAN pouvait, par sa puissance d’achat, exiger du fabricant qu’il lui communique le prix des logiciels fournis préchargés, en vertu du principe de transparence posé par le Code de commerce, lequel est d’ailleurs repris du Code de la consommation.

2.2. La notion de consommateur moyen discutée

Pour tenter de s’extraire du cadre de l’application de la directive 2005/29/CE, les fabricants et distributeurs cherchent parfois à soutenir que le consommateur qui essaye d’obtenir le remboursement des logiciels, ne serait pas un consommateur moyen à qui s’adresse cette directive.

AUCHAN n’avait pas manqué de soulever cet argument. La société avait tenté de soutenir que Monsieur Z était un consommateur « particulièrement avisé » au seul prétexte qu’il voulait un ordinateur fourni sans logiciels préchargés. C’est l’argument de l’ignorance, car prétendre qu’un consommateur serait averti au seul motif que ses demandes sont inhabituelles, est un raisonnement assez singulier. Et c’est exactement ce qu’a retenu le juge de proximité :

« Attendu que ce texte [3] est applicable au consommateur moyen, que la société AUCHAN ne démontre pas que Monsieur Z… n’est pas un consommateur moyen ; qu’en tout cas, la qualité de consommateur averti alléguée par la défenderesse ne peut résulter de la simple volonté exprimée par Monsieur Z… d’acheter un ordinateur sans logiciels d’application, qu’une telle demande n’implique pas en soi des connaissances spécifiques en matière d’informatique. »

En effet, la qualité de consommateur averti dépend notamment de ce qu’il exerce une activité professionnelle similaire à celle du professionnel auquel on le compare. Tel n’était évidemment pas le cas ici. Le juge n’a pas non plus estimé convaincant l’argument de AUCHAN selon lequel Monsieur Z s’était adressé volontairement à elle alors qu’elle n’était qu’une enseigne non spécialisée, puisqu’au contraire, en s’adressant à AUCHAN, Monsieur Z a fait un achat classique, de consommateur moyen, dans son enseigne de proximité.

Il est en tout cas intéressant de relever que le juge a estimé que le fait, pour un consommateur, de demander un ordinateur sans logiciels n’impliquait pas de disposer de connaissances informatiques spécifiques. Et il a raison. Installer un système d’exploitation, surtout à partir d’un disque dur vide, ne relève pas d’une grande complexité informatique, surtout avec une distribution GNU/Linux grand public (p. exemple : OpenSuse, Ubuntu, Mageia, etc.). Nous pouvons donc, avec cette nouvelle décision qui s’inscrit dans la droite lignes des précédentes, définitivement enterrer la jurisprudence UFC ¢ Darty du 24 juin 2008, jugement dans lequel le juge avait retenu, à l’époque, qu’il s’agissait d’une opération complexe. Sous Windows, l’opération qui était encore complexe avec Windows XP, a largement été simplifiée avec Windows 7.

3. Conclusion

Ces deux décisions sont deux jurisprudences de plus en faveur des consommateurs, qui demandent de plus en plus à ne plus devoir être contraints de payer les produits ou les services qu’ils n’ont pas demandés s’agissant en tout cas de l’informatique grand public, ce que confirmait déjà l’étude du CREDOC en 2007. Le fait que les décisions soient parfois en demi-teinte n’est pas surprenant et démontre qu’il ne faut pas tarir d’explications sur le sujet face aux juges qui ne sont pas habitués à ce type de contentieux, surtout devant les juridictions d’instance.

Enfin, l’enseignement majeur à tirer de ces derniers jugement, est que la jurisprudence ne fait, logiquement, strictement aucune différence entre les professionnels : qu’ils soient fabricants de matériel informatique, assembleurs, revendeurs spécialisés ou non, ils sont tous tenus aux mêmes règles s’agissant des pratiques commerciales déloyales et notamment la fourniture de logiciels non demandés qui demeure totalement interdite, ou de l’information nécessaire sur les prix des produits composant le lot matériel-logiciels.

Tout cela est bien évidemment encourageant pour la suite.


 4. Post-scriptum et notes.

Pour une question de confidentialité, ces décisions ne seront pas publiées à la demande des consommateurs qui souhaitent conserver leur anonymat.

[1Selon la formule du juge de proximité d’Aix-en-Provence dans un jugement du 17 février 2011 qui avait abouti à la condamnation du fabricant ACER

[2article 695 du Code de procédure civile

[3article L. 122-1 du Code de la consommation

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RPVA : Appel aux confrères !!

rpva2-ebarreau-siteChers confrères, à vos claviers ! Je vous lance un appel solennel si vous utilisez comme moi Linux au quotidien à votre cabinet.

Le RPVA étant aujourd’hui ce qu’il est faute pour le CNB d’avoir pris en son temps les bons interlocuteurs, lesquels sont passés à pieds joints sur la notion d’interopérabilité qui nous est si chère et dont ils n’ont cure, je me vois contraint de constituer un groupe d’avocats qui, comme moi, utilisent l’architecture GNU/Linux au quotidien dans leurs cabinets.

Ce groupe, composé à la fois de confrères sous Linux mais également d’entreprises du libre (SSLL), doit nous permettre de démontrer qu’il n’y a pas besoin d’engager quelques millions d’euros supplémentaires pour que le RPVA, qu’on nous impose, soit pleinement fonctionnel chez nous.

(suite…)

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La fiscalité des prestations compensatoires

1. Le principe

La fiscalité des prestations compensatoires et des pensions alimentaires suscite toujours beaucoup d’interrogations.

L’article 274 alinéa 1, 1° du Code civil rappelle qu’en principe, les prestations compensatoires sont versées sous la forme d’un capital (somme d’argent) payable immédiatement.

Il s’ensuit que, lorsque le jugement décide que la prestation compensatoire sera versée sous la forme d’un capital, le règlement doit être effectué par le débiteur en une seule fois dans un délai de 12 mois à compter de la date où le jugement de divorce est passé en force de chose jugée.

Une difficulté peut survenir lorsque, le débiteur paye partiellement ou totalement la prestation compensatoire au delà des 12 mois. Une instructions fiscale de 2012 est venue préciser le régime de cette forme de prestation compensatoire.

En substance, elle précise que les prestations compensatoires versées, de la seule initiative d’une ou des parties, au-delà du délai prévu par le jugement ou la convention homologuée, ces versements ne peuvent bénéficier du régime fiscal des pensions alimentaires. Elles ne sont dès lors pas déductibles et ne peuvent donner lieu à réduction d’impôt : ces versements ne sont ni déductibles du revenu imposable du débiteur (y compris pour les versements partiels intervenus dans le délai imparti), ni imposables au nom du créancier. En outre, le débiteur ne peut bénéficier de la réduction d’impôt.

Extrait :

« Cependant, lorsque le jugement ou la convention homologuée par le juge prévoit, sur le fondement de l’article 274 du code civil, que le versement devait intervenir intégralement dans un délai de douze mois, la circonstance que le débiteur libère le capital, en tout ou partie, au-delà de ce délai n’a pas pour effet de faire entrer les versements dans le champ de l’article 275 de ce même code. Dès lors, le régime des pensions alimentaires mentionné à l’article 80 quater du CGI applicable aux versements mentionnés à l’article 275 du code civil, ne leur est pas applicable. Le débiteur ne peut pas déduire ces versements de son revenu global et les versements perçus par le créancier ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu.

En outre, le délai de versement dans le délai de douze mois prévu par l’article 199 octodecies du CGI n’étant pas respecté, le débiteur ne peut pas bénéficier de la réduction d’impôt mentionnée à cet article. »

Ces dispositions s’appliquent aux versements effectués à compter de la publication de l’instruction, quelle que soit la date du jugement ou de l’homologation de la convention.

L’article 275 du Code civil précise que le juge peut prévoir la libration du capital versé, sur 8 années (ce n’est qu’un échelonnement du paiement et cela n’a rien à voir avec une prestation compensatoire réglée sous la forme d’une rente mensuelle).

Dans ce cas, c’est le régime des régime des pensions alimentaires qui s’applique et ces sommes sont déductibles du revenu global du débiteur. Pour celui qui perçoit ces versements (le créancier), il doit déclarer les sommes perçues qui seront imposables à l’impôt sur le revenu.

2. Références

N’hésitez pas à contacter le cabinet pour savoir si vous pouvez déduire fiscalement la prestation compensatoire à laquelle vous avez été condamné ou que vous recevez, ou même vérifier si elle est imposable ou non.

C.G.I., art. 80 quater, 156-II et 199 octodecies, NOR : ECE L 12 20479 J – sur DECISION DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE RENNES DU 10 MARS 2011 N° 0804637.

L’article 199 octodecies du Code général des impôts dispose que :

« les versements de sommes d’argent et l’attribution de biens ou de droits effectués en exécution de la prestation compensatoire dans les conditions et selon les modalités définies aux articles 274 et 275 du Code civil sur une période, conformément à la convention de divorce homologuée par le juge ou au jugement de divorce, au plus égale à douze mois à compter de la date à laquelle le jugement de divorce, que celui-ci résulte ou non d’une demande conjointe, est passé en force de chose jugée, ouvrent droit à une réduction d’impôt sur le revenu lorsqu’ils proviennent de personnes domiciliées en France ».

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Double condamnation de SAMSUNG : la fourniture de logiciels non demandés est interdite

claviertexteLes juges réitèrent magistralement leur jurisprudence dans deux décisions du même jour contre le constructeur SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE.

Dans deux jugements rendus le 10 janvier 2012, le juge de proximité de Saint-Denis a sanctionné dans les mêmes termes le constructeur SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE qui avait été assigné par deux consommateurs pour vente forcée de logiciels préchargés dans le matériel informatique qu’ils avaient acheté. La condamnation est historique, tant sur la qualité de la motivation que sur le principe de la condamnation puisqu’enfin, conformément aux demandes présentées par ces deux consommateurs, le terrain juridique est celui de la vente forcée et non plus celui de la vente liée. Et la différence est de taille. Suivez le guide pour les explications.

1. Quelques mots d’introduction.

Tout d’abord, je tiens à saluer la qualité du travail fourni par le Juge de proximité de Saint-Denis. Dans ces litiges, longs et complexes puisqu’ils mêlent à la fois droit Européen et droit français de la consommation, rares sont les belles décisions. Mais qu’est-ce qu’une belle décision, me direz-vous ?

Pour un client, une bonne décision est celle qui lui fait gagner son procès, qui lui permet d’avoir la condamnation de son adversaire à la hauteur de ses espérances, qu’il s’agisse de demandes financières ou non.

Pour un juriste, le point de vue n’est pas toujours le même, car une bonne décision est aussi celle qui est suffisamment bien motivée pour pouvoir être utilisée dans d’autres litiges de même nature, afin de faire progresser le débat et faire évoluer la jurisprudence.

Les décisions évoquées ici sont donc des bonnes décisions, à double titre : pour les clients et pour le débat juridique car la question fait un bond de géant dans la solution jurisprudentielle.

Mais nous ne sommes pas sous l’arbre à palabres, alors entrons dans le vif du sujet !

2. Le matériel et les logiciels sont deux produits distincts.

La solution est aujourd’hui admise en jurisprudence et n’est plus sérieusement contestable.

Le matériel est un bien corporel qui fait l’objet d’un contrat de vente entre le vendeur et l’acquéreur et qui confère à ce dernier un droit de propriété absolue sur la chose vendue dès le paiement du prix. À l’inverse, la fourniture d’un logiciel est une prestation de services qui ne confère qu’un droit d’usage sur le logiciel à compter et sous réserve de l’acceptation de la licence d’utilisation.

Il découle de ce constat une série de conséquences, notamment le fait qu’il s’agit d’unevente par lots qui impose aux professionnels de respecter des obligations précises sur les caractéristiques essentielles des produits et des services fournis aux consommateurs, ainsi que leurs prix : par exemple, les informer que les logiciels fournis ne sont que des options non obligatoires, qu’il y a un contrat de licence à accepter, le prix des logiciels indépendamment du prix du matériel, etc. et la liste est longue !

Pour tenter de s’opposer à cette évidence juridique et physique, certains constructeurs ont inventé le concept de « l’unité fonctionnelle » : selon eux, le matériel et les logiciels seraient tellement liés l’un à l’autre qu’ils formeraient un « produit unique » ou un « produit sophistiqué ». Mais il ne s’agit là que d’une argutie sans portée. Non seulement parce que depuis longtemps la jurisprudence fait la distinction entre ces deux produits [1], mais également parce qu’il est aisément démontré que ce concept n’est là que pour tenter de dissimuler le défaut manifeste d’information auquel se livrent les fabricants sur le prix des logiciels ou les caractéristiques essentielles des produits. En outre, cet argument ne pourrait valoir que pour le système d’exploitation qui a pour but de rendre la machine conviviale pour permettre à l’utilisateur d’en tirer toute sa puissance, mais certainement pas pour les logiciels applicatifs qui n’ont aucune utilité « fonctionnelle » et qui sont pourtant fournis préchargés et qui sont payés par le consommateur…

Par ailleurs, les juges sont de mieux en mieux informés sur le fait que le système d’exploitation Windows de Microsoft n’est pas le seul susceptible de faire fonctionner un ordinateur correctement et que si les consommateurs utilisent majoritairement Windows, c’est uniquement parce qu’il est livré préchargé dans les machines. D’ailleurs, on le voit bien dans le marché des smartphones et des tablettes où Windows représente que 0.56 % du marché environ, là où iOS et Androïd ont 80 % du marché environ [2].

Finalement, ce sont mes adversaires dans les prétoires qui sont les plus surprenants : ils m’interrogent souvent après les audiences en me demandant s’il existe vraiment autre chose que Windows, car ces procès les intriguent sur le fond ! Un peu comme si tout cela n’était qu’une fantaisie de la part des consommateurs, ou même de ma part ! Mais cinq minutes suffisent pour leur faire comprendre qu’ils sont déjà entourés d’appareils qui ne fonctionnent pas sous Windows (box ADSL, télévision [3], smartphones, etc.) et qu’il existe pléthore de systèmes d’exploitation parfaitement fonctionnels pour les ordinateurs.

Mais la reconnaissance de ce problème de consommation (de choix de consommation dirais-je) s’est heurté à des résistances farouches, souvent par ignorance :
Ainsi, le professeur Jean-Philippe Feldman écrivait encore en juin 2009 dans une revue juridique connue que : « l’installation d’un système d’exploitation n’est pas la chose la plus simple qui soit. D’ailleurs, les partisans du logiciel libre organisent des « install parties », manière de dire qu’il faut des conseils d’experts pour installer lesdits logiciels. On a connu plus commode pour le consommateur… » [4].

D’autres commentateurs comme le Professeur Philippe Stoeffel Munck ont également tenté de porter cette approche « fonctionnelle » pour les constructeurs, au mépris d’une évidence physique, juridique, jurisprudentielle pourtant ancienne et des directives communautaires transposées [5] (car il y a bien, dans tous les cas, une fourniture de produits non demandés, prohibée, et l’approche fonctionnelle n’y change rien puisque le texte ne prévoit pas d’exceptions). Tout cela n’avait évidemment rien de crédible une seule seconde, et il suffit de télécharger gratuitement ou d’aller trouver chez son marchand de journaux pour quelques euros un CD ou un DVD d’un système d’exploitation Linux et de le mettre dans le lecteur d’une machine avec un disque dur vierge pour démontrer le contraire en moins de 10 minutes ! Du reste, pour ma part, je n’ai jamais vu ces commentateurs se rendre à l’une de ces journées de découverte du logiciel libre (i.e. « install party » pour les habitués) qui réunissent plusieurs milliers de personnes parfois autour de conférenciers et de passionnés. Diable, il y a même un salon annuel qui les réunit avec les entreprises du libre au CNIT de la Défense chaque année !

3. Sur le caractère déloyal « en toutes circonstances » de la pratique commerciale de fourniture de produits non demandés.

La motivation se passe presque de commentaires, tant elle est limpide :

« Attendu que si un ordinateur requiert l’installation d’un système d’exploitation pour l’accomplissement de la tâche que son propriétaire souhaite lui assigner, ce système ne saurait être nécessairement celui qui est fourni par la société Microsoft, des logiciels alternatifs pouvant être installés par les propriétaires ; Que si, comme le soutient la société SAMSUNG, dans l’esprit de la majorité des consommateurs, un ordinateur est nécessairement vendu avec un système d’exploitation en l’espèce fourni par la société Microsoft, c’est en raison des pratiques des assembleurs  ; Que ces agissements sont constitutifs de pratiques commerciales agressives ;

Qu’ainsi, il convient de déclarer déloyale en toutes circonstances à raison de son caractère agressif, la pratique consistant pour la société SAMSUNG, à revendre un système d’exploitation acquis par ses soins sans que Monsieur MARTY le lui ait demandé, et d’exiger le renvoi de l’ordinateur pour la désinstallation et le remboursement dudit système d’exploitation.  »

Est visée ici la pratique commerciale du professionnel de « fourniture de produits non demandés », soit des logiciels fournis préchargés dont le paiement est exigé au consommateur alors qu’il ne les a pas demandés (autrement dit, la « vente forcée »).

Depuis longtemps, cette pratique est strictement prohibée par le paragraphe 29 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE mais également par le Code de la consommation. L’annexe I dresse la liste noire des pratiques commerciales déloyales « en toutes circonstances », c’est à dire celles qui n’ont pas besoin de faire l’objet d’une analyse « au cas par cas » par le juge. [6] À l’occasion de la transposition de la directive, cette prohibition de principe a été intégrée à l’article L. 122-11-1, 6° du Code de la consommation. Puis, dans une loi dite de « simplification et d’amélioration de la qualité du droit » du 17 mai 2011, le législateur a pris le soin de mieux intégrer cette pratique dans le Code de la consommation en complétant l’article L. 122-3 du Code de la consommation (le 6° de l’article L. 122-11-1 a été abrogé).

Ainsi, lorsque le juge constate qu’une telle pratique a été mise en œuvre par un professionnel, il doit simplement rappeler qu’elle est prohibée en toutes circonstances sans se livrer à un analyse du comportement du professionnel et des circonstances de l’espèce. C’est là la différence majeure avec la pratique commerciale illicite de subordination de vente de l’article L. 122-1 qui, dans la mesure où elle ne fait pas partie de l’annexe I de la directive, doit faire l’objet d’une analyse au cas par cas par le juge pour être déclarée déloyale et donc interdite.

Avec la double motivation du juge de proximité, on touche là au problème de consommation que posent les consommateurs : si dans leur esprit, un ordinateur n’est aujourd’hui vendu qu’avec Windows préchargé, c’est seulement et uniquement à cause de la pratique des constructeurs et du défaut manifeste d’information auquel ils se livrent à leur égard, notamment sur le prix des logiciels et le fait qu’ils les payent. Autrement dit, si les constructeurs informaient mieux le consommateur, ce dernier ne serait pas « pieds et poings liés à son logiciel »…

C’est donc à juste titre que le juge de proximité a constaté que la société SAMSUNG avait acheté des licences pour des logiciels qu’elle fournit aux consommateurs et les revend à ces derniers sans commande préalable expresse de leur part avant l’achat. Sans avoir besoin de se livrer à la moindre analyse au cas par cas, le juge constate donc qu’il y a une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de logiciels non demandés. Logique, imparable.

Alors, les constructeurs feignent de s’insurger et tentent de brandir l’argument selon lequel il serait en quelque sorte dans l’intérêt du consommateur de leur fournir du matériel avec des logiciels pour leur permettre d’utiliser immédiatement leur machine. Ils soutiennent, pour les besoins de leur raisonnement, que le matériel serait « inutilisable » (sic.) sans logiciels.

Mais ces arguments s’évanouissent rapidement devant quelques évidences :

  • D’abord, comme je l’ai dit, s’il fallait admettre ce raisonnement, il ne pourrait s’appliquer qu’au système d’exploitation. Mais les constructeurs font payer une foultitude d’autres logiciels applicatifs qui ne sont pas toujours gratuits et dont il n’est pas démontré, pour ceux qui sont réellement gratuits, que leur intégration dans la machine en usine ne serait pas facturée d’une manière ou d’une autre aux consommateurs.
  • Ensuite, parce que la finalité des consommateurs qui font ces procès pro bono publico n’est pas d’avoir du matériel « nu », puisqu’ils utilisent logiquement un système d’exploitation pour rendre leur machine conviviale ! Ils veulent simplement avoir le choix de leurs logiciels et le choix de ne pas payer ceux dont ils ne veulent pas, surtout lorsqu’il est démontré, pièces à l’appui au cours du procès, que le prix du seul système d’exploitation peut représenter près de 30 % du prix de la machine (sans compter les autres logiciels applicatifs !). Ainsi, les juges commencent à comprendre que le problème n’est pas informatique comme le font croire les constructeurs depuis des années et comme se complaisent à l’écrire certains commentateurs, mais seulement un problème de consommation !Au demeurant, il est démontré qu’un matériel fonctionne (stricto sensu) sans système d’exploitation : il s’allume, on peut consulter et configurer les périphériques matériels qui sont dedans, le tout dans sa langue maternelle bien souvent. Simplement, il attend qu’on lui donne un système d’exploitation, quel qu’il soit, pour devenir convivial pour l’utilisateur qui pourra tirer la pleine puissance du matériel.
  • Au surplus, pour un consommateur moyen normalement avisé et attentif et qui ne s’engage pas bêtement les yeux fermés quand on lui demande son consentement, il se rend compte au contraire que les logiciels préchargés rendent en réalité sa machine inutilisable !En effet, au premier démarrage de sa machine fournie avec un système Windows préchargé par le fabricant, le consommateur s’aperçoit que s’il veut utiliser immédiatement et simplement sa machine, il est contraint d’accepter le contrat de licence de Windows et donc accepter l’installation sur le disque dur d’un logiciel qu’il n’a pas demandé (et dont le fabricant a déjà perçu le prix…) ! Car s’il ne le fait pas, il n’a pas d’autre solution que d’éteindre son ordinateur, de contacter le fabricant pour demander le remboursement du prix des logiciels (quand le constructeur offre cette possibilité…) et de subir ensuite des nouvelles conditions posées par le fabricant qui va conditionner, dans le meilleur des cas, ce remboursement au renvoi du matériel dans ses ateliers aux frais et risques de son propriétaire !Il y a évidemment plus simple et moins contraignant pour le consommateur qui peut décider d’installer le système d’exploitation de son choix, souvent obtenu gratuitement sur internet ou pour quelques euros en librairie, qui va effacer le système d’exploitation Windows préchargé en formatant le disque dur (la procédure existe depuis de nombreuses années, elle est automatique et sans difficultés et prévue dans les systèmes d’exploitation Libres par exemple, cf. image ci-dessous de Mandriva 2008)… mais en prenant cette initiative de son propre chef, il se voit systématiquement refuser tout remboursement par le constructeur !

effacerwmandriva

Par conséquent, pour un consommateur moyen qui ne veut pas dépenser inutilement d’argent et qui fait attention aux termes des contrats qu’on lui demande d’accepter, un ordinateur dans lequel on lui fournit des logiciels qu’il n’a pas demandés et qu’il a dû payer par le biais d’une pratique commerciale déloyale qu’on lui impose, est tout sauf un avantage et cela ne va évidemment dans son intérêt !

En d’autres termes, pour les constructeurs, si vous êtes un consommateur mouton qui ne dit rien et qui paye sans se poser de question, vous êtes un bon consommateur et si vous faites un peu attention, vous êtes un mauvais consommateur qui pinaille ! Et je vous passe les arguments fallacieux qui sont réellement soutenus à la barre du tribunal selon lesquels ces consommateurs (pourtant normaux) utiliseraient le tribunal comme « une tribune contre les « grandes entreprises qui exploitent l’ignorance des consommateurs », à mauvais escient. » (sic.)…

Ce sont ces pratiques commerciales de fourniture de produits non demandés qui ont été clairement sanctionnées ici, le juge ayant parfaitement appliqué dans sa motivation les dispositions limpides de la directive et du Code de la consommation, qui précisent que lorsque le juge constate qu’un professionnel a fourni aux consommateurs des produits qu’il n’a pas demandés en lui faisant par ailleurs payer, cette pratique est considérée comme « déloyale en toutes circonstances », et donc formellement interdite.

Le juge s’est d’ailleurs payé, logiquement, le luxe de rappeler qu’il n’y avait pas besoin de déclarer cette pratique commerciale « interdite » comme je l’avais demandé par précaution, cette interdiction étant la conséquence naturelle d’une pratique considérée par la directive de 2005 comme étant « déloyale en toutes circonstances ». Chapeau bas, Monsieur le Juge, mais comprenez que deux précautions valent mieux qu’une, compte tenu du fait que des décisions aussi bien motivées sont rares. Je le retiens toutefois pour les prochains dossiers qui m’amèneront à vous revoir bientôt.

4. Pas de remboursement des logiciels applicatifs ?

Sur ce point précis, le juge de proximité a doublement débouté les demandeurs, en retenant :

Qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’exception du système d’exploitation, les autres logiciels installés sur l’ordinateur sont des versions pour lesquelles le client dispose de la possibilité d’accepter ou de refuser un contrat de licence ; Qu’il conserve la possibilité de désinstaller l’intégralité ceux-ci s’il ne souhaite pas les utiliser.

Il s’agit là d’une erreur d’appréciation de la part du juge, pour plusieurs raisons :

  • d’une part, parce que le consommateur n’a pas la possibilité d’accepter ou non le contrat de licence des logiciels applicatifs pour une raison informatique simple et imparable : si l’utilisateur n’accepte pas le contrat de licence du système d’exploitation, celui-ci ne s’installera pas sur le disque dur de la machine, de sorte qu’il n’aura aucun accès aux logiciels applicatifs qui sont installés dans le système d’exploitation lui-même, puisqu’il s’agit de leur hôte informatique indispensable.
  • d’autre part, comme le rappelle Monsieur Ghislain Poissonnier [7], magistrat spécialisé en droit de la consommation, parce que :

    « L’accord non vicié du consommateur (au sens des art. 1108 et suivants du Code civil) à la vente de produits ou de services liés et l’existence au contrat de clauses contractuelles défavorables au consommateur n’interdisent ni au consommateur de se prévaloir de la règle de la prohibition de la vente liée, étant observé que cette prohibition est d’ordre public (art. 6 du Code civil), ni au juge de relever d’office une telle règle (art. L. 141-4 du Code de la consommation). »

    En d’autres termes, même si le consommateur acceptait le contrat de licence (de l’OS ou des logiciels applicatifs), rien ne lui interdirait ensuite de demander l’annulation de ce contrat puisque son consentement a été extorqué au moyen d’une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de produits non demandés (et aussi de vente subordonnée). Admettre le contraire reviendrait à admettre des exceptions à la loi, qu’elle ne prévoit pas !

  • Enfin parce que, sur le même mécanisme, même si le consommateur efface tous les logiciels de son ordinateur (OS et donc par voie de conséquence, les logiciels applicatifs), il demeure que le constructeur les lui a fait payer ! L’opération d’effacement d’un logiciel (ou le refus de la licence) n’est donc pas de nature, seule, à satisfaire les dispositions de l’article L. 122-3 du Code de la consommation qui exigent que le professionnel doit rembourser intégralement le prix qu’il a perçu au moyen de la pratique commerciale de fourniture de produits non demandés.

 5. Post-scriptum et notes

Pour des raisons de confidentialité, l’autre décision n’est pas publiée. La condamnation est cependant identique dans la motivation et pratiquement identique dans le quantum (un peu supérieure).
Notes

[1cf. notamment : CA Pau, 8 juin 1995, Cass. crim., 2 nov. 2005, T. Corr. Montpellier, 17 juin 2008 et bien d’autres

[2Étude NetMarketShare, févr. 2012

[3Par exemple, le téléviseur K91 de…. Lenovo (oui, vous avez bien lu…) est le premier conçu sous Androïd 4.0, la dernière version d’Androïd dit « Ice Cream Sandwich »

[4Le consommateur est-il pieds et poings liés à son logiciel ? Focus par Jean-Philippe FELDMAN
professeur agrégé des facultés de droit de Paris : Revue Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, Lexisnexis

[5En se substituant d’ailleurs maladroitement aux intentions profondes des consommateurs en affirmant que « les consommateurs positionnés sur ce marché entendent acquérir un ordinateur en état de fonctionnement.« , Semaine juridique, Édition générale n° 27, juin 2009

[6CJCE, 23 avr. 2009 : C-261/07 et C-299/07 Total Belgium NV et Galatea BVBA ¢ Sanoma Magazines Belgium NV ; 14. Cass. civ. 1re, 15 novembre 2010 (arrêt n° 995 pourvoi n° 09-11.161), contre Juridiction de Proximité de Tarascon, 20 nov. 2008 : Aff. Pétrus ¢ Lenovo France

[7G. Poissonnier : « Nécessité d’une information spécifique du consommateur en cas de vente d’un ordinateur avec un logiciel intégré », note sous Jur. Prox. Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, Vermel ¢ SA Dell, Gaz. Pal. 14 au 18 août 2011, n° 226 à 230, p. 14, 16736

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La mesure judiciaire d’investigation éducative (MJIE)

En matière familiale, un arrêté du 2 février 2011 publié au Journal Officiel du 25 février 2011 a institué la une mesure d’investigation éducative.

De quoi s’agit-il ?


Selon la circulaire, l’objectif de cette mesure est de :

« recueillir des éléments sur la personnalité du mineur, sur sa situation familiale et sociale et sur le sens des actes qu’il pose ou qu’il subit.
Dans le cadre d’une procédure d’assistance éducative, les informations et les préconisations contenues dans le rapport écrit doivent permettre au juge de vérifier si les conditions d’une intervention judiciaire sont réunies et de proposer si nécessaire des réponses en termes de protection et d’éducation, adaptées à la situation des intéressés. »

Elle est interdisciplinaire, c’est-à-dire qu’elle met en mouvement plusieurs services pour recueillir les éléments d’investigations demandés par le juge des enfants : cadres de direction, éducateurs, psychologues, assistants de service social avec éventuellement d’autres intervenants médecin psychiatre, psychologue, pédiatre, pédopsychiatre, services spécialisés (Hôpitaux, CMPP, PMI, centre d’examen de santé…) conseiller d’orientation et/ou d’insertion, ou d’autres spécialités (médiateurs culturels, services de prévention…).

Elle est aussi modulable tant dans son contenu que dans sa durée, en fonction de son cadre d’exercice civil ou pénal, de la situation particulière du mineur et de la prescription du magistrat.

Elle est confiée au Juge des Enfants et remplace l’enquête sociale et la mesures d’investigation d’orientation éducative.

Le texte ajoute :

Pour autant, l’objectif de la MJIE n’est pas une action d’éducation. Elle est par essence une démarche dynamique de recueil d’éléments, de compréhension éclairant la situation, de vérification des conditions prévues par la loi pour l’intervention judiciaire, d’observation, d’analyse partagée puis d’élaboration de propositions. Elle s’attache à évaluer la situation d’un mineur et à apprécier notamment les conditions d’exercice de l’autorité parentale et ses effets vis-à-vis de l’enfant.

La mesure a donc pour but de recueillir des éléments factuels sur la situation des enfants et leur évolution au sein de leur famille et de leur entourage. Par les informations qu’elle apporte au juge, la mesure peut notamment éviter l’enlisement d’un conflit familial.

Elle répond aux souhaits exprimés notamment par les magistrats, qui était d’obtenir une information relative à la personnalité et aux conditions d’éducation et de vie d’un mineur et de ses parents. Elle peut être demandée durant la phase d’information (procédure d’assistance éducative) ou pendant la phase d’instruction (cadre pénal).

Sachez que la MJIE est réalisée est réalisée dans un cadre contraint par la décision du juge des enfants et qu’elle n’est pas susceptible d’appel (pas de voie de recours). C’est la circulaire du 31 décembre 2010 (circulaire. n° JUSF1034029C, BOMJL 31 janv. 2011 : cf les références ci-dessous) qui est venue préciser le régime juridique de cette mesure. Il n’y a que la décision prise au fond en matière d’assistance éducative qui est susceptible d’appel (après la MJIE). L’appel est formé devant la Chambre des mineurs de la cour d’appel et le recours est suspensif d’exécution. Consultez le cabinet pour ce type de procédure dans lesquelles l’assistance d’un avocat est hautement recommandée.

Dans l’hypothèse de situations d’urgence où le Procureur de la République peut décider de confier un mineur à un établissement social ou à un tiers (il doit alors saisir le juge des enfants dans les huit jours), le service désigné doit rendre un rapport d’étape pour le jour de l’audience. CE rapport doit intervenir dans les 15 jours de la saisine du juge des enfants. Le juge des enfants a alors la charge de vérifier, au vu des résultats de la mesure, si la décision prise en urgence doit être maintenue ou non. LA MJIE doit être terminée lorsque le juge statue au fond, c’est-à-dire dans les 6 mois maximum. Ce délai inclut ceux de notification et de consultation des procédures par la famille et les avocats. À cet égard, e rapport doit être déposé 15 jours avant la date d’audience, ce qui permet au parquet, au juge, à la famille, à l’établissement de placement et aux avocats, de prendre connaissance du dossier avant l’audience (décret du 15 mars 2002).


Références

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Pétrus vs Lenovo : la fourniture de logiciels non demandés est une pratique commerciale déloyale

jurisprudanceLe 15 novembre 2010, la Cour de cassation rendait l’arrêt le plus intéressant en matière de pratiques commerciales des fabricants de matériel informatique.

La Cour Suprême retenait que la vente subordonnée de l’article L. 122-1 du Code de la consommation était prohibée si les circonstances qui l’entouraient constituaient une pratique commerciale déloyale au regard des critères clairement posés par la directive 2005/29 du 11 mai 2005.

Elle censurait totalement la décision du juge de proximité de Tarascon et renvoyait l’examen de l’affaire vers la juridiction de proximité d’Aix-en-Provence qui a rendu son délibéré le 9 janvier 2012. Quel est-il ?

Commentaire par Maître PROVOST, avocate, et conclusion par Maître CUIF, avocat.


Pour un historique judiciaire détaillé dans l’affaire opposant Monsieur Pétrus à la société LENOVO, il est renvoyé au commentaire sur l’arrêt du 15 novembre 2010.

Après avoir fait un bref rappel des faits et du jugement de la juridiction de proximité de Tarascon du 20 novembre 2008, le juge de proximité rappelle l’objet de sa saisine sur renvoi et la question à laquelle il doit répondre :

« Ayant formé un pourvoi contre ce jugement, la Cour de cassation par arrêt du 15 Novembre 2010 […] renvoya l’affaire devant notre juridiction estimant qu’il n’avait pas été recherché si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. »

1. Rappel des prétentions.

Monsieur Pétrus avait d’abord fait valoir à titre principal que le fabricant s’était livré à une pratique commerciale de fourniture de produits non demandés, en l’espèce des logiciels préchargés, dont il avait exigé le paiement de sa part et qu’elle constituait une pratique commerciale déloyale « en toutes circonstances » interdite tant par la directive 2005/29/CE que par le Code de la consommation.

Subsidiairement, pour le cas où la pratique commerciale de vente forcée ne serait pas retenue par le juge, Monsieur Pétrus soutenait que cette pratique du fabricant, telle qu’elle était pratiquée en l’espèce, constituait une pratique commerciale de subordination de vente déloyale et totalement interdite.

Les arguments de la société LENOVO s’articulaient principalement autour du consentement de Monsieur Pétrus qu’elle estimait éclairé et non vicié, puisque selon elle, il avait choisi un modèle prééquipé de logiciels en connaissance de cause, qui était de surcroît destiné aux entreprises et non aux particuliers. Elle prétendait donc que Monsieur Pétrus faisait une « confusion entre la vente liée de produits distincts et séparés et la vente de produits complexes composés d’un ensemble de composants indispensables à la définition du produit telle que voulue par le constructeur ».

Elle ajoutait et qu’en toute hypothèse, à l’instar d’une voiture avec ses pneus ou sa climatisation, le matériel ne pouvait pas fonctionner sans les logiciels et que la demande de Monsieur Pétrus tendant à se faire rembourser la somme de 404,81 € était excessive puisqu’elle revenait à se faire rembourser la plus grande partie du prix d’acquisition de la machine qui avait coûté 597 €.

Enfin, Lenovo a rappelé que selon elle, il n’appartenait pas au juge de réglementer la vie économique et que le problème incombait au législateur qui avait refusé de voter dans le sens indiqué par le demandeur le 6 juillet 2011.

2. Motifs de la décision.

Le juge a d’abord rappelé les circonstances de l’achat de l’ordinateur : Monsieur Pétrus avait demandé à faire l’acquisition du seul matériel, ce qui s’était révélé impossible parce que les logiciels étaient préinstallés, et que lors de la mise en marche du matériel, il n’avait pas eu d’autre choix que d’accepter l’installation du système d’exploitation ou se faire rembourser l’intégralité de son achat par LENOVO.

De ces circonstances de la vente, la décision du juge s’articule autour de deux points : la distinction matériel logiciels et les pratiques commerciales déloyales qui en découlent.

2.1. Le matériel et les logiciels sont des produits distincts.

Il s’agit d’une solution éprouvée et jugée à de nombreuses reprises, tant par la Cour de cassation que par de nombreuses juridictions du fond. Le juge de proximité d’Aix-en-Provence s’était d’ailleurs prononcé récemment en faveur de cette solution dans une affaire similaire opposant un consommateur au fabricant ACER [1], tout comme d’autres juridictions après lui [2].

Le matériel fait l’objet d’un contrat de vente qui confère à son propriétaire un droit absolu sur la chose dès qu’il en a payé le prix, alors que la fourniture d’un logiciel est une prestation de services qui ne confère qu’un droit d’usage sur le logiciel, ce que rappelle du reste clairement le contrat de licence du logiciel système d’exploitation.

S’il paraît presque invraisemblable de rappeler cette solution, tant la différence saute aux yeux, il s’agit néanmoins de l’argument principal soulevé par les constructeurs qui cherchent à faire juger que le matériel et les logiciels forment un « ensemble indissociable », un « produit unique », « technologique » encore une « offre commerciale globale ». LENOVO avait soutenu qu’il s’agissait d’un « ensemble de composants indispensables à la définition du produit ». Et le fait est que l’argument a pu séduire par le passé quelques juridictions, sans doute par méconnaissance de l’informatique, qui ont estimé du coup que les consommateurs ne pouvaient pas solliciter le remboursement des seuls logiciels.

Mais malgré la résistance des fabricants dans les procès, cette question n’est aujourd’hui plus sérieusement contestable. Et quoi qu’il en soit, le caractère sophistiqué d’un lot de produits n’autorise pas le professionnel à s’affranchir des dispositions précises de la directive du 11 mai 2005 ou du Code de la consommation relatives à l’information sur les caractéristiques essentielles des produits et leurs prix, ou de la réglementation spécifique en matière d’affichage du prix des produits vendus par lots.

Avec humour et répondant en cela à l’argumentation de la société LENOVO qui avait soutenu que les logiciels étaient aussi peu dissociables de l’ordinateur que les pneus ou la climatisation d’une voiture, le juge de proximité précise que l’analogie n’est pas exacte et reviendrait en réalité à fournir un chauffeur lors de l’achat de la voiture…

2.2. Sur les pratiques commerciales déloyales de la société LENOVO

Le juge retient :

« Attendu certes que l’appareil objet du litige sur lequel étaient installés un système d’exploitation et des logiciels de la société Microsoft, pouvait intéresser une clientèle particulière mais qu’aucune caractéristique technique ne s’opposait à ce que d’autres y soient implantés et notamment ceux que souhaitait le requérant.

Attendu donc qu’il ne pouvait lui être imposé d’adjoindre obligatoirement Windows Vista à un type d’ordinateur dont les spécifications propres mais uniquement matérielles avaient dicté son choix ;

Attendu en définitive qu’il est ainsi constaté que la Sas LENOVO a contrevenu aux dispositions de l’article L122-1 du code de la consommation qui en l’espèce satisfait aux prescriptions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, notamment à l’article 29 de son annexe 1, relative aux pratiques commerciales déloyales  »

Le juge déduit des circonstances de la vente que la société LENOVO s’est bien livrée à une pratique commerciale de subordination de vente déloyale au sens de la directive du 11 mai 2005 notamment en ce qu’elle s’apparente à une vente forcée au sens du paragraphe 29 de son annexe 1.

Il faut avouer que si cette motivation n’est pas claire, bien trop laconique et que le juge de proximité a omis de statuer sur un bon nombre de demandes présentées par Monsieur Pétrus à l’issue des débats, il demeure que le principe est acquis : imposer aux consommateurs de payer des logiciels qu’ils n’ont pas choisis ni demandés, au seul prétexte qu’ils sont préchargés par le fabricant, constitue une pratique commerciale de vente forcée déloyale en toutes circonstances au sens du paragraphe 29 de l’annexe 1 de la directive (qui fait partie de la liste « noire » des pratiques commerciales) et une vente subordonnée également contraire à la directive.

Le juge de proximité fait donc droit à la demande de remboursement de Monsieur Pétrus, ce qui est tout à fait légitime et parfaitement conforme aux dispositions du Code de la consommation invoquées au cours des débats. Il est regrettable que le juge ait fait droit à la demande sans détailler ce point et son fondement textuel.

2.3. Sur les demandes financières.

Monsieur Pétrus avait demandé la condamnation de LENOVO à lui payer une somme de 404,81 € en 2008 devant la juridiction de proximité de Tarascon. Cette somme n’a pas été actualisée devant la juridiction d’Aix-en-Provence, mais elle a été étayée et qualifiée. En effet, Monsieur Pétrus demandait que lui soit indiqué le prix des logiciels pour pouvoir en solliciter le remboursement. À défaut, il demandait la condamnation de LENOVO à lui payer une indemnité forfaitaire dont le quantum était susceptible de correspondre au prix des logiciels par comparaison avec les prix publics habituellement pratiqués en la matière.

Sans tenir compte du fait que le prix des logiciels n’avait pas été indiqué par LENOVO, le juge a estimé que la somme sollicitée était trop importante. Alors que Monsieur Pétrus avait établi que le prix des logiciels pouvait représenter plus de 30 % du produit global, il s’est calé sur une fourchette plus basse, notamment celle qui a été prise en compte par la Cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 5 mai 2011, soit entre 10 et 25 % du prix global [3].

LENOVO est donc condamné à payer à Monsieur Pétrus une somme de 120 €.

Le juge de proximité a aussi condamné la société LENOVO à lui payer une somme de 800 € à titre de dommages et intérêts. Ces condamnations à des dommages et intérêts sont de plus en plus fréquentes, principalement parce que les fabricants s’obstinent à refuser de procéder à un véritable remboursement des logiciels préchargés et que les consommateurs n’ont aujourd’hui qu’une seule possibilité pour faire valoir leurs droits : faire un procès !

Enfin, au titre des frais de procédure, le juge de proximité accorde à Monsieur Pétrus une somme de 1.000 €.

3. Quelle conclusion pour cette affaire ?

Il s’agit d’une décision qui va dans le bon sens, celui des consommateurs.

Cependant, la motivation adoptée est décevante et bien trop laconique pour le professionnel que je suis. Le jugement est aussi atteint de plusieurs omissions de statuer au regard des demandes qui ont été présentées. Il est regrettable que le juge de proximité n’ait pas fait l’effort de motiver solidement sa décision, surtout qu’il s’agissait d’un renvoi de cassation et qu’il avait été averti de l’importance du sujet et du fait que sa décision était très attendue.

J’ajoute, s’agissant de la distinction entre le matériel et les logiciels, que la réglementation sur les ventes par lots ne concerne plus seulement les yaourts ou les lots de casseroles, n’en déplaise à certains membres du ministère de l’économie des finances et de l’industrie avec qui je suis en discussion sur ces questions, et que les logiciels ont bien unprix public identifié totalement dissimulé par le fabricant après avoir été préchargés dans le matériel, puisqu’ils sont l’un des éléments dissociables d’un lot de produits distincts. Prétendre en plus que la DGCCRF contesterait ce point revient à avouer qu’il y a un refus du ministère de prendre parti sur cette question…

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L’illustration est de Michel Cadiou, il l’a appelée « La justice sur le fil » Merci beaucoup Michel !


Notes

[1Jur. prox. Aix-en-Provence, 17 fév. 2011 : Perrono ¢ Acer

[2cf. notamment CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011 : UFC-Que Choisir ¢ SAS Hewlett Packard France & association de droit du marketing ; Jur. prox. Toulouse, 20 mai 2011 : aff. Vermel ¢ S.A Dell

[3CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, préc.

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Dictaphone numérique compatible Linux

Il est toujours difficile de trouver du matériel nativement compatible avec Linux (i.e. quand le constructeur le prévoit). En général, les fabricants font peu ou pas d’efforts pour proposer des outils interopérables et qui s’intègrent bien dans cet environnement. J’ai cherché un dictaphone doté de fonctions de dictée « avancées » et doté d’un format audio interopérable.

Phillips, fabricant européen de produits numérique, se targue de proposer des dictaphones compatibles Linux, Mac et Windows. Qu’en est-il ?


 Le constat

Force est de constater que les fabricants de systèmes de dictée ne proposent rien de compatible avec Linux.

Par exemple, l’éditeur Nuance n’a toujours pas porté son produit Dragon Natrurally Speaking et ne semble pas en voie de le faire. J’avais contacté Nuance il y a quelques mois pour en discuter avec eux mais j’avais ressenti que cela ne figurait pas dans leurs priorités. C’est dommage.

Dommage, car il y a fort à parier qu’une fois de plus c’est le géant Google qui proposera une dictée pour Linux. Il propose déjà pour les utilisateurs du navigateur Chrome et des OS Android, un moteur vocal relativement performant pour faire des recherches sur Internet. Il ne s’agit pas de dictée au sens où on l’entend ici, mais le moteur vocal peut être intégré dans des applications par des développeurs.

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L’incompétence des fournisseurs d’accès à internet « pro »

Il y a quelques temps, comme mes fidèles lecteurs me l’ont fait observer, je suis tombé en rade de site internet. Il s’agissait de l’expression la plus visible d’un problème plus profond lié à mes fournisseurs d’accès à internet. Loin de moi l’idée de vous raconter ma vie, mais ce billet est destiné à dénoncer l’escroquerie, le mensonge organisé, et l’incompétence devant laquelle se trouvent les professionnels face à leur fournisseur d’accès à internet.


La terre est bleue comme une « Orange »

Toute l’histoire commence avec Orange, il y a un peu moins de deux ans.

Pour mon changement de locaux, je me rapproche de l’opérateur pour connaître leurs offres dédiées aux professionnels. En boutique, je tombe sur des gens charmants, mais totalement incapables de me donner des renseignements sur les demandes que je leur formule. Pour ouvrir une ligne FT, il n’y a pas de soucis, mais dès qu’on commence à entrer dans les détails de l’offre, il n’y a plus personne. Pourtant, je ne demande rien de compliqué en soi à un professionnel : une IP fixe pour mon site, un fax par courrier électronique, de la téléphonie. Mais j’ai besoin de renseignements précis, notamment pour le fax : est-il limité en émission, combien de pages, combien de destinataires… en bref, des demandes que j’estime basiques lorsqu’on interroge un professionnel de la téléphonie et d’internet. Mais je n’obtiens aucune réponse.

Résigné, je demande donc qu’une personne du service technique prenne mon contact rapidement. J’ai attendu deux jours, cinq jours, quinze jours… Personne ne m’a jamais rappelé.

Angoissé par le service après-vente qui me serait certainement offert face à un service avant-vente aussi catastrophique, je décide de me contenter de mon ouverture de ligne et d’aller voir si le ciel est plus bleu chez Bouygues Télécom.

En conclusion, Orange vante la qualité de ses offres pro à la télévision en indiquant : « Vous êtes actifs, nous aussi ». C’est incontestablement mensonger et je vous en reparlerai à la fin de ce billet.

Bouygues, un bon challenger… qui chute bien rapidement.

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Bonne et heureuse année 2012 !

En ce début d’année, il est encore temps de souhaiter à mes lecteurs assidus que je remercie, une très bonne et heureuse année 2012 !

Santé ? Oui ! Prospérité ? Elle est assurément essentielle en ces temps de crise ! Bonheur ? C’est incontournable pour bien vivre !

Alors, c’est tout ce que je vous souhaite.

Vœux juridiques ?

Il faut aussi espérer que cette année sera riche en bonnes décisions de justice en matière de pratiques commerciales déloyales des fabricants et revendeurs d’ordinateurs et la moisson de la fin de l’année 2011 commence tout juste avec encore une part de mystère, puisqu’il va s’agir de récolter les fruits des dernières jurisprudences les plus marquantes et favorables aux consommateurs et notamment celle de la Cour de cassation en date du 6 octobre 2011.

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