Baux commerciaux : la question des travaux

Le cabinet va entamer une série de petits articles liés aux baux commerciaux.

Cette matière que nous pratiquons donne lieu à de nombreuses questions de la part de nos clients.

Bien entendu, ces articles n’ont pas vocation à remplacer une documentation complète ou une consultation spécifique sur le sujet, mais certaines questions récurrentes méritent un éclairage rapide.

Pour entamer le premier opus, je vous propose un focus rapide sur les travaux.

Les gros travaux de l’article 606 du Code civil

Beaucoup de baux commerciaux « types » comprennent une clause selon laquelle tous les travaux, quels qu’ils soient, sont à la charge du preneur, à l’exception des gros travaux de l’article 606 du Code civil. Lorsque votre bail contient une telle clause, on doit alors se référer à l’article 606 du Code civil qui précise que :

 » Les grosses réparations sont celles des gros murs et des voûtes, le rétablissement des poutres et des couvertures entières. Celui des digues et des murs de soutènement et de clôture aussi en entier. Toutes les autres réparations sont d’entretien. »

Mais cette règle est soumise à l’appréciation des juges, de sorte que son contenu peut parfois varier. Une dépense est une grosse réparation en fonction de l’importance de la réparation et du caractère exceptionnel de la dépense. Le gros entretien, c’est-à-dire les réparations les plus importantes qui touchent en général à la structure de l’immeuble ou aux équipements indispensables à l’utilisation normale de la chose louée, relèvent de l’article 606. Attention, votre bail peut mettre aussi à votre charge les grosses réparations de l’article 606 théoriquement dévolues au bailleur. Cette clause n’est pas nécessairement illicite et il vous appartient de vous adresser à votre avocat préféré pour négocier ce type de clause si elle figure dans le projet de bail qui vous est soumis.

En clair, le bailleur doit prendre à sa charge :

  • les travaux de gros œuvre ;
  • le ravalement d’un immeuble ;
  • la réfection d’une toiture ou d’une verrière qui sont des réparations de gros œuvre.

En d’autres termes, le bailleur doit assumer « le clos et le couvert », malgré l’existence d’une clause de transfert des travaux sur le preneur, parce que le bail a pour objet un local qui suppose de remplir une obligation de délivrance pour le bailleur d’un toit et de murs.

Toutefois, les tribunaux ont pu décider que :

  • des dépenses de nettoyage de graffitis pouvaient incomber au bailleur, considérant que ces travaux ne pouvaient être classés dans les dépenses relatives aux fournitures consommables, ni assimilées à des travaux d’entretien courant
  • les parcloses des fenêtres ne sont pas des gros travaux.
  • le bailleur, ayant conservé à sa charge les grosses réparations prévues à l’art. 606 C. civ., donc celles relatives à la toiture, ne peut utilement invoquer une clause de non-garantie qu’à la condition qu’une faute lourde ne soit pas retenue à sa charge. Et commet une faute lourde le bailleur qui ne procède à aucune réparation efficace pendant quatre ans et laisse son locataire subir des infiltrations d’eau perturbant l’usage normal des lieux loués (art. 1720).

Notez que la clause selon laquelle le preneur s’engage à prendre les locaux loués dans l’état où ils se trouvent, ne peut avoir pour effet de décharger le bailleur de son obligation de maintenir les lieux en état de servir à l’usage auquel ils sont destinés, même si le loyer est très faible, en vertu de l’obligation de délivrance du bailleur.

Quid de la vétusté ?

Même en présence d’une clause mettant à la charge du locataire les grosses réparations de l’article 606, la vétusté n’est pas concernée. Mais attention, l’article 1755 du Code civil qui prévoit que  » Aucune des réparations réputées locatives n’est à la charge des locataires quand elles ne sont occasionnées que par vétusté ou force majeure », donc les cas de vétusté, n’est pas d’ordre public. Cela signifie qu’il peut être dérogé à cet article par une convention conclue entre les parties (le bail). Par conséquent, celles-ci peuvent prévoir que les travaux liés à la vétusté resteront à la charge du preneur, ce qui transfert alors la charge des dégâts liés à la vétusté au locataire, même s’ils sont liés à des intempéries (sauf les cas de force majeure, de défaut de conformité ou de structure rendant les locaux impropres à leur destination).

En résumé, on peut dire que les réparations d’entretien ou de gros entretien (de l’article 605 du Code civil), les grosses réparations (de l’article 606) et les dépenses rendues nécessaires par la vétusté ou la force majeure, demeurent à la charge du bailleur.

Mais en tant que locataire, il vous appartient d’avertir votre bailleur de toutes les difficultés qui surviennent sur ce point en cours de bail, car le bailleur ne peut pas lire dans une boule de cristal…

Puis-je arrêter de payer le loyer si les locaux sont en mauvais état ?

Jamais ! Le loyer est la contrepartie de l’occupation, même partielle, du local.

Il faut donc éviter de penser, comme beaucoup de locataires, que si on cesse de payer un mois ou deux, cela va inciter le bailleur à effectuer des travaux !

Même si les travaux sont en très mauvais état, ne faites pas justice par vous-même, vous risqueriez une expulsion devant le tribunal qui pourrait vous être fatale. Il y a des conditions à respecter pour que vous puissiez vous affranchir du paiement du loyer et cela passe notamment par une consignation des sommes que vous ne pouvez pas faire d’autorité.

Par conséquent, pour savoir quoi faire, contactez-moi directement, et pas après avoir reçu une décision vous expulsant de votre local faut de paiement des loyers !

Par Maître Frédéric CUIF | DESCARTES AVOCATS

4 réponses à “Baux commerciaux : la question des travaux

  1. Bonjour,
    Nous sommes une société de commerce de gros (machines outils)
    Nous sommes locataires d’un bureau, bail commercial, à Saint Maurice (94)
    Nous sommes actuellement dans l’impossibilité de travailler correctement, puisque la moitié de l’illumination principale du bureau est en panne.
    Il ne s’agit pas des néons défectueux (consommables) mais du faite que le courant n’arrive plus.
    Le cadre électrique présent dans le bureau n’est pas en cause, la cause est extérieure.
    Les illuminations sont placés à une hauteur telle (environs 4 mètres) qui nous ne permet pas d’intervenir directement sans nous mettre en danger.
    A votre avis, à qui reviens la charge des réparations ?

    En vous remerciant par avance de votre réponse

    Cordialement
    Marco Vannacci
    APROVERRE SAS

    1. Monsieur,
      Ça ne serait pas sérieux de ma part de vous répondre sans connaître votre dossier.
      Saisissez-moi par courriel avec les pièces de votre dossier et je vous ferai une consultation.
      Cordialement.

  2. Bonjour,

    Il faudrait mettre à jour votre article, il n’est plus possible depuis la réforme Pinel de 2014 de transférer au preneur les obligations du bailleur relevant de l’article 606 du Code civil.

    1. Bonjour,
      Mon article est parfaitement à jour de la loi Pinel : l’article R145-35 du Code de commerce qui encadre les travaux de l’article 606 du Code civil prévoyait des dispositions spécifiques pour l’entrée en vigueur :

      « Ces dispositions sont applicables aux contrats conclus ou renouvelés à compter de la publication du décret n° 2014-1317 du 3 novembre 2014. »

      Par conséquent, si le bail est régi par la loi antérieure, la clause n’est pas nécessairement illicite comme je l’ai écrit.

      Cordialement

Répondre à Frédéric CUIF Annuler la réponse.