L’omission d’une information substantielle telle que le prix des logiciels, est une pratique trompeuse pour un consommateur moyen

Deuxième arrêt GUERBY vs DARTY du 22 janvier 2014.

courdecassation_humourLa Cour de cassation vient de rendre ce 22 janvier 2014 un arrêt capital en matière de droit de la consommation informatique. L’affaire est déjà connue, puisque c’est le litige qui oppose Monsieur GUERBY à la société DARTY & FILS depuis 2006, que je commentais il y a quelques années.

Dans un premier jugement rendu par la juridiction du 1er arrondissement de PARIS le 25 septembre 2008, le juge de proximité avait débouté Monsieur GUERBY de ses demandes en estimant qu’il avait eu le choix d’acheter ou non l’ordinateur préchargé de logiciels. Monsieur GUERBY avait formé un pourvoi en cassation. La première chambre civile de la Cour de cassation lui avait donné raison dans un arrêt du 15 novembre 2010 [1] et avait renvoyé l’examen de l’affaire à la juridiction de proximité du 2e arrondissement de Paris.

Statuant sur le renvoi dans un jugement du 16 mars 2012, Monsieur GUERBY avait encore été débouté de ses demandes. Estimant là encore que cette décision n’était pas satisfaisante, il avait de nouveau formé un pourvoi en cassation. C’est cette procédure qui vient d’aboutir par l’arrêt du 22 janvier 2014.

Pourquoi cet arrêt est-il aussi important ? Suivez le guide !

1. Quelques rappels pour bien comprendre.

1.1. Les arrêts PÉTRUS et GUERBY de la Cour de cassation du 15 novembre 2010.

Souvenez-vous, le 15 novembre 2010, la Cour de cassation rendait deux décisions particulièrement importantes en matière droit de la consommation informatique.

Dans le premier arrêt opposant Monsieur PÉTRUS au géant mondial LENOVO, cassant en toutes ses dispositions le jugement rendu en 2008 par la juridiction de proximité de TARASCON, la Cour de cassation rappelait clairement aux juges du fond la règle en la matière : pour juger si la pratique commerciale d’un professionnel dénoncée par un consommateur est déloyale ou non, ils doivent désormais vérifier si celle-ci « entre dans les dispositions prévues par la directive ».

En d’autres termes, cela signifie que le juge doit d’abord vérifier si la pratique querellée par le consommateur fait partie de la liste noire des celles qui sont interdites « en toutes circonstances » listées à l’annexe I de la directive 2005/29/CE. À défaut de faire partie de cette liste noire, le juge dispose alors du pouvoir souverain d’apprécier « au cas par cas », en fonction des circonstances de la cause, si la pratique du professionnel est susceptible d’être considérée comme trompeuse ou agressive au regard des critères posés par la directives (articles 5 à 9 de la directive).

Cet arrêt PÉTRUS est « l’arrêt fondateur » en droit français de cette grille de lecture édictée par la directive 2005/29/CE elle-même sur les deux deux catégories de pratiques commerciales :

  • d’un côté, celles qui sont interdites « en toutes circonstances » ;
  • de l’autre, celles qui sont interdites « au cas par cas ».

Cette lecture de la directive avait été confirmée par l’arrêt de la CJUE du 23 avril 2009 que je commentais déjà à l’époque. La Cour de cassation a donc précisé en 2010 ce principe, qui n’est toujours pas respecté dans son ensemble par les juridictions du fond aujourd’hui, à mon grand désespoir, malgré la foultitude d’explications que je peux fournir…

Le second arrêt rendu le même jour concernait Monsieur GUERBY contre la société DARTY & FILS, que je commentais aussi dans un précédent article. Souvenez-vous, le juge de proximité de Paris 1 avait débouté Monsieur GUERBY, qui se plaignait de ne pas avoir pu acheter l’ordinateur seul sans déduction du prix des logiciels, au motif invraisemblable qu’il avait été « parfaitement informé de son achat et qu’en conséquence « il a eu le choix d’acheter ou non. »…

La Cour de cassation avait immédiatement sanctionné cette décision en reprochant au juge de proximité de ne pas avoir répondu aux conclusions de Monsieur GUERBY sur le fait que ce type de vente constituait une vente liée prohibée :

« Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Guerby qui soutenait qu’ayant proposé à la vente un produit composé d’un ordinateur et de logiciels préinstallés, sans offrir au consommateur la possibilité de n’acheter que le seul ordinateur, la société Darty avait procédé , avant l’expiration du délai de transposition de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, à une vente liée prohibée par l’article L. 122-1 du code de la consommation, justifiant la résolution partielle du contrat et le remboursement du prix des logiciels qui ne lui étaient d’aucune utilité , la juridiction de proximité n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »

La Cour de cassation considérait donc déjà à l’époque qu’en vendant un ordinateur équipé de logiciels fournis préchargés, le professionnel s’était livré « à une vente liée prohibée par l’article L. 122-1 du code de la consommation » . [2]

De la même veine que l’arrêt PÉTRUS, l’arrêt GUERBY était surtout intéressant en ce que la Cour de cassation rappelait que les dispositions de la directive 2005/29/CE s’appliquait à tous les professionnels, qu’ils soient fabricants d’ordinateurs, assembleurs ou de simples distributeurs de matériel informatique comme c’était le cas de la société DARTY.

La Cour de cassation avait donc renvoyé l’examen de l’affaire devant la juridiction de proximité du 2e arrondissement de Paris.

Monsieur GUERBY aurait alors pu espérer que la décision lui soit favorable. C’était malheureusement compter sans la résistance déraisonnable du juge de proximité qui a adopté une motivation totalement aberrante…

1.2. Affaire GUERBY devant le juge de proximité de Paris IIe : les prétentions des parties.

1.2.1. Monsieur GUERBY reprochait une nouvelle fois à la société DARTY d’avoir recouru à une vente liée (art. L. 122-1 du Code de la consommation) d’un ordinateur avec des logiciels, rappelant qu’il avait demandé au vendeur de DARTY s’il pouvait faire l’acquisition de l’ordinateur en cause sans faire l’acquisition des logiciels, ce à quoi il lui avait été répondu comme à l’accoutumée, que le matériel et les logiciels formaient un tout indissociable et qu’il n’était pas possible de « dissocier les logiciels de l’ordinateur et de réduire le prix en conséquence » selon les termes mêmes du juge de proximité.

Monsieur GUERBY avait donc estimé une nouvelle fois et à juste titre, qu’il n’avait pas pu avoir connaissance des caractéristiques essentielles du bien et des services, reprochant à la société DARTY sur le fondement des articles L. 111-1 et L. 113-3 du Code de la consommation :

  • d’avoir omis d’informer les consommateurs des termes des contrats de licence des logiciels, préalablement à l’achat ;
  • d’avoir omis de procéder à une ventilation du prix entre celui de la machine d’un côté et celui des logiciels de l’autre ;
  • d’avoir omis d’informer les consommateurs qu’ils avaient le droit de se faire rembourser le prix des logiciels payés indûment ou dont ils n’auraient pas l’utilité ;
  • d’avoir omis d’informer les consommateurs de la possibilité de dissocier l’ordinateur des logiciels.

Il avait donc une nouvelle fois demandé au juge de proximité la résolution partielle du contrat relative aux logiciels et le remboursement de ceux-ci.

Je précise cependant que Monsieur GUERBY contestait l’application de la directive Européenne du 11 mai 2005 (2005/29/CE), et il s’était donc contenté de viser les textes relatives aux pratiques commerciales déloyales avant l’entrée en vigueur de ladite directive (alors qu’elle offre une protection très efficace du consommateur face aux pratiques commerciales des professionnels du secteur.).

1.2.2. La société DARTY avait quant à elle fait valoir :

  • qu’elle estimait qu’il n’y avait pas de défaut d’information de sa part car elle n’était qu’un simple distributeur et pas un fabricant d’ordinateurs et qu’en cette qualité, la vente liée ne lui était pas applicable ;
  • qu’elle n’avait pas la possibilité de procéder à une ventilation du prix puisqu’elle ne faisait que recevoir des matériels préconfigurés par les fabricants sur lesquels elle n’intervenait pas, ajoutant que que Monsieur GUERBY aurait dû adresser sa demande de remboursement au fabricant de l’ordinateur ayant préchargé les logiciels, la société TOSHIBA ;
  • que dans la mesure où elle avait informé Monsieur GUERBY que les logiciels ne pouvaient pas être dissociés du matériel en ce qu’ils formaient un tout, ce dernier aurait dû s’adresser à une entreprise spécialisée pour avoir l’ordinateur qu’il souhaitait ;
  • qu’en tout état de cause, Monsieur GUERBY n’était pas un consommateur moyen au motif qu’il était « un passionné d’informatique, qu’il a d’ailleurs créé une société qui commercialise des logiciels et qu’il est également membre d’une association qui milite dans un mouvement pour « le logiciel libre ». »

Monsieur GUERBY n’ayant invoqué à l’époque que le grief de vente liée de l’article L. 122-1 [3], le juge de proximité a donc apprécié si, au cas présent, la pratique commerciale dénoncée était ou non déloyale [4] au regard des articles 6 et 7 de la directive relatifs aux actions et aux omissions trompeuses sur les caractéristiques principales des produits et des services et les prix.

Dans son jugement rendu le 16 mars 2012, le juge de proximité s’est totalement fourvoyé, tant en droit qu’en fait, puisqu’après avoir rappelé qu’il convenait d’apprécier si la pratique commerciale de la société DARTY était trompeuse ou non au regard des articles L.111-1 et L. 113-3 du Code de la consommation, ainsi que des articles 6 et 7 de la directive 2005/29/CE, il a retenu :


En l’espèce, il convient de rechercher si Monsieur GUERBY est un consommateur moyen.

Les pièces produites aux débats démontrent qu’il milite au sein d’une association dénommée AFUL (Association Francophone des Utilisateurs de Logiciels Libres) dont le but avoué est de faire respecter le droit des consommateurs en matière de ventes liées de logiciels lors de l’achat d’ordinateurs et en aval d’obtenir le remboursement des logiciels non désirés.

Leur action a essentiellement pour cible MICROSOFT. (…)

Enfin, Monsieur GUERBY n’est pas un néophyte en matière informatique puisqu’il est le gérant d’une société dénommée SOLULIBRE créée en juillet 2008 et dont l’activité est « le développement, l’achat, la commercialisation et le support promotion et exploitation de systèmes et de produits informatiques, matériel, logiciel et réseau », selon l’extrait du RC produit aux débats.

Il convient dès lors de retenir que Monsieur GUERBY n’est pas un consommateur moyen au sens de la directive.

Il est établi qu’au moment de la vente le demandeur a sollicité du vendeur du magasin DARTY la possibilité de ne pas acheter les logiciels préinstallés et qu’il lui a été répondu que ce n’était pas possible.

Il a pourtant décidé de conclure la vente en toute connaissance de cause.

Il avait en l’espèce suffisamment de connaissances techniques ainsi qu’il l’a été démontré pour que cette information donnée par le vendeur soit considérée comme suffisante. (…)

Il apparaît dès lors que le demandeur, qui n’est pas un consommateur moyen au sens de la directive c’est-à-dire « normalement informé et raisonnablement attentif compte tenu des facteurs sociaux, culturels, linguistiques » mais est au contraire un consommateur avisé, ne peut soutenir avoir été victime d’un comportement commercial déloyal ayant altéré sa volonté d’acheter.

Il n’est pas établi non plus la réalité d’une action trompeuse de le part du vendeur qui affiche vendre les ordinateurs équipés de logiciels préinstallés, tels qu’il les a reçus et payés à son fournisseur, lequel peut seul être éventuellement mis en cause. (…)

Au surplus, il ne peut être contesté que la société DARTY est une enseigne grand public et qu’il est de l’intérêt du consommateur moyen d’acheter des ordinateurs prêts à l’emploi.

Deux remarques s’imposent :

  • De toute évidence, le juge de proximité devait respecter la décision de la Cour de cassation du 15 novembre 2010 : il ne pouvait donc pas débouter Monsieur GUERBY pour les mêmes raisons que celles qui avaient amené la Haute Cour à annuler le premier jugement, à savoir que le consommateur avait fait son achat en connaissance de cause (mais cette fois-ci au motif qu’il n’était pas un consommateur moyen).
  • C’était aussi se tromper au regard de la définition du consommateur moyen posée par les directives européennes. Dans la directive du 11 mai 2005, c’est l’article 2 qui en donne la définition et le juge de proximité disposait de tous les éléments pour juger que Monsieur GUERBY était un consommateur moyen.

C’est l’ensemble de cette motivation qui a été censurée par la Cour de cassation.

2. La motivation de la Cour.

Dans son arrêt du 22 janvier 2014, la première chambre civile de la Cour de cassation retient :


« Vu l’article 7 de la Directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 ;

Attendu qu’interprétant à la lumière de la Directive précitée l’article L. 122-1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011, le jugement retient que M. Guerby est membre actif d’une association ayant pour but de lutter contre les ventes liées de logiciels et gérant d’une société dont l’activité est directement liée aux systèmes et produits informatiques, matériel, logiciel et réseau, en sorte qu’il n’est pas un consommateur moyen au sens de l’article 7 de la Directive, lequel dispose que l’omission trompeuse est constituée notamment lorsqu’un professionnel omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement ;

Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence d’une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la Directive doit être appréciée au regard d’un consommateur moyen, sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux, la juridiction de proximité a violé, par fausse application, le texte susvisé ; »

3. Quelques explications sur la motivation de la Cour de cassation.

3.1. Le juge doit respecter un ordre dans son raisonnement juridique.

Au regard des dispositions de la directive du 11 mai 2005, la motivation du juge était incontestablement une erreur en droit, comme je ne cesse inlassablement de le rappeler aux juges à chaque fois que j’interviens dans ces dossiers, car c’est se tromper d’ordredans l’examen des éléments à apprécier par le juge.

En effet, la directive a été prise pour réglementer le comportement des entreprises vis-à-vis des consommateurs à qui ils proposent des produits et des services, et non pas pour savoir quel est le consommateur visé par la pratique commerciale d’un professionnel !

En droit, je rappelle que le consommateur ne fait que répondre à une offre (appelée « pollicitation ») que lui propose un professionnel. Il faut donc nécessairement examiner dans un premier temps la pratique commerciale du professionnel pour déterminer si elle est déloyale ou non, avant d’examiner dans un deuxième temps si le consommateur visé par la pratique est un consommateur « moyen » susceptible de rechercher la protection de la directive.

C’est l’un des moyens soulevés au soutien du pourvoi, et ce raisonnement a aussi été soutenu par l’Avocat Général qui a retenu :


« En l’espèce, pour rechercher si la pratique commerciale dénoncée par M. GUERBY entrait dans les prévisions de la directive communautaire le juge de proximité a d’abord rappelé que son article 2 définissait le consommateur comme :” toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale”. Il a ensuite recherché si M. GUERBY était un consommateur moyen, au sens de la directive, pour conclure qu’il était au contraire un consommateur avisé en raison de son activité professionnelle directement liée à l’informatique. En conséquence M. GUERBY n’avait pas été victime de la part de DARTY d’un comportement déloyal ayant altéré sa volonté d’acheter. Le bénéfice de la protection de la directive lui est donc refusé parce qu’il n’entre pas dans la définition du consommateur moyen défini à l’article 2.

C’est ce raisonnement que critique à juste titre le pourvoi. Plutôt que rechercher si celui qui invoque la protection de la directive est bien un consommateur moyen, Il faut d’abord établir que la pratique dénoncée présente les caractères d’une omission trompeuse, telle qu’elle est définie à l’article 7 de la directive. (…) »

Si le juge considère que la pratique dénoncée est déloyale, parce que trompeuse à l’égard d’un consommateur moyen, il lui appartient mais dans un deuxième temps de rechercher si, au cas d’espèce, le demandeur est lui-même l’un de ces consommateurs moyens pour décider de lui accorder ou de lui refuser le bénéfice de la protection de la directive.

(…) j’incline donc à la cassation du jugement.

Le juge de proximité ne pouvait donc pas écarter les demandes de Monsieur GUERBY en relevant qu’il n’était pas un consommateur moyen (ce qui était inexact au demeurant) avant d’avoir d’abord vérifié si l’offre mise sur le marché par la société DARTY était conforme à sa diligence professionnelle et était susceptible de constituer ou non une pratique commerciale déloyale de nature susceptible de modifier le comportement économique du consommateur.

3.2. La notion de consommateur moyen.

La motivation du juge de proximité sur ce point était également très contestable.

Je rappelle d’abord que plusieurs directives européennes définissent précisément la notion de consommateur et la directive 2005/29/CE fait partie de celles-ci. L’article 2 de cette directive précise que :


« Aux fins de la présente directive, on entend par : a) « consommateur » :toute personne physique qui, pour les pratiques commerciales relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. »


Le juge de proximité devait donc déjà rechercher si Monsieur GUERBY avait fait l’acquisition de cet ordinateur pour ses besoins personnels ou professionnels.

Or, en déboutant Monsieur GUERBY au seul motif qu’il était passionné d’informatique à telle enseigne qu’il avait fondé une société commercialisant des logiciels libres et qu’il était un membre d’une association soutenant les logiciels libres, le juge de proximité s’est totalement fourvoyé :

D’une part, parce les bonnes connaissances en informatique d’un consommateur sont totalement indifférents à la solution du litige. En effet, elles ne lui sont d’aucun secours pour pouvoir faire l’acquisition sur le marché grand public d’ordinateurs de grande marque (HP, LENOVO, DELL, etc.) sans devoir payer en même temps le prix de toute une ribambelle de logiciels qu’il n’a pas préalablement et expressément commandés !

Face à une offre d’ordinateurs systématiquement préchargés de logiciels dès l’usine par le constructeur, aucun juge ne pourrait expliquer pourquoi un consommateur exerçant le métier d’informaticien serait plus à même de ne pas payer le prix des logiciels qu’un autre consommateur dit « moyen » pour la circonstance ! Cela n’a aucun sens et révèle surtout la méconnaissance totale de l’informatique et de ses méthodes de vente par les juges du fond !

Il faut dire que les constructeurs ne cessent de ruser sur cette question et à titre personnel, je n’ai pas un dossier dans lequel je suis pas obligé de consacrer plusieurs pages d’explications fournies pour convaincre le juge que les connaissances en informatiques d’un consommateur ne changent pas la problématique qui ne relève pas de l’informatique, mais bien du droit de la consommation, car il s’agit seulement d’avoir la possibilité de ne pas payer des logiciels non demandés.

Alors, immanquablement, les constructeurs viennent prétendre que ces consommateurs (souvent qualifiés d’« avisés » ou d’« avertis » pour la circonstance) auraient pu s’adresser à des enseignes spécialisées qui commercialisent des ordinateurs sans OS. Mais il ne s’agit que d’une argutie sans la moindre portée, puisqu’elle revient à imposer au consommateur de renoncer à l’ordinateur de grande marque qu’il avait pourtant choisi, pour se tourner presque systématiquement vers des ordinateurs sans marque (dits « noname ») qui n’ont ni les mêmes critères de fabrication (choix et qualité des pièces, de l’assemblage, etc.) ni le même service après-vente que ceux d’un grand constructeur.

La jurisprudence [5] est d’ailleurs très claire sur le sujet, puisqu’elle estime que le constructeur doit mettre à la disposition du consommateur le même ordinateur que celui choisi par le consommateur :


« Pour échapper à l’obligation de remboursement pourtant expressément énoncée par le contrat de licence, la société MSI invoque (…) le fait que le client aurait pu facilement acquérir le matériel « nu » ou équipé d’autres logiciels, chez d’autres revendeurs.Retour ligne automatique
Cet argument est inopérant puisque la société MSI ne prouve justement pas que l’ordinateur en cause (portable MSI GX700-207) serait effectivement proposé sous d’autres configurations, et ce, de manière fréquente, non confidentielle, et facilement accessible au consommateur. »


Étant d’ailleurs précisé qu’il ne s’agit pas d’imposer aux consommateurs des ordinateurs « nus », chiffon rouge systématiquement agité par les professionnels pour mieux effrayer le juge, puisque presque tout le monde, y compris les professionnels, utilise un système d’exploitation pour se servir de manière conviviale de sa machine [6] :il ne s’agit en effet que d’offrir au consommateur le choix de ses logiciels et de lui permettre de ne pas payer ceux dont il ne voudrait pas ou n’en aurait pas l’utilité.Sur le plan informatique, la question est résolue depuis longtemps avec la solution proposée par la société NEXEDI basé sur le chargeur de démarrage GRUB2, qui effaçait irrémédiablement le système d’explication inutilisé, et il suffisait en tout état de cause de proposer aux consommateurs, lors de l’achat de la machine, d’acheter séparément le code d’activation des logiciels…

J’ajoute également que les connaissances en informatique d’un consommateur ne peuvent pas changer la destination d’un achat : en d’autres termes, en quoi être un pousseur de code travaillant (au hasard…) chez Linagora pourrait-il vous permettre de ne pas payer des logiciels que vous n’avez pas demandés et dont vous n’avez pas besoin si vous achetez un ordinateur pour votre famille, par exemple pour faire un cadeau à vos enfants ?

De toute évidence, l’offre grand public d’ordinateurs de grande marque comme HP, LENOVO, DELL etc. ne change pas avec les connaissances informatiques des consommateurs ! L’offre est toujours la même et inclut, dès l’usine, un grand nombre de logiciels d’architecture Windows, fournis préchargés qu’il faut nécessairement payer pour pouvoir acheter l’ordinateur convoité en magasin.

D’autre part, parce que la directive et le Code de la consommation exigent de prendre en compte, pour l’appréciation de l’existence d’une pratique commerciale déloyale, le consommateur « moyen ».

On sait déjà qu’au sens des directives européennes, un consommateur est celui qui « agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale. ». Cela implique donc un achat pour ses besoins personnels. Par conséquent, même si un dirigeant de société informatique achète un ordinateur pour ses besoins personnels, il est et demeure un consommateur.

Par ailleurs, la notion de consommateur moyen est notamment prévue par l’article L. 120-1 du Code de la consommation, qui évoque un « consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service », soit les qualités d’un bon père de famille, « ce personnage prudent et diligent que l’on rencontre en droit civil à propos de l’administration des biens, est un être avisé et attentif, comme le dit le texte, qui ne se laisse pas prendre au piège de la déloyauté » [7]

Ces éléments, ainsi que l’expression « qui ne se laisse pas prendre au piège de la déloyauté » démontrent bien que le consommateur moyen est une personne avisée, qui est attentive et s’intéresse aux problèmes qui l’entourent et qui ne se laisse pas piéger facilement. À cet égard encore, Monsieur Guerby était incontestablement un consommateur moyen.

L’avocat Général près la Cour de cassation avait quant à lui soutenu :


En l’espèce, dans ses conclusions, M. GUERBY reprochait à DARTY un défaut d’information concernant :

  • la ventilation du prix entre le prix l’ordinateur lui-même et le prix des logiciels,
  • les termes du contrat de licence de logiciels,
  • le droit de se faire rembourser ces logiciels,
  • la possibilité de dissocier l’ordinateur des logiciels
    Il appartenait au juge de rechercher si ces éléments étaient nécessaires à un consommateur moyen pour se décider en toute connaissance de cause et lui éviter d’être amené à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement . Cette appréciation doit être faite au regard des dispositions de l’article 2 mais aussi du considérant 18 la directive qui énonce que celle-ci “prend comme critère d’évaluation le consommateur moyen qui est normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, compte tenu des facteurs sociaux, culturels et linguistiques , selon l’interprétation donnée par la Cour de justice”. Si le juge considère que la pratique dénoncée est déloyale, parce que trompeuse à l’égard d’un consommateur moyen, il lui appartient mais dans un deuxième temps de rechercher si, au cas d’espèce, le demandeur est lui-même l’un de ces consommateurs moyens pour décider de lui accorder ou de lui refuser le bénéfice de la protection de la directive.
    (…) j’incline donc à la cassation du jugement.

Le raisonnement du juge de proximité ne tenait donc pas et c’est ce que rappelle fort justement la Cour de cassation :


« Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence d’une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la Directive doit être appréciée au regard d’un consommateur moyen, sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux , la juridiction de proximité a violé, par fausse application, le texte susvisé. »

La question à se poser était donc la suivante : les informations dont Monsieur GUERBY n’avait pas eu connaissance étaient-elles nécessaires à un consommateur moyen pour qu’il puisse prendre une décision en connaissance de cause ? De toute évidence, la réponse était positive.

Par conséquent, par cet arrêt du 22 janvier 2014, la Cour de cassation clôt définitivement le débat sur cette question : les qualités propres du consommateur, à savoir ses connaissances en informatique, fût-il passionné ou même informaticien, adhérent ou non d’une association de promotion des logiciels libres, ne changent pas sa qualité de consommateur moyen dès lors qu’il fait un achat pour ses besoins personnels. Et seule compte la référence au consommateur moyen pour vérifier l’existence d’une pratique commerciale déloyale.

3.3. L’omission d’une information substantielle sur les caractéristiques essentielles des produits et des services constitue une pratique commerciale trompeuse.

3.3.1. Les critères d’appréciation à la disposition du juge.

Pour apprécier si une pratique commerciale (qui ne figure pas à l’annexe 1 de la directive) est déloyale, le juge dispose d’un arsenal de textes posés par la directive 2005/29/CE qui ont tous été transposés en droit français [8] dans le Code de la consommation : les articles 5 à 9.

Le premier alinéa de l’article 5 rappelle le principe de l’interdiction générale et unique des pratiques commerciales déloyales, ce qui signifie qu’une pratique commerciale, dès lors qu’elle est déloyale (en toutes circonstances ou au cas par cas), EST INTERDITE. [9].

Le deuxième alinéa rappelle à quelles conditions une pratique commerciale peut être considérée comme déloyale : elle doit être contraire aux exigences de la diligence professionnelle de l’entreprise visée par la directive et altérer ou être susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur.

Par conséquent, les critères d’appréciation in concreto dont dispose le juge sont en réalité les articles 6 et 7 sur les pratiques trompeuses (respectivement, les actions et les omissions trompeuses) et/ou les articles 8 et 9 sur les pratiques agressives. Il suffit donc que le juge relève, dans le comportement du professionnel, l’existence de l’une de ces pratiques comme étant susceptible de modifier le comportement du consommateur, pour que la pratique soit jugée déloyale et déclarée strictement interdite.

Au regard de la définition des pratiques trompeuses, il est patent que le professionnel doit fournir au consommateur des informations précises sur les caractéristiques essentielles des produits et des services, étant précisé que ces caractéristiques incluent leurs prix tel que cela résulte des articles 6-1d et 7-4c de la directive.

Les caractéristiques essentielles des produits et des services sont donc tous les éléments d’information (juridiques et factuels) dont le consommateur a besoin pour prendre une décision en connaissance de cause.

3.2.2. Les griefs de Monsieur GUERBY.

Je rappelle, pour faciliter la lecture, que devant le juge de proximité, Monsieur GUERBY avait reproché à la société DARTY un défaut caractérisé d’information sur le fondement des articles L. 111-1 et L. 113-3 du Code de la consommation et notamment :

  • d’avoir omis d’informer les consommateurs des termes des contrats de licence des logiciels, préalablement à l’achat ;
  • d’avoir omis de procéder à une ventilation du prix entre celui de la machine d’un côté et celui des logiciels de l’autre ;
  • d’avoir omis d’informer les consommateurs qu’ils avaient le droit de se faire rembourser le prix des logiciels payés indûment ou dont ils n’auraient pas l’utilité ;
  • d’avoir omis d’informer les consommateurs de la possibilité de dissocier l’ordinateur des logiciels.

Après avoir pourtant rappelé les règles posées par les articles 6, 7 et 8 de la directive (pratiques trompeuses et agressives), le juge de proximité s’était curieusement contenté de limiter son appréciation à la qualité de consommateur moyen de Monsieur GUERBY, ce qui était une grossière erreur comme on l’a vu. Il avait donc écarté de ce fait tout grief de pratique commerciale trompeuse, par action ou omission, ou de pratique commerciale agressive. En d’autres termes, le juge de proximité est passé à côté du problème qui lui était soumis.

Dans son arrêt, la Cour de cassation censure la décision du juge de proximité et affirme donc la règle :


« Qu’en statuant ainsi, alors que l’existence d’une omission trompeuse au sens de l’article 7 de la Directive doit être appréciée au regard d’un consommateur moyen, sans avoir égard aux qualités propres du consommateur ayant conclu le contrat litigieux, la juridiction de proximité a violé, par fausse application, le texte susvisé. »

Deux conséquences sont à tirer de cette censure :

La première est que la Haute Cour retient que les faits litigieux dénoncés par Monsieur GUERBY sont manifestement constitutifs d’une omission trompeuse. Ce qui signifie nécessairement qu’elle considère ces informations sur les caractéristiques des produits et des services comme « essentielles » au sens de la directive, c’est-à-dire qu’elles font partie de celles dont le consommateur doit avoir connaissance pour pouvoir prendre une décision de manière non faussée.

Cette décision n’est en rien surprenante dans la mesure où elle s’inscrit en droite ligne de sa jurisprudence du 6 octobre 2011, qui opposait l’association UFC-QUE CHOISIR à la société HP FRANCE.

Dans cette espèce, sur le pourvoi formé par l’association UFC-QUE CHOISIR, qui avait fait assigner la société DARTY « aux fins de la voir condamner d’une part à cesser de vendre des ordinateurs sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d’utilisation, d’autre part à indiquer le prix des logiciels pré-installés », la première chambre civile de la Cour de cassation avait alors retenu :


« Attendu que pour juger que la société Darty n’avait pas à fournir au consommateur les informations relatives aux conditions d’utilisation des logiciels et pouvait se borner à identifier ceux équipant les ordinateurs qu’elle distribue, l’arrêt retient qu’en raison de leur aspect technique de telles informations ne se prêtent pas à la communication, nécessairement limitée, que peut effectuer un magasin non spécialisé et qu’il importe essentiellement que le consommateur moyen soit avisé que les ordinateurs proposés à la vente sont équipés de certains logiciels, précisément identifiés, ce qui lui permet, le cas échéant, de recueillir par lui-même des renseignements plus approfondis ;

Attendu qu’en statuant ainsi, alors que ces informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »

Et les moyens du pourvoi démontraient clairement que la question posée par l’UFC-QUE CHOISIR à la Cour de cassation ne concernait pas seulement l’obligation pour le professionnel d’informer le consommateur de la présence de logiciels fournis préchargés, mais aussi de son obligation d’informer le consommateur du prix des logiciels.

Au fil de ses décisions, la jurisprudence de la Cour de cassation se dessine et, à n’en pas douter, le prix des logiciels est bien une information substantielle dont le consommateur a besoin pour prendre une décision en connaissance de cause, ce qui n’est guère surprenant puisque le prix des produits est expressément visé par les articles 6-1d et 7-4c de la directive.

La deuxième conséquence de la censure posée par le Haute Cour réside dans le fait qu’en considérant que le défaut d’information sur ces informations constitue une pratique commerciale trompeuse par omission, la société DARTY ne pourra donc plus prétendre qu’elle ne peut pas afficher le prix des produits au motif qu’elle n’est qu’un revendeur qui reçoit des cartons scellés avec les machines préconfigurées dedans sans qu’aucune information pour les logiciels ne figure sur la facture d’achat.

Depuis le premier arrêt GUERBY, on sait qu’un revendeur est un professionnel directement concerné par l’obligation d’information au même titre que le fabricant lorsqu’ils s’adressent à des consommateurs. Il appartiendra donc à DARTY de se servir de sa puissance d’achat et de son réseau pour exiger du fabricant ou de son grossiste les informations substantielles qu’il doit donner aux consommateurs.

Je précise à cet égard que les professionnels sont tenus entre eux à une obligation générale de « transparence » (L. 441-3 du Code de commerce) ce qui devrait permettre à l’acheteur professionnel d’exiger de son fournisseur (fabricant, grossiste, etc.) cette information sur le prix des logiciels. Le professionnel est également tenu à la même obligation de transparence à l’égard des consommateurs, puisque l’article L. 441-1 du Code de commerce renvoie à l’obligation générale d’information sur les prix prévue par l’article L. 113-3 du Code de la consommation. La boucle est bouclée.

Cette qualification d’omission trompeuse tendra à ruiner l’argument éculé selon lequel il serait « de l’intérêt du consommateur moyen d’acheter des ordinateurs prêts à l’emploi », car il démontre bien que telle n’est pas la question qui se pose aujourd’hui, la présence d’un système d’exploitation dans un ordinateur n’ayant jamais été contestée par quiconque [10].

Enfin, il faut rappeler qu’une pratique commerciale trompeuse est une pratique commerciale déloyale et qu’elle est expressément sanctionnée par la directive 2005/29/CE (art. 5 al. 1) et par le Code de la consommation (art. L. 120-1) par une interdiction totale.

La Cour de cassation, actuellement saisie de plusieurs recours sur ces questions, y compris sur celle de la vente forcée, devrait très prochainement donner des réponses plus précises encore. Certaines de ces affaires pourraient d’ailleurs être tranchées en chambre mixte (soit 12 magistrats), ce qui démontre l’intérêt évident que porte la Cour de cassation à ces questions de protection des consommateurs.Retour ligne manuel

4. La Cour de cassation pouvait-elle aller plus loin ?

D’abord, je précise que la cassation est totale et avec renvoi, ce qui est normal puisque dans les deux arrêts GUERBY, elle anéantit à chaque fois la décision de première instance. Les parties se retrouvent donc dans lequel elles se trouvaient avant le jugement annulé. Il faut donc qu’un troisième juge de proximité tranche les questions en respectant, enfin, les voies tracées par la Cour de cassation.

À mon sens, la Cour de cassation ne pouvait pas aller tellement plus loin que l’omission trompeuse, car les faits dénoncés dans le cadre du litige pendant devant le juge de proximité du 2e arrondissement n’étaient pas suffisamment précis.

C’est donc la juridiction de proximité du 4e arrondissement qui aura la tâche de purger toutes les questions qui lui seront soumises, à savoir celles de la vente forcée, de la vente liée, des pratiques commerciales trompeuses, agressives et illicites. Programme technique en perspective !

5. La Cour de cassation n’a jamais autorisé la pratique commerciale de vente liée ou de vente forcée par son arrêt rendu le 12 juillet 2012 !

Tous les constructeurs aujourd’hui invoquent l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 12 juillet 2012 [11] pour affirmer que la pratique commerciale de fourniture de logiciels dans le matériel informatique aurait été « validée » par la Cour de cassation. Comme je l’expliquais à l’époque dans mon commentaire consacré à cette décision, rien n’est plus faux.

D’ailleurs, j’imagine mal la Cour de cassation se contredire à quelques mois d’intervalle (arrêts des 6 octobre 2011, 12 juillet 2012, 22 janvier 2014)…

Car si cette décision a été censurée par la Cour de cassation, ce n’est pas pour « valider » la pratique commerciale, mais uniquement pour sanctionner une contradiction de motifs résultant d’une insuffisance de motivation de la Cour d’appel.

Je rappelle ce qu’en a pensé Monsieur Ghislain POISSONNIER, magistrat spécialisé en droit de la consommation, dans la Gazette du Palais [12] :


« II. UN ARRÊT QUI SANCTIONNE UNE CONTRADICTION DE MOTIFS.

À première lecture, l’arrêt du 12 juillet 2012 en question paraît marquer un recul par rapport à l’esprit du texte de l’article L. 122-1 du Code de la consommation et à la jurisprudence tant des juges du fond que de la CJUE. Toutefois, à notre avis, il n’en est rien.

Par arrêt du 6 octobre 2011, la Cour de cassation a cassé à juste titre pour violation de l’article L. 122-1 du Code de la consommation relatif à la publicité trompeuse, lu à la lumière de la directive de 2005, un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 novembre 2009, qui avait débouté l’UFC Que Choisir des mêmes demandes à l’encontre de la société Darty au motif qu’elle n’avait pas à indiquer le prix des logiciels préchargés.

À la différence de la Cour d’appel de Paris, la Cour régulatrice a jugé que « ces informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause. Ce faisant, elle a considéré implicitement que cette omission constitue une pratique déloyale au sens de la directive. Toutefois, la Cour de cassation ne s’est prononcée ni sur la nécessité d’indiquer la valeur des éléments composant l’offre (elle a renvoyé à la Cour d’appel le soin d’indiquer quel est le contenu exact de l’obligation d’information qui pèse sur le vendeur professionnel), ni sur le fait même de ne proposer à la vente que des ordinateurs tout équipés. Si la Cour de cassation ne s’est pas non plus prononcée sur la sanction, il est logique de penser que celle-ci consiste en une double injonction de cesser la vente sans qu’il soit proposé aux utilisateurs la possibilité de renoncer aux logiciels moyennant déduction de leur prix et d’indiquer le prix des logiciels préchargés.

(…) la condamnation qui enjoint cette société de prévoir la faculté pour le consommateur de renoncer au logiciel préchargé, repose sur l’existence d’une vente liée qualifiée de pratique commerciale déloyale au sens des articles L. 120-1 et L. 122-1 du Code de la consommation. Sur ces points, l’arrêt du 12 juillet 2012 ne fait finalement que prolonger celui d’octobre 2011. Car, en réalité, la cassation prononcée ne porte pas sur la règle appliquée mais sur la contradiction des motifs adoptés par la Cour d’appel de Versailles. (…)

En effet, l’arrêt d’appel indiquait que le consommateur conservait, sur le site Internet destiné aux professionnels, la possibilité d’acheter en ligne un ordinateur nu. Finalement, après avoir parfaitement caractérisé une situation de pratique commerciale déloyale sur le site Internet destiné aux particuliers, l’arrêt d’appel indiquait que ladite pratique commerciale n’était pas si déloyale que cela… compte tenu de la possibilité offerte sur le site destiné aux professionnels !

C’est cette contradiction de motifs qui est sanctionnée, tout comme le fait que l’arrêt d’appel n’a pas répondu à l’argument avancé par HP France. Il revenait soit à l’UFC-Que Choisir de réfuter l’existence de cette possibilité d’achat d’un ordinateur sans logiciel, soit au juge d’établir que cette possibilité était inexistante. Toujours est-il que la motivation retenue était critiquable. Sur le fond, il était établi que la société HP France présentait une telle offre à ses clients professionnels. Toutefois, HP France était dans l’impossibilité de démontrer que ce site était accessible aux consommateurs et facilement utilisable par eux. La société était également dans l’impossibilité de démontrer que les consommateurs pouvaient y commander exactement le même ordinateur que celui qu’ils auraient pu commander sur le site grand public et dans des conditions juridiques équivalentes (droit de rétractation notamment applicable s’agissant de vente à distance). Il n’était donc pas difficile d’écarter cet argument présenté par HP France, ce qui permettait de maintenir la condamnation tout en assurant une meilleure cohérence du raisonnement.

Pourtant, ni l’association de consommateurs, ni le juge du fond ne se sont penchés sur cette question. C’est cela qui est sanctionné par la Cour régulatrice. Cela ne signifie pas pour autant que la Cour de cassation approuve le procédé utilisé par le vendeur sur son site destiné aux particuliers et qu’elle considère qu’il n’est pas constitutif d’une pratique commerciale déloyale. Bien au contraire, on peut penser, lorsque l’occasion lui en sera donnée, que la Cour de cassation viendra à juger que la dissimulation du prix du logiciel préchargé telle que pratiquée actuellement par les revendeurs d’ordinateurs est contraire à la diligence professionnelle et modifie nécessairement le comportement du consommateur. »

Nous n’avons plus qu’à attendre une confirmation par la Cour de cassation.


Notes

[1] Cass. Civ. 1re, 15 nov. 2010, arrêt n° 994, pourvoi n° 08-20227 FS-D

[2] Cette pratique était totalement interdite en droit français avant l’entrée en vigueur de la directive 2005/29/CE et n’est devenue interdite après l’entrée en vigueur que si elle répond aux caractéristiques d’une pratique commerciale déloyale au regard des articles 5 à 9 de la directive.

[3] qui ne fait pas partie de la liste des pratiques commerciales interdites « en toutes circonstances » listées à l’annexe 1, contrairement à la pratique commerciale de vente forcée

[4] Notez qu’il n’aurait donc pas eu ce pouvoir d’appréciation face à une pratique commerciale interdite « en toutes circonstances »

[5] Juridiction de proximité de Metz, 12 novembre 2009

[6] Que les rares allergiques à l’interface graphique me pardonnent cette affirmation !

[7] Juris-Classeur Concurrence – Consommation, Fasc. 900 : Pratiques commerciales déloyales et agressives, titre I : Principes généraux gouvernant les pratiques commerciales déloyales, C : Consommateur moyen.

[8] Loi du 3 janvier et du 4 août 2008 et loi du 17 mai 2011

[9] J’insiste sur ce point, l’interdiction étant stricte et le juge ne peut pas contourner cette sanction.

[10] Même vers la fin des années 90, lorsque la plupart des ordinateurs « tours » étaient achetés sans OS et la galette vendue à côté : les consommateurs installaient eux-mêmes ou se faisaient installer pour quelques dizaines de francs le système d’exploitation qu’ils avaient acheté et cela faisait simplement tourner le commerce sans que personne ne crie au scandale comme c’est le cas aujourd’hui…

[11] Cassation de l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 mai 2011

[12] G. Poissonnier, note sous Cass. 1re civ. 12 juill. 2012, UFC/HP, Gaz. Pal. 26 au 30 août 2012, n° 239 à 243, p. 5

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L’information des consommateurs au Sénat : circulez, il n’y a rien à voir !

code de la consommationEt voilà, hier soir au Sénat, vers 23 heures, les groupes CRC et Écologistes défendaient trois amendements (dans des termes identiques, un amendement principal et un amendement de repli) permettant d’imposer aux professionnels d’informer les consommateurs des prix des logiciels qui sont fournis préchargés dans le matériel informatique.

Contre toute attente, le rapporteur s’en est remis… à l’avis du Gouvernement sur la question, de sorte que la défense en faveur de l’adoption de ces amendements a été molle. Prenant la parole, il aurait « presque » mérité le Prix Busiris de mon confrère Éolas…

Les trois amendements ont été rejetés, sans surprise… Compte rendu des « débats »

« Le Petit Rapporteur »…

Souvenez-vous, l’émission « Le Petit Rapporteur » présentée par Jacques Martin parlait de l’actualité quotidienne avec un humour satirique au goût prononcé, en la traitant « par le petit bout de la lorgnette ». Et bien c’est ce qui s’est passé hier soir au Sénat vers 23 heures.

Après un exposé très très succinct des trois amendements déposés par les deux groupes, le rapporteur s’est fait « Petit ». Il a émis un avis favorable au vote des amendements puis indiqué qu’il ne voyait pas bien comment on pourrait afficher le prix des logiciels (si, si, c’est vrai !) pour ensuite passer la patate chaude au gouvernement en s’en remettant à son avis.

L’intervention de Benoît Hamon.

Contrairement à son homonyme, la divinité Égyptienne Amon dont on ne pouvait connaître la vraie forme tant elle était cachée, le Ministre a révélé le fond de la pensée du gouvernement au nom duquel il s’exprimait, et asséné des contrevérités pour mieux faire passer la « pilule » (égyptienne bien entendu, ces derniers étant passés maîtres dans les techniques de contraception).

L’information sur les prix n’aura donc pas vu le jour…

Les équipes ministérielles de Benoît Hamon avaient été, semble-t-il, sur le pont. Ils avaient tout suivi et sans doute Twitter en premier, puisque le Ministre a commencé son propos en citant les réseaux sociaux qui, selon lui, « sont parfois prompts à lancer des contrevérités« .

Monsieur Hamon a alors rappelé les deux jugements rendus par la Juridiction de proximité de Saint Denis le 10 janvier 2012 dans lesquels j’avais obtenu la condamnation de la société Samsung Electronics France pour deux de mes clients et pour lesquels j’avais écrit un long commentaire.

Mais pour les démolir rapidement et péremptoirement, sans fournir la moindre explication qui se tienne, le ministre a cru utile de préciser qu’une autre jurisprudence, pourtant dans le même sens, l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 mai 2011, avait été cassé par la Cour de cassation.

Tout ceux qui suivent le sujet auront reconnu l’arrêt du 12 juillet 2012 de la première chambre civile de la Cour de cassation que je commentais l’année passée pendant mes vacances.

Monsieur le ministre, vous tirez hâtivement des conclusions qui n’existent pas, en déformant les propos de la Cour de cassation.

Comme je l’avais alors indiqué, si la Cour d’appel de Versailles a été sanctionnée, il était cependant précisé que :


« il résulte de l’article L. 122-1 du code de la consommation, interprété dans le respect des critères énoncés par la Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, qu’une pratique de vente conjointe n’est interdite que si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle atteint ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe particulier de consommateurs qu’elle vise. »

La sanction de la Cour de cassation provient uniquement de ce que dans cette espèce, la Cour d’appel de Versailles avait constaté que :


« la société soulignait, sans être démentie, que le consommateur pouvait en s’orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs « nus » , mais que l’installation d’un système d’exploitation libre restait une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir la réussite.»

… donc sans que soit vérifiée l’affirmation de HP France selon laquelle le consommateur pouvait commander un ordinateur sans OS sur le site dédié aux professionnels, alors même que les conditions contractuelles n’étaient pas les mêmes pour les particuliers et les professionnels.

Allons, Monsieur Hamon, il n’a échappé à personne que votre référence à cet arrêt de la Cour de cassation n’était destinée qu’à servir maladroitement votre raisonnement, car il n’a pas réglé la question précise de savoir si le consommateur devait recevoir une information sur le prix du logiciel lui-même !

En effet, la question qui se posait à vous, dans ces trois amendements, n’était pas celle de la fourniture d’ordinateurs nus ou de la vente liée sur laquelle la Cour de cassation se prononçait, mais bien celle de l’information due par les professionnels aux consommateurs sur les prix des logiciels fournis obligatoirement préchargés, sans possibilité de les choisir, de ne pas les choisir ou de ne pas les payer même quand ils n’en veulent pas.

Bon, je veux bien admettre que vous ne me croyez pas. C’est normal, je ne suis qu’un avocat. Voyons alors ce qu’en disent des références bien plus solides que moi :

Monsieur Ghislain Poissonnier, un Magistrat spécialisé en droit européen et en droit de la consommation relevait [1] :


« En effet, l’arrêt d’appel indiquait que le consommateur conservait, sur le site Internet destiné aux professionnels, la possibilité d’acheter en ligne un ordinateur nu. Finalement, après avoir parfaitement caractérisé une situation de pratique commerciale déloyale sur le site Internet destiné aux particuliers, l’arrêt d’appel indiquait que ladite pratique commerciale n’était pas si déloyale que cela… compte tenu de la possibilité offerte sur le site destiné aux professionnels ! C’est cette contradiction de motifs qui est sanctionnée, tout comme le fait que l’arrêt d’appel n’a pas répondu à l’argument avancé par HP France . La Cour de cassation est donc bien dans son rôle de contrôle de l’application de la règle de droit et de la cohérence de la motivation adoptée par la cour d’appel de Versailles. Il revenait soit à l’UFC-Que Choisir de réfuter l’existence de cette possibilité d’achat d’un ordinateur sans logiciel, soit au juge d’établir que cette possibilité était inexistante.Toujours est-il que la motivation retenue était critiquable. Sur le fond, il était établi que la société HP France présentait une telle offre à ses clients professionnels. Toutefois, HP France était dans l’impossibilité de démontrer que ce site était accessible aux consommateurs et facilement utilisable par eux. La société était également dans l’impossibilité de démontrer que les consommateurs pouvaient y commander exactement le même ordinateur que celui qu’ils auraient pu commander sur le site grand public et dans des conditions juridiques équivalentes (droit de rétractation notamment applicable s’agissant de vente à distance). Il n’était donc pas difficile d’écarter cet argument présenté par HP France, ce qui permettait de maintenir la condamnation tout en assurant une meilleure cohérence du raisonnement. Pourtant, ni l’association de consommateurs, ni le juge du fond ne se sont penchés sur cette question. C’est cela qui est sanctionné par la Cour régulatrice. »

Et commentant une autre décision ayant débouté un consommateur de ses demandes contre un autre constructeur, Sony Europe Ltd, le Professeur Loiseau de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne écrivait [2] pour sa part :


« La Cour de cassation, dans le domaine qui nous occupe, préconise de s’intéresser objectivement au niveau d’information dispensé au consommateur pour apprécier le caractère éventuellement déloyal de la vente liée de l’ordinateur et de son système d’exploitation. À cet égard, elle estime que les « informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause » (Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.800 ; Contrats, conc. consom. 2012, p. 40, obs. G. Raymond ; Bull. civ. 2011, I, n° 160 ; JCP E 2011, 1787, note E. Bazin ; Gaz. Pal. 2012, jurispr. p. 458, obs. S. Piedelièvre). Au cas d’espèce, le juge de proximité a certes incidemment relevé que l’acquéreur avait reçu la fiche technique de l’ordinateur précisant, notamment, les spécificités des logiciels dont il était équipé ; mais il ne s’est pas attardé sur la qualité de l’information ainsi fournie, considérant que, au regard des compétences personnelles de l’intéressé, celui-ci était suffisamment informé, notamment sur le prix global à payer pour un ordinateur prêt à l’emploi, comprenant pour cela des logiciels pré-installés, et qu’il « ne démontr(ait) pas qu’il aurait acheté un autre produit si des informations complémentaires substantielles lui avaient été fournies ». C’est se tromper toutefois de référentiel : c’est la nature de l’information fournie par le professionnel, indépendamment des connaissances et des compétences personnelles du consommateur, qui compte pour juger de la compatibilité ou non de la pratique commerciale aux exigences de la diligence professionnelle. Et, de ce point de vue, il ne nous semble pas déraisonnable d’attendre du professionnel qui propose sur le marché grand public des ordinateurs immédiatement fonctionnels, c’est-à-dire avec des logiciels préinstallés, que l’information qu’il doit délivrer aux consommateurs – indépendamment de leurs connaissances personnelles éventuelles – porte non seulement sur l’existence des logiciels et sur leurs spécificités, mais aussi sur le prix de la licence et sa part dans le prix global.« 

J’avais envoyé un twitt à Benoît Hamon…

Ah, mais c’est vrai, les réseaux sociaux assènent des contrevérités.


Notes

[1] Gazette du Palais n° 239 du 26 au 30 août 2012

[2] v. Communication Commerce électronique n° 11, Novembre 2012, comm. 123 « Vente liée d’un ordinateur pré-équipé d’un logiciel d’exploitation : suite sans fin.. »

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L’information des consommateurs débattue au Sénat

fotolia_45034547_xs_actualites_globerAujourd’hui, les débats au Sénat sont très attendus par un certain nombre de consommateurs. Sont en effet discutés aujourd’hui deux amendements déposés par deux groupes parlementaires (groupe communiste et groupe écologiste). Il s’agit de l’amendement n° 458 présenté au Sénat en séance du 6 septembre 2013 et de l’amendement n° 459 du même jour. Pourquoi ces amendements sont-ils nécessaires ? Décryptage.


L’amendement n° 458 pour une information claire et précise assortie de sanctions connues.

Le premier amendement n° 458 est l’amendement principal.

Il prévoit d’ajouter un nouvel article au Code de la consommation :

« Après l’article L. 113-5 du code de la consommation, est inséré un article L. 113-… ainsi rédigé :

Art. L. 113-… – Le matériel informatique proposé à la vente avec des logiciels intégrés constitue une vente par lots.
« Tout professionnel vendeur de matériel informatique fournissant des logiciels intégrés doit, avant tout paiement du prix par le consommateur, l’informer par voie d’affichage des caractéristiques essentielles et du prix public toutes taxes comprises du lot ainsi que du prix de chacun des logiciels composant individuellement le lot. L’indication de ces prix doit figurer sur la facture remise au consommateur.
« La violation de ces dispositions entre dans le champ d’application de l’article L. 122-3. »

Il faut rappeler que « l’information des consommateurs » sur les prix est prévue au titre I du livre premier du Code de la consommation. Ainsi :

  • l’article L. 111-1 rappelle que « Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien. » ;
  • l’article L. 113-3 du même Code précise quant à lui en son alinéa 1 que : « Tout vendeur de produit ou tout prestataire de services doit, par voie de marquage, d’étiquetage, d’affichage ou par tout autre procédé approprié, informer le consommateur sur les prix, les limitations éventuelles de la responsabilité contractuelle et les conditions particulières de la vente »

Le nouvel article devrait donc logiquement prendre sa place dans le chapitre III du Code consacré aux « Prix et conditions de vente (Articles L113-1 à L113-5), lui-même faisant partie du titre I précité.

Cette série d’articles aborde les différentes matières (notamment de services de téléphonie) dans lesquelles une information sur les prix et conditions de vente est précisée par la loi. Il s’agit d’en faire de même sur les logiciels fournis préchargés par les fabricants de matériel informatique.

Le premier alinéa de l’amendement 458 propose de considérer que les logiciels et le matériel informatique constituent une vente par lots.

Cette disposition n’est pas nouvelle, puisqu’il s’agit seulement de se mettre en conformité avec la jurisprudence de la Cour de cassation et des juridictions du fond [1]. D’ailleurs, en ce qui concerne les systèmes d’exploitation Windows majoritairement vendus préchargés, les termes mêmes de la licence d’utilisation de Microsoft rappellent clairement cet état de fait[2]

Cet alinéa permettra donc aux consommateurs qui souhaitent faire entendre leurs droits, d’éviter de subir un débat interminable et totalement artificiel sur la question de l’ »unité fonctionnelle » du matériel et de certains logiciels (le système d’exploitation, car l’argument ne tient pas pour les logiciels applicatifs également fournis préchargés). En effet, en détournant le débat sur « l’unité fonctionnelle », les professionnels ont soutenu qu’ils pouvaient s’affranchir de l’obligation de fournir les prix aux consommateurs… ! Et en regardant cette question en détail, on constate simplement qu’un système d’exploitation est pratique pour utiliser son ordinateur de manière conviviale, point. Mais il demeure que l’ordinateur est parfaitement fonctionnel sans système d’exploitation. Sur le plan contractuel donc, rien ne vous oblige à payer ce logiciel fourni préchargé par le constructeur si vous n’en voulez pas, notamment si vous souhaitez le remplacer par un système d’exploitation gratuit ! Cette disposition tend donc à redonner au consommateur la libre disposition de son matériel.

Le corollaire de la vente par lots posé par l’alinéa 1 est celui de l’information due aux consommateurs. Sur ce point, la réglementation n’est pas nouvelle puisqu’elle résulte de l’article 7 de l’arrêté du 3 décembre 1987 qui précise que : « Les produits vendus par lots doivent comporter un écriteau mentionnant le prix et la composition du lot ainsi que le prix de chaque produit composant le lot. » L’amendement n° 458 propose donc simplement de d’insérer dans le loi ce qui existe déjà sous forme de règlement.

Le deuxième alinéa prévoit que :

Tout professionnel vendeur de matériel informatique fournissant des logiciels intégrés doit, avant tout paiement du prix par le consommateur, l’informer par voie d’affichage des caractéristiques essentielles et du prix public toutes taxes comprises du lot ainsi que du prix de chacun des logiciels composant individuellement le lot. L’indication de ces prix doit figurer sur la facture remise au consommateur.

Le « découplage » entre le matériel et les logiciels est une question qui a agité les fabricants, les revendeurs et les parlementaires puisque le sujet a été traité à maintes reprises, y compris lors de la précédente législature. Cette disposition relative à l’information des consommateurs ne remet donc pas en question l’opportunité de la fourniture de logiciels. Elle oblige simplement le professionnel à indiquer clairement le prix TTC des logiciels fournis et à faire figurer cette information sur la facture remise au consommateur. Là encore, l’argument n’est pas nouveau et il résulte notamment de l’impérieuse nécessité de la France de se mettre en conformité avec la directive 2005/29/CE (notamment les article 6-1d et 6-4c)

Il est également à noter que, conformément aux dispositions de l’article L. 121-1 du Code de la consommation, le prix des logiciels est considéré par la Cour de cassation[3] comme une information substantielle dont le consommateur doit être tenu informé.

Il s’agit aussi d’informer le consommateur sur les caractéristiques essentielles des biens et des services. À savoir notamment : préciser que les logiciels fournis préchargés sont payants et indiquer leurs prix, préciser que les logiciels ne sont pas obligatoires et qu’ils peuvent être remplacés par d’autres logiciels, préciser que les logiciels peuvent faire l’objet d’un achat séparé, en magasin par exemple, par l’acquisition d’une clé d’activation. Et il ne s’agit là que de quelques exemples.

Le troisième alinéa pose le périmètre des sanctions : La violation de ces dispositions entre dans le champ d’application de l’article L. 122-3.

L’article L. 122-3 du Code de la consommation correspond à la transposition du paragraphe 29 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE et pose le principe européen de l’interdiction des ventes forcées. Car le fait d’exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel, que vous n’avez pas expressément commandés, est une vente forcée. Par conséquent, le fait de ne pas vous informer sur le prix d’un produit que vous n’avez pas expressément commandé, le logiciel, et d’essayer de vous le vendre concomitamment avec un autre produit (l’ordinateur) dont vous avez besoin, entre donc dans la catégorie des ventes forcées. Les sanctions en cas de vente forcée sont intéressantes : droit de remboursement des produits dont le prix a été extorqué, nullité partielle de la vente (sur les logiciels) et l’obligation étant d’ordre public conformément aux règles du droit de la consommation, la mise en œuvre de ces sanctions serait facilitée devant un tribunal.

L’amendement 459, une autre formulation et des sanctions plus limitées.

L’amendement 459 est un amendement dit de « repli » dans le jargon parlementaire. Si le premier, le plus important, est rejeté, c’est le second qui est examiné.

La différence de rédaction réside essentiellement dans la catégorie des sanctions concernées. Le fait de ne pas informer les consommateurs sur le prix des logiciels fournis préchargés ne serait qu’une pratique commerciale trompeuse, au sens des articles 6 et 7 de la directive du 11 mais 2005 (en raison des articles 6-1d et 7-4c).

Le consommateur serait tout de même tenu informé du prix des logiciels et des caractéristiques essentiels des produits et des services qui lui seraient vendus mais son droit serait cantonné à la question du défaut d’information sur les prix.

Il faut rappeler que l’article L. 121-1 prévoit notamment qu’une pratique commerciale est trompeuse si, compte tenu des circonstances qui l’entourent, elle « omet, dissimule ou fournit de façon inintelligible, ambiguë ou à contretemps une information substantielle », en précisant que « sont considérées comme substantielles (…) 1° Les caractéristiques principales du bien ou du service ; 3° Le prix toutes taxes comprises ».

Conclusion

Comme je l’ai déjà exprimé, il s’agit à mon sens d’un texte de consensus. Les ventes forcées sont d’un enjeu économique tel que les résistances sont très fortes, certains députés ayant clairement indiqué en séance publique lors des débats sur la question à l’automne 2011, avoir subi des « pressions » pour ne pas voter des amendements imposant le découplage matériel/logiciels.

Là, il n’est plus question de découplage, mais d’information classique sur les prix.

Notes

[1] cf. notamment : CA Pau, 8 juin 1995 ; Cass. crim., 2 nov. 2005, Jur. Prox. Aix-en-Provence, 17 févr. 2011 ; CA Versailles, 3e ch., 5 mai 201 (références non exhaustives)

[2] Pour Windows 7 : article 1 b : « Modèle de licence. Le logiciel est concédé sous licence en vertu d’une licence par copie et par ordinateur. Un ordinateur est un système matériel physique doté d’un dispositif de stockage interne capable d’exécuter le logiciel. » et article 8 : « Champ d’application de la licence. Le logiciel n’est pas vendu mais concédé sous licence. Le présent contrat vous confère certains droits d’utilisation des fonctionnalités de l’édition du logiciel concédé sous licence. »

[3] Cass. Civ. 1re, 6 oct. 2011, arrêt n° 903, pourvoi n° 10-10800

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Quelques mots sur la récente condamnation de Microsoft

European lawLe 6 mars 2013, la Commission a infligé une amende de 561 millions d’euros à la société Microsoft pour n’avoir pas respecté son engagement d’offrir au consommateur le choix du navigateur au premier démarrage.

Je vous propose quelques rapides explications sur le sujet.


Dans son communiqué du 6 mars 2013, la Commission reproche à Microsoft de n’avoir pas respecté ses engagements précédents qui consistaient, entre autres, à proposer aux utilisateurs un écran leur permettant de choisir facilement le navigateur web qu’ils souhaitaient utiliser, aux lieu et place du logiciel Internet Explorer (le « E » comme on peut encore l’entendre pour désigner l’icône du logiciel) fourni depuis toujours par Microsoft dans ses systèmes d’exploitation.

Le choix du consommateur était donc un élément essentiel pour la Commission et c’est cette notion de choix dont je vous reparlerai un peu plus loin dans ces lignes.

Une décision consécutive à celle rendue en 2009.

Pour comprendre la sanction prononcée dernièrement, il faut revenir dans le passé et rappeler que le 16 décembre 2009, la Commission Européenne avait adopté une décision rendant juridiquement contraignants les engagements de Microsoft sur le choix des navigateurs web, afin de dynamiser la concurrence sur ce marché.

La commission notait à l’époque :


« Ces engagements répondent aux préoccupations de la Commission selon lesquelles la vente de liée par Microsoft de son navigateur web Internet Explorer à celle du système d’exploitation Windows pour PC pourrait enfreindre les règles de l’UE relatives aux abus de position dominante [article 102 du traité sur le fonctionnement de l’UE (TFUE)]. Microsoft s’engage à offrir aux utilisateurs européens de Windows le choix entre différents navigateurs web, et aux fabricants et utilisateurs d’ordinateurs la possibilité de désactiver Internet Explorer. »

Ainsi, pour la commission, la fourniture du navigateur Internet Explorer au sein du système d’exploitation Windows constitue depuis longtemps une vente liée engendrant une distorsion de concurrence au regard des articles 101 et 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE) [pdf].

Je rappelle que c’est le règlement CE n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence qui réglemente les modalités d’application des dispositions du TFUE sur les accords, décisions d’association d’entreprises et pratiques concertées susceptibles de restreindre la concurrence (article 101 TFUE, anciennement article 81 du Traité CE) et les abus de position dominante (article 102 TFUE anciennement article 82 du Traité CE).

Neelie Kroes, commissaire chargée de la concurrence, déclarait à l’époque :

« Cette décision profitera à des millions de consommateurs européens en leur permettant de choisir librement leur navigateur web. Ce choix permettra non seulement d’améliorer dès aujourd’hui l’expérience que les utilisateurs font d’Internet, mais il incitera aussi les concepteurs à innover et à proposer de meilleurs navigateurs pour l’avenir. »

À l’époque, la Commission européenne avait rapporté la preuve que la vente liée du logiciel Internet Explorer avec le système d’exploitation Windows portait préjudice à la concurrence sur le marché des navigateurs, compromettait l’innovation en matière de produits et limitait le choix des consommateurs. Elle disait être : « préoccupée par le fait que l’omniprésence de l’Internet Explorer incite artificiellement les fournisseurs de contenu et les développeurs à concevoir des sites web ou des logiciels essentiellement pour l’Internet Explorer, ce qui risque, à terme, de compromettre la concurrence et l’innovation en matière de fourniture de services aux consommateurs. »

La commission n’en n’était pas à son coup d’essai contre les pratiques anticoncurrentielles de la firme de Redmond. Son analyse reposait sur les principes juridiques et économiques relevés dans l’arrêt rendu par le Tribunal de première instance le 17 septembre 2007 (affaire T-201/04), dans lequel le Tribunal avait confirmé la décision de la Commission de mars 2004 établissant que Microsoft avait abusé de sa position dominante sur le marché des systèmes d’exploitation en liant le lecteur Windows Media à son système d’exploitation Windows (cf. MEMO/07/359).

Quels enseignements en tirer ?

Aujourd’hui, de toute évidence, les constats faits par la Commission Européenne sur les infractions de Microsoft sur le marché des navigateurs web sont de nature à s’appliquer à la situation du marché des systèmes d’exploitation. Sur ce marché dit « pertinent » [2], la concurrence est asphyxiée par la domination des systèmes d’exploitation Windows qui sont vendus aux consommateurs de manière forcée et liée dans le matériel informatique des constructeurs de grande marque, par le biais du préchargement.

Alors que la Commission relève l’existence d’une vente liée entre deux prestations de services (le logiciel Internet Explorer et le logiciel système d’exploitation), l’infraction est, me semble-t-il, au moins aussi flagrante pour le couple matériel-logiciels, puisque ces derniers sont payés par les consommateurs avec le matériel informatique de grande marque, sans que ces derniers aient la possibilité de les choisir, de ne pas les choisir, ou de ne pas les payer lorsqu’ils ne veulent pas les utiliser.

Le marché des systèmes d’exploitation est vicié dans la mesure où tout déploiement important d’alternatives est bloqué en amont par des ententes dites verticales et horizontales, c’est-à-dire entre Microsoft et les fabricants de matériel, ou sur les fabricants entre eux sur la fourniture de l’OS de Microsoft. Ce sont les consommateurs qui font les frais de ce système puisqu’ils doivent payer les logiciels qu’ils veuillent ou non du système d’exploitation Microsoft Windows.

En revanche, les entreprises ne subissent pas les mêmes contraintes dès lors qu’elles bénéficient d’une force d’achat suffisante, ce qui peut s’entendre de quelques machines seulement : elles sont libres d’acheter les mêmes machines que les particuliers mais sans le système d’exploitation.

Il est temps que les autorités de la concurrence se saisissent de ce problème, stigmatisé par les consommateurs et les associations qui les défendent, depuis de nombreuses années maintenant. En France, l’autorité de la concurrence reste coupablement silencieuse, bien que le problème soit parfaitement connu et identifié.

Je rappelle aussi l’actualité forte dans ce domaine, et notamment la plainte déposée par l’association Hispalinux contre Microsoft devant la Commission Européenne (voir notamment Europlitique ou Le Monde Informatique pour dénoncer les fonctionnalités de démarrage sécurisé (Secure Boot) des ordinateurs préchargés du dernier système d’exploitation Windows 8, Microsoft exigeant des fabricants qu’ils installent l’amorçage UEFI Secure Boot sur tous les ordinateurs exécutant cet OS (l’UEFI étant le remplaçant du bon vieux Bios).


Notes

Les engagements de Microsoft portaient également sur la promesse de divulguer un grand nombre d’informations relatives à l’interopérabilité.

Pour une analyse, voir : lexinter.net

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Quelques rappels sur les « procédures de remboursement » des constructeurs

fotolia_43557768_s_petitDe nombreux constructeurs de matériel informatique on prévu des procédure dites de « remboursement ». SAMSUNG, ASUS, ACER, etc. beaucoup de constructeurs sont concernés.

Je vous propose un zoom juridique sur ces prétendues « procédures de remboursement » pratiquées par les constructeurs de matériel informatique, qui heurtent de façon flagrante les principes du droit de la consommation à de multiples égards. La jurisprudence étant fixée sur ce point depuis déjà quelques années, je vous propose de voir ce qu’il en est.

Cet article n’est pas exhaustif sur la question qui reste vaste et il ne s’agit là que des quelques éléments les plus marquants.


1. La conséquence d’une pratique commerciale déloyale de vente forcée

Le Code de la consommation interdit formellement la pratique commerciale de vente forcée, dite de fourniture de produits non demandés. Ce principe posé clairement dans l’annexe I de la directive 2005/29/CE a été transposé dans le Code de la consommation par deux lois en 2008.

On le sait, si l’on peut choisir son matériel de grand constructeur comme on veut parmi les milliers de références possibles (taille de l’écran, carte graphique, capacité du disque dur, etc.), ces derniers fournissent presque exclusivement un système d’exploitation de la firme Américaine de Redmond. On le sait par ailleurs, il n’existe toujours pas de possibilité de ne pas choisir les logiciels avant l’achat, puisqu’ils sont fournis préchargés directement par le constructeur en usine. Mais, faute de choix, le consommateur se trouve contraint de payer des logiciels qu’il n’a pas demandés, d’où la vente forcée.

Dans cette hypothèse, le Code de la consommation prévoit que tout contrat conclu consécutivement à la mise en œuvre de la pratique commerciale illicite est nul et de nul effet.

Sont donc logiquement concernées par cette sanction toutes les prétendues  » procédures de remboursement  » qui ont été mises en place par les constructeurs pour faire croire qu’ils respectent les droits des consommateurs, puisqu’elles résultent de la mise en œuvre d’une pratique commerciale déloyale de vente forcée.

Le principe est donc clair et en tant que consommateur, vous n’avez pas à accepter de signer ces contrats qui sont un leurre, pas plus que vous n’avez et à accepter de vous conformer aux clauses contraignantes que ces « procédures » contiennent. Les dispositions du Code de la consommation étant d’ordre public, l’affaire est réglée.

Elle est d’autant plus réglée sur ce point que la jurisprudence était déjà fixée avant même l’application de cette disposition, par application d’autres dispositions du Code de la consommation.

2. Un « nouveau contrat » prohibé par le Code de la consommation.

Ces « procédures » vous sont envoyées par courrier par le constructeur une fois que vous avez pris son contact pour lui demander le remboursement des logiciels inutilisés et dont le prix vous a été extorqué. Il n’y a pratiquement aucune information de la part du constructeur sur ces procédures qui restent totalement obscures pour les consommateurs moyens.

Le problème réside dans le fait que le consommateur apprend leur existence une fois l’achat de la machine fait.

Sur ce point, le Code de la consommation prévoit que sont irréfragablement i.e. sans que le professionnel puisse rapporter la preuve contraire présumées abusives les clauses ayant pour objet ou pour effet, notamment, de constater l’adhésion du non-professionnel ou du consommateur à des clauses qui ne figurent pas dans l’écrit qu’il accepte ou qui sont reprises dans un autre document auquel il n’est pas fait expressément référence lors de la conclusion du contrat et dont il n’a pas eu connaissance avant sa conclusion.

Par conséquent, en plus d’être des contrats nuls et de nul effet comme nous l’avons vu précédemment, ces contrats sont abusifs comme étant de nouveaux contrats dont le consommateur n’a pas été informé avant l’opération commerciale d’achat de la machine. La sanction est donc double et implacable.

Logiquement, vous allez donc vous interroger sur la valeur juridique des mentions figurant en petits caractères que l’on trouve sur certains sites ou dans certaines enseignes de grande distribution, qui précisent que le remboursement de la licence est soumis à l’acceptation d’un contrat.

La réponse est aucune, car ces procédures sont la conséquence d’une pratique commerciale déloyale interdite. Le professionnel constructeur ou revendeur ne peut pas exciper avoir satisfait à son obligation d’information en invoquant ces petites lignes, car cela reviendrait à admettre l’existence d’exceptions à des règles d’ordre public (celles du Code de la consommation) ce qui n’est pas possible.

3. Des clauses contenant des obligations totalement exorbitantes.

En toute hypothèse, les obligations que les professionnels tentent d’imposer aux consommateurs à travers ces ces procédures sont totalement invraisemblables, et sur ce point, on a déjà tout vu :

  • obligation de retourner la machine aux frais et risques du consommateurs dans les ateliers du constructeur pour que ce dernier puisse procéder, selon lui, à la désinstallation du système d’exploitation (ici, SAMSUNG).Or, on sait bien que ce motif d’une prétendue désinstallation est totalement fallacieux, puisque le constructeur se contente de formater le disque dur. Il n’y a donc rien à désinstaller et l’argument n’est pas sérieux. Il n’y a en tout cas pas plus de « désinstallation » que ne le ferait une distribution GNU/Linux lors de son installation lorsque vous choisissez l’option « effacer tout le disque dur ». Il n’y a donc pas là une opération compliquée pour le consommateur moyen puisque c’est le système d’exploitation qui travaille à effacer celui déjà présent.
  • obligation de décoller l’autocollant dit « COA » (certificate of authenticity) que le constructeur appose sous la machine, sans le déchirer ou l’abîmer ! (ici, ASUS). De la même manière, cette exigence est absurde puisque le contrat lui même est réputé nul et de nul effet et que ses clauses, découvertes après l’achat, sont présumées abusives sans que le professionnel puisse rapporter la preuve contraire.
  • renvoi des médias d’installation ou de restauration (ici, ASUS notamment) : même traitement que précédemment, sachant en plus il faudrait déjà qu’ils soient fournis, ce qui est maintenant extrêmement rare chez les constructeurs…

En outre, il ne faut pas perdre de vue que ces procédures sont volontairement complexes, histoire de décourager un peu plus le consommateur qui a déjà fait l’effort d’écrire au fabricant pour lui demander un remboursement…. un « remboursement » ??

4. Aucun remboursement !

Ces procédures sont abusivement qualifiées de « remboursement » par les constructeurs, car en réalité, il n’y a aucun remboursent au sens juridique du terme.

Rembourser, c’est pour le constructeur redonner au consommateur le prix qu’il a payé. Rappelons que le prix public TTC est est un élément substantiel dont le consommateur doit avoir connaissance selon la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005.

Les sommes proposées par les constructeurs dans leurs « procédures de remboursement » ne sont que des sommes forfaitaires, déterminées a posteriori et discrétionnairement par les constructeurs, la plupart du temps incluses dans un tableau glissé en fin de « procédure de remboursement ».

Mais un prix n’est pas une indemnité forfaitaire !

Tant que le constructeur refuse de donner le prix qu’il a fait payer aux consommateurs au titre de l’ensemble des logiciels, le prix demeure inconnu. Par conséquent, le professionnel ne peut pas se prévaloir de son silence sur ce point pour refuser de rembourser au consommateur le prix qu’il a payé. Ce silence est une pratique commerciale déloyale, par omission trompeuse, de surcroît fautive qui ouvre droit à l’indemnisation du consommateur pour le préjudice subi.

Enfin, les sommes forfaitaires proposées sont ridicules et oscillent entre 30 et 40 € au maximum. On est donc loin d’un véritable « remboursement » compte tenu de la marge réalisée par le constructeur qui a acheté des licences en masse à Microsoft à des coûts extrêmement bas (par exemple, Samsung écoule chaque année autour de 600.000 licences, selon les chiffres donnés par le constructeur en 2010).

5. La jurisprudence.

Voici quelques exemples significatifs :

« Qu’il résulte des débats et des pièces du dossier que la procédure de remboursement de la licence Windows préinstallés sur l’ordinateur impose le retour de l’ordinateur aux frais du client et à ses risques ; que cette procédure génère un trouble de jouissance et entraîne un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dès lors que SAMSUNG avait la possibilité de fournir le système d’exploitation sur un média indépendant de l’ordinateur ou de prévoir une procédure de désinstallation du programme qui serait activée par le refus de l’utilisateur.
Que dès lors, la procédure de remboursement imposant au consommateur le retour de son ordinateur dans les ateliers de SAMSUNG est abusive et sera réputée non écrite » [2]

Le constructeur SAMSUNG est, sur ce terrain, de loin le plus mauvais élève tant il a été condamné par la justice [3], mais tous les autres grands constructeurs ayant recours à cette pratique ont été confrontés aux mêmes sanctions :

« L’indisponibilité de l’ordinateur pendant plusieurs jours, ne serait-ce que cinq, entraîne un trouble de jouissance incontestable pour son propriétaire. Aucune indemnisation pour ce préjudice n’est contractuellement prévue. Dans la mesure où la procédure de remboursement ne prévoit aucune contrepartie à ce trouble de jouissance subi par le consommateur en raison de son obligation de restituer l’ordinateur, celle-ci entraîne nécessairement un déséquilibre significatif au détriment de ce dernier. Dès lors, la clause qui impose au consommateur l’obligation de restituer l’ordinateur est abusive. Elle sera réputée non écrite. » [4]


« Cette obligation de renvoi de l’appareil au siège social, occasionnant en l’espèce des frais à hauteur de 30 €, ajoutée à la privation, pour une durée indéterminée, qui en découle, et le prix forfaitaire symbolique imposé – sans rapport avec la somme que le client devra consacrer à l’achat du système d’exploitation et de logiciels qu’il souhaite – prive en réalité le candidat au remboursement de tout dédommagement. Ces conditions, estimées inacceptables par M. X…, créent manifestement le déséquilibre entre le professionnel et le client » [5]


« L’offre de remboursement du CLUF ainsi apparaît abusive, par sa procédure lourde et coûteuse, car si le remboursement n’est pas refusé il est soumis à des conditions propres à décourager le consommateur moyen. Elle viole son droit et sa liberté d’adhérer à tel ou tel système d’exploitation ou d’utiliser d’autres licences que les systèmes et licences préinstallés par ASUS, ce qui vide l’offre de son sens. La proposition de remboursement forfaitaire étant inopérante, Monsieur X… est en droit de reprocher à la société ASUS de ne pas avoir respecté ses obligations contractuelles et de réclamer un remboursement correct » [6]

6. Conclusion.

La messe est dite !

Vous savez désormais que ces contrats sont nuls et de nul effet, de même qu’ils sont abusifs et que les clauses qu’ils contiennent sont réputées non écrites.

7. Notes

[1] i.e. sans que le professionnel puisse rapporter la preuve contraire

[2] Jur. Prox. Saint-Denis, 10 janv. 2012 : Aff. Marty vs Samsung Electronics France ; Jur. Prox. Saint-Denis, 10 janv. 2012 : Aff. Z… vs Samsung Electronics France (2 décisions)

[3] encore récemment : Jur. Prox. Caen, 10 mai 2012, affaire Z… vs Samsung Electronics France

[4] Jur. prox. Nancy, 4 juin 2009, Aff. Z… vs Packard Bell

[5] Jur. prox. Puteaux, 23 juill. 2007, aff. X… vs Acer

[6] Jur. prox. Ploermel, 18 mai 2009, Aff. X… vs Asus

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Conférence à l’université de Poitiers le 29 septembre 2012

_jdl-2012-09-28_-affiche958J’aurai la chance d’animer une conférence le 29 septembre 2012 à 14 heures à l’université de Poitiers. L’association APP3L, que je remercie, a organisé une rencontre avec les étudiants pour les sensibiliser au logiciel libre en général.

Pour ma part, la conférence que j’animerai est intitulée Actualités et perspectives des pratiques commerciales déloyales des professionnels en matière informatique.

Le thème central de cette conférence sera dédié aux pratiques commerciales déloyales de vente forcée et de subordination de vente entre le matériel et les logiciels. Pas étonnant me direz-vous…!

J’aborderai donc :

  • les points juridiques qui sont la clé du problème et notamment : comment qualifier la vente de matériel qui est fourni avec des logiciels préchargés, quelles sont les différences entre la vente forcée et la vente liée, la distinction entre le matériel et les logiciels, les procédures de remboursement (non exhaustif) ;
  • l’actualité jurisprudentielle sur le sujet : toutes les dernières décisions en la matière sur la vente forcée, la vente liée, etc.
  • et de manière transversale pendant toute la conférence, j’évoquerai les perspectives d’avenir dans ce domaine.

    (suite…)

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Arrêt HP France vs UFC Que-Choisir du 12 juillet 2012 : La réponse de la Cour de cassation à un débat incomplet.

courdecassation_humourDans un arrêt du 12 juillet 2012 opposant la société Hewlett Packard France, demanderesse au pourvoi, à l’association Union fédérale des consommateurs – Que Choisir (et autre), la haute juridiction a prononcé une cassation partielle de l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles le 5 mai 2011 qui avait jugé que la vente d’ordinateurs prééquipés d’un logiciel d’exploitation, sans possibilité offerte au consommateur d’acquérir le même ordinateur sans le logiciel d’exploitation, constituait une pratique commerciale déloyale et avait donc interdit à HP France de vendre sur son site Internet des ordinateurs avec logiciels d’exploitation préinstallés sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de leur licence d’utilisation.

Cet arrêt a semblé résonner comme un coup de tonnerre, notamment en raison du fait que la presse en a fait une interprétation désastreuse et il n’est pas rare de voir écrit des titres comme « La vente liée d’OS autorisée à nouveau » ou « Vente liée : la vente de Windows avec un PC n’est pas « déloyale » » ou pire, « La vente liée de nouveau autorisée : le jugement qui remet tout en question« .

Je vous rassure immédiatement, il s’agit là d’inepties. Il est à regretter que l’association APRIL n’ait également pas échappé à cette lecture rapide dans son communiqué titré « Retour à la case précédente pour la vente liée : la Cour de cassation exige le changement de fondement juridique« , alors que la Cour de cassation n’exige rien de tel. Il fallait être bien plus modéré, ce que de nombreux autres sites ont fait fort heureusement. La Cour de cassation met logiquement et progressivement de l’ordre dans ces questions des pratiques commerciales déloyales et sanctionne une nouvelle fois la négligence de l’UFC Que-Choisir qui s’était déjà fait épingler sur une question analogue en 2008, avec le jugement du TGI de Paris du 24 juin 2008 (aboutissant à un arrêt de cassation le 6 novembre 2011). Voici donc quelques explications.


L’association Union fédérale des consommateurs – Que Choisir lutte depuis plusieurs années, parallèlement aux actions menées directement par les consommateurs, contre ce qu’on appelle dans le langage commun « la vente liée »… mais malheureusement avec un train de retard souvent. À l’initiative de l’AFUL, elle avait initié plusieurs actions en justice, notamment en 2006, contre des professionnels qui pratiquaient la subordination de vente. Les sociétés DARTY et Fils et HEWLETT-PACKARD France faisaient partie des sociétés assignées, sur le fondement de l’article L. 122-1 du Code de la consommation.

Mais le débat a très largement évolué en 2005 avec la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 sur les pratiques commerciales déloyales des professionnels de l’Union envers les consommateurs, dont la transposition est intervenue en France par deux lois du 3 janvier et du 4 août 2008. Pourtant, l’UFC n’a jamais revu sa stratégie pour prendre en compte ces textes, en faisant évoluer les fondements juridiques sur lesquels elle dénonçait les pratiques commerciales déloyales en matière de consommation informatique. Les moyens financiers de l’association, qui peut s’offrir la possibilité de faire un très large usage des voies de recours pour ses procès, ainsi que la possibilité offerte par le Code de procédure civile de changer devant la Cour d’appel les fondements juridiques sur lesquels repose une demande, auraient dû conduire à un recadrage stratégique.

Petit rappel. Depuis la directive, sa transposition en droit Français, l’arrêt de la CJUE du 23 avril 2009 et celui de la Cour de cassation du 15 novembre 2010, le paysage juridique est le suivant :

  • Il y a d’abord les pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, au rang desquelles on trouve la fourniture de produits non demandés. Pour elles, pas d’interprétation possible. Lorsque le juge constate que le professionnel fournit un produit au consommateur dont il exige de sa part le paiement alors que ce dernier ne lui a rien commandé au préalable, il s’agit d’une pratique commerciale déloyale, plus particulièrement agressive, de vente forcée.
  • Il y a ensuite les pratiques commerciales déloyales au cas par cas en fonction des circonstances de la cause. La charge de la preuve négative incombe au professionnel qui doit démontrer qu’il n’a pas eu recours à de telles pratiques lorsqu’un consommateur les dénonce avec comme canevas les articles 5 à 9 de la directive. Ces pratiques sont celles qui ne figurent pas dans la liste noire des pratiques commerciales visées dans l’annexe I de la directive qui relèvent des pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances évoquées ci-dessus et on y trouve notamment la pratique commerciale illicite de subordination de vente.

Vous l’aurez donc compris, dénoncer une pratique commerciale agressive de fourniture de produits non demandés est bien plus « aisé » à mettre en œuvre que la pratique commerciale illicite de subordination de vente de l’article L. 122-1 du Code de la consommation qui, elle, nécessite une analyse précise par le juge des circonstances de la vente.

1. Le fondement choisi par l’UFC : la subordination de vente.

Certes, le débat est ancien puisque l’assignation de l’UFC devant le TGI de Nanterre date du 13 décembre 2006. Elle demandait notamment, sur le fondement de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, que la société HP soit enjointe de cesser, sous astreinte, de vendre sur son site dédié aux particuliers, des ordinateurs fournis d’un système d’exploitation Windows préchargé et de différents autres logiciels applicatifs, sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ce logiciel moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de la licence d’exploitation et d’indiquer le prix des logiciels d’exploitation et d’utilisation préinstallés vendus en ligne. Par arrêt du 30 octobre 2009 (ce qui démontre une fois de plus que ces procès, techniques, sont longs et difficiles), le TGI de Nanterre a notamment débouté l’association de ses demandes. L’UFC a interjeté appel de cette décision, ce qui a abouti à l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles du 5 mai 2011 cassé partiellement par la Cour suprême.

Dans son arrêt, la Cour de cassation rappelle d’abord la règle juridique sur ce fondement :

« Attendu que sont interdites les pratiques commerciales déloyales ; qu’une pratique commerciale est déloyale si elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle atteint ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe particulier de consommateurs qu’elle vise. »

Il s’agit là d’une synthèse de l’article 5 de la directive repris (ultérieurement) dans le Code de la consommation. C’est donc à la lumière de cette règle que la Cour de cassation va rendre sa décision.

La Cour d’appel de Versailles, dans un arrêt fort bien motivé, avait jugé que la vente d’ordinateurs prééquipés d’un logiciel d’exploitation, sans possibilité offerte au consommateur d’acquérir le même ordinateur sans le logiciel d’exploitation, constituait une pratique commerciale déloyale et avait fait interdiction à la société HP de vendre sur son site Internet des ordinateurs avec logiciels d’exploitation préinstallés sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction de la fraction du prix correspondant au coût de leur licence d’utilisation.

Pour cela, elle avait retenu que :

« Considérant que sur le site qui lui est consacré, le consommateur n’est pas averti directement de la possibilité d’acquérir un ordinateur non muni d’un système Windows ; que cette possibilité offerte par la société HP, encore récente, n’existe en effet que sur le site pour les professionnels où il est offert la possibilité d’acheter un ordinateur avec un système d’exploitation libre (Linux ou Freedos) ;

Que le site grand public ne contient pas davantage de précision sur le prix des composants de l’ordinateur et, en particulier, du logiciel dont la valeur est variable, ni sur le contenu des licences utilisateur final ou utilisateur final Microsoft soumis à l’adhésion permettant à l’utilisateur de connaître avec exactitude les droits qui lui sont accordés ;

Considérant qu’il n’existe pas d’obstacle technique à l’absence de proposition sans préinstallation puisque la SAS HEWLETT PACKARD FRANCE le propose aux professionnels et qu’elle peut reprendre l’avertissement sur l’exigence d’une compétence minimale telle que prévue sur ce site et des problèmes de compatibilité ;

Qu’elle ne peut justifier l’absence de proposition d’ordinateurs sans préinstallation par le fait qu’il existe la possibilité pour le consommateur de s’adresser à des vendeurs extérieurs ;

Considérant que la SAS HEWLETT PACKARD FRANCE, qui oppose n’être que distributeur, se trouve toutefois en lien direct avec le constructeur lequel s’il n’a que des droits d’utilisation tirés de la licence qui lui a été concédée conserve un intérêt à adapter sa concession de licence à la demande en s’adressant à l’éditeur du logiciel d’exploitation ; qu’il n’est pas démontré que la désactivation, lors de la vente, est un réel obstacle technique ;

Que cette attitude est contraire aux exigences de la diligence professionnelle ;
(…)
Considérant que l’information sur la valeur des éléments composant l’offre de vente avec pré installation concerne des éléments substantiels à savoir le prix du logiciel dans la mesure où une licence OEM peut représenter entre 18 et 20 % du prix d’un ordinateur et une licence non OEM jusqu’à 27 % ;

Que l’absence d’information du consommateur sur ces composants réduit ses choix en ce qu’il ne peut comparer leur valeur avec d’autres propositions qu’il s’agisse du logiciel ou de l’ordinateur nu ; que surtout, il se trouve privé de la possibilité d’acquérir sans logiciel et ce alors que la demande des consommateurs ne cesse d’augmenter ;

Que dans ces conditions, le consommateur, sans information suffisante sur ces éléments importants dans la détermination de la valeur de l’ordinateur, peut se trouver ainsi amené à prendre une décision à propos de l’achat d’un ordinateur, qu’autrement il n’aurait pas prise ; que par le comportement induit par le manque d’information, la vente est « trompeuse » au regard de l’article 7 de la Directive et contraire à l’article L 121-1 du code de la consommation ; que le choix imposé est constitutif d’un préjudice pour le consommateur ; »

Cette motivation est conforme au droit positif.

La Cour d’appel a motivé sa décision en indiquant pourquoi l’attitude de la société HP était manifestement contraire à sa diligence professionnelle et a également estimé, après avoir décortiqué les pratiques commerciales trompeuses dont les critères d’appréciation sont posés par les articles 6 et 7 de la directive, que l’absence d’information sur les prix constituait notamment une omission trompeuse, constitutive d’une pratique commerciale déloyale.

Mais le débat était largement incomplet…

Partant, la Cour de cassation estime :

« Qu’en se déterminant ainsi, tout en constatant que la société soulignait, sans être démentie , que le consommateur pouvait en s’orientant sur le site dédié aux professionnels trouver des ordinateurs “nus”, mais que l’installation d’un système d’exploitation libre restait une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir la réussite, la cour d’appel qui s’est fondée sur des motifs desquels il ne résulte pas que la vente litigieuse présentait le caractère d’une pratique commerciale déloyale, a violé le texte susvisé ; »

En d’autres termes, la Cour de cassation constate que l’UFC n’avait pas démenti que les consommateurs pouvaient commander une machine nue sur le site de HP dédié aux professionnels et relève que n’était pas non plus démentie l’allégation de la société HP selon laquelle « l’installation d’un système d’exploitation libre reste une démarche délicate dont elle ne pourrait pas garantir le fonctionnement ».

La Cour de cassation n’étant pas là pour juger le fond du droit mais pour sanctionner une mauvaise application des règles de droit par les juges au regard du débat évoqué devant la juridiction dont la décision est soumise à sa censure, elle ne pouvait alors pas faire autrement que de retoquer la Cour d’appel qui avait estimé, malgré le « trou » flagrant dans l’argumentation de l’UFC qui n’a pas discuté les deux points litigieux ci-dessus, que les circonstances de la cause révélaient l’existence d’une pratique commerciale déloyale.

Or, sur le fond, s’il était possible que la société HP puisse présenter une telle offre à ses clients professionnels, encore fallait-il savoir si ce site était accessible ou non aux particuliers et s’ils pouvaient y commander exactement la même machine que celle qu’ils auraient pu commander sur le site grand public. L’UFC n’a développé aucun argument en droit civil sur ce point.

Par ailleurs, l’UFC aurait dû se pencher sur le site dédié aux professionnels pour en tirer la conséquence qu’il s’agissait en réalité d’une vaste fumisterie, sans compter les entorses au droit de rétractation prévu par le Code de la consommation s’agissant des ventes à distance…

Par ailleurs, comble de l’ironie, l’UFC avait déjà pêché par légèreté sur la question de la complexité de l’installation d’un système d’exploitation libre dans l’affaire l’opposant à la société DARTY ayant abouti au jugement du TGI de Paris le 24 juin 2008, puis à l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 novembre 2009 et enfin à l’arrêt de la Cour de cassation du 6 novembre 2011. Dans cette affaire, la société DARTY avait produit en première instance un rapport de deux « experts » qu’elle avait mandaté, hors cadre judiciaire, pour savoir si l’installation d’un système libre était compliquée. Ce rapport n’avait déjà pas été contesté à l’époque par l’UFC, alors qu’il y avait tant à dire sur le plan informatique et qu’il n’était pas difficile de demander une expertise judiciaire pour contrer cette pièce qui n’était pas sérieuse.

Enfin, le débat était largement incomplet devant la Cour d’appel puisque l’UFC était passée à pieds joints sur la question des pratiques commerciales agressives, se contentant d’évoquer les pratiques commerciales trompeuses, ce qui limitait largement le débat.

2. Un fondement inefficace à titre principal, car aléatoire.

Surtout, il faut rappeler encore une fois que la question qui se pose et que je soumets moi-même systématiquement aux juridictions du fond que je saisis du problème, n’est pas informatique mais purement un problème de consommation.

En effet, il ne s’agit pas tant de savoir si un système d’exploitation libre est complexe à installer puisque quelques minutes suffisent à démontrer le contraire, ou si un fabricant doit fournir des ordinateurs nus aux consommateurs alors que n’importe quel consommateur ou professionnel utilise un système d’exploitation pour pouvoir utiliser son matériel de façon conviviale et en tirer toute la quintessence.

La seule vraie question que devait poser l’association UFC était de savoir si, pour un fallacieux motif de pseudo-facilité d’installation pour le consommateur, un professionnel a le droit d’extorquer au consommateur le prix de produits qu’il lui a fournis alors que ce dernier ne les a jamais commandés avant la vente.

En d’autres termes, la société HP pratiquait-elle la vente forcée ? La réponse est évidemment positive et les sites comme celui de HP ainsi que les procédures mises en place lors de l’achat ou même postérieurement lorsque le consommateur se trouve confronté au CLUF du système d’exploitation qui le force à éteindre sa machine, démontrent très largement le contraire.

Mais l’UFC n’a rien relevé de tel.

3. Triste conclusion.

Les erreurs de l’UFC vont certainement coûter très cher, puisque la Cour de cassation a eu la mauvaise idée de renvoyer l’affaire à la Cour d’appel de Paris, celle-là même qui avait donné raison à la société DARTY dans l’affaire l’opposant à l’UFC et qui avait abouti à un arrêt de cassation le 6 novembre 2011.

La Cour d’appel de Paris avait alors adopté une motivation éminemment critiquable comme je l’avais déjà détaillé dans un précédent article, allant même jusqu’à supposer ce que devait être l’intérêt du consommateur moyen, au mépris des évidences.

Autre conséquence, malgré quelques erreurs contenues dans l’arrêt de la Cour d’appel de Versailles, sa motivation était bonne et minutieuse et venait avantageusement discréditer l’arrêt de la Cour de Paris du 26 novembre 2009 qui, fort heureusement, a été cassé depuis.

Enfin, ces erreurs vont encore obliger à se livrer à de très longs développements dans les conclusions présentées aux juges pour leur expliquer que la Cour de cassation n’a pas tout chamboulé, ce qui n’est pas franchement une bonne nouvelle pour le professionnel que je suis.

4. Références.

Arrêt n° 833 de la première chambre civile de la Cour de cassation du du 12 juillet 2012 (pourvoi 11-18807) : sur le site de la Cour de cassation ou sur Legifrance.

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Pratiques commerciales déloyales : pas de distinction entre constructeurs et revendeurs.

Dans deux nouvelles décisions récentes, la justice a encore condamné le fabricant SAMSUNG pour ses pratiques commerciales déloyales relatives à la fourniture de logiciels préchargés dans le matériel informatique ainsi que l’enseigne de grande surface AUCHAN pour ses pratiques commerciales trompeuses.
La jurisprudence ouverte par la Cour de cassation continue, logiquement, de s’imposer.
Regardons tout cela d’un peu plus près.

1. Madame Simone Z contre le géant SAMSUNG.

Le 10 mai 2012 SAMSUNG a une nouvelle fois été condamné par la juridiction de proximité de Caen. Cette nouvelle condamnation intervient à la suite des deux dernières, retentissantes, prononcées le même jour par la juridiction de proximité de Saint-Denis le 10 janvier 2012 sous forme de décision de principe. L’addition commence à avoir un goût amer pour le constructeur…

Les consommateurs qui mènent ces procédures de remboursement sont très souvent accusés d’être des « geek », terme qu’on prête aux mordus de l’informatique et de hi-tech. Madame Simone était-elle une « geek » pour vouloir le remboursement des logiciels qui lui étaient fournis ? En fait, absolument pas, vu son âge. C’est une simple consommatrice, attentive au monde qui l’entoure, et qui n’a pas apprécié que le constructeur lui extorque plus d’argent qu’elle n’avait à en donner, pour des logiciels qu’elle n’avait pas demandés.

1.1 La motivation prise par le juge.

Pour entrer en voie de condamnation contre le constructeur, le juge de proximité a d’abord rappelé, sans surprise, que le système d’exploitation et les logiciels applicatifs préchargés dans le matériel n’étaient que « des options auxquelles l’acheteur n’est pas tenu d’adhérer«  [1].

Ensuite, il a relevé que Madame Simone avait fait la démonstration que le fabricant ne lui avait laissé aucun choix :

  • lors de l’achat, puisque SAMSUNG ne propose ses ordinateurs à la vente qu’avec une multitude de logiciels fournis préchargés, de sorte que si Madame Simone souhaitait acheter ce même modèle chez SAMSUNG, elle devait obligatoirement l’acheter dans sa configuration d’origine, soit avec une multitude de logiciels fournis préchargés.
  • lors du démarrage de la machine, puisque le système d’exploitation Windows qui s’enclenche automatiquement (à partir d’un bios quasiment toujours configuré en premier démarrage sur le disque dur) ne propose pas d’autre option que d’accepter le contrat de licence du logiciel par une, voire deux cases à cocher, de sorte que si un consommateur moyen ne veut pas utiliser les logiciels fournis, il n’a pas d’autre choix que d’éteindre son ordinateur et de contacter le fabricant pour tenter d’obtenir un remboursement.
  • ou après l’achat, lorsque le constructeur tente d’imposer au consommateur qui lui adresse une demande de remboursement des logiciels, une procédure lourde et contraignante de renvoi du matériel à ses frais et risques abusivement qualifiée de « procédure de remboursement« , laquelle a été jugée abusive et réputée non écrite dans son ensemble à de nombreuses reprises.

Le juge a retenu que :

« Madame Y… apporte la preuve que la combinaison de la marque SAMSUNG et le modèle N130 constituait l’élément déterminant de son achat, à l’exclusion de tout autre critère.

SAMSUNG a ainsi mis Madame Simone Y… face à la contrainte d’acquérir le matériel dans sa configuration logicielle d’origine et ainsi de payer le prix de logiciels qu’elle ne souhaitait pas acquérir.

Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de désinstallation des logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire 2005/29/CE puisqu’elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu’une contrainte à l’égard du consommateur. (…)

C’est à juste raison que Madame Simone Y… a pu réclamer le remboursement de ce qu’elle a indûment payé sur le fondement des dispositions de l’article L. 122-3 du Code de la consommation. »

S’agissant de la contrainte exercée par le constructeur sur le consommateur après la vente, et le caractère déloyal de la procédure de remboursement, le juge ajoute :

« Cette absence totale de choix combinée à une procédure particulièrement lourde de désinstallation de logiciels et de remboursement y afférent constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances au sens de la Directive communautaire 2005/29/CE puisqu’elle met en œuvre tant une influence injustifiée qu’une contrainte à l’égard du consommateur.

Le fait de soumettre le consommateur, après l’achat du matériel, et à sa charge exclusive les frais qui découlent de la procédure de remboursement conduit à violer le droit et la liberté du consommateur d’adhérer à tel ou tel système d’exploitation et de choisir les licences et les logiciels qu’il souhaite installer. »

C’est donc encore une condamnation contre un constructeur pour fourniture de produits non demandés, même si la motivation n’est pas aussi limpide que celle retenue par le juge de proximité de Saint-Denis.

Rappelons que le seul constat par le juge que le professionnel a exigé du consommateur le paiement immédiat ou différé de logiciels qu’il lui a fournis sans que ce dernier ne les ait jamais demandés, justifie de le condamner à rembourser le prix perçu, soit ici celui des logiciels. La directive 2005/29/CE et le Code de la consommation rappellent clairement que cette pratique commerciale est strictement interdite, de sorte que la sanction devrait être maintenant de plus en plus automatique contre les professionnels qui la pratiquent. Je rappelle également que ces pratiques commerciales déloyales sont une infraction pénale et sont punies d’une peine de 150.000 € d’amende au plus et de deux ans de prison.

1.2. Un manquement à l’obligation d’information sur les prix.

Tirant les conséquences du fait que le matériel et les logiciels constituent deux éléments distincts, la jurisprudence et la doctrine s’accordent sur le fait que la vente d’un ordinateur fournis de logiciels préchargés constitue une vente par lots de produits distincts. Dans ce cas, la réglementation française impose au professionnel d’informer le consommateur des caractéristiques essentielles des produits (le matériel) et des services (les logiciels), du prix du lot mais également du prix de chacun des éléments constituant ce lot.

Là encore, SAMSUNG s’est fait épingler, puisqu’il ne fournit jamais la moindre information aux consommateurs, tant sur le caractère facultatif des logiciels, que sur le fait qu’ils sont payants et que le consommateur les paye effectivement, ou sur le prix du matériel seul et des logiciels seuls. Le prix global indiqué par le fabricant ou le revendeur ne suffit pas à satisfaire aux obligations imposées par la réglementation.

C’est la Cour de cassation qui, dans un arrêt du 6 octobre 2011, a rappelé que le prix des logiciels était un élément substantiel dont le consommateur devait être informé, reprenant en cela les critères posés par la directive 2005/29/CE.

Le juge retient que :

« Attendu que la société SAMSUNG ne donne aucune information s’agissant du prix des logiciels vendus à Madame Simone Z… sans que cette dernière n’en ait sollicité l’acquisition lors de l’achat objet de la présente instance. En effet, la société SAMSUNG doit à tout le moins donner cette information à l’occasion de la mise en œuvre de la procédure de remboursement dont elle a conservé la maîtrise. La société SAMSUNG ne saurait profiter de son silence s’agissant de la décomposition du remboursement proposé unilatéralement et a posteriori sans en avoir tenu le consommateur informé lors de la réalisation de l’achat. »

Le juge de proximité condamne donc la société SAMSUNG à payer à Madame Simone la somme de 250 € au titre des logiciels dont il a dissimulé le prix.

Il y ajoute une somme de 250 € de dommages et intérêts pour le préjudice subi par le consommateur, ce qui est un montant scandaleusement dérisoire lorsqu’on sait que la vente forcée est une infraction pénale sanctionnée notamment par une amende de 150.000 € au plus ! Le préjudice subi par les consommateurs face à ces pratiques commerciales est très important puisqu’ils n’ont pas d’autre choix que de faire des procès pour faire respecter leurs droits les plus élémentaires et légitimes, se substituant en cela à l’incurie de la DGCCRF ou du ministre de l’économie qui peut se saisir de ces questions.

Il condamne enfin SAMSUNG à payer à Madame Simone une somme de 1.500 € au titre des frais de procédure engagés, ce qui est là encore une somme insuffisante, ainsi qu’à payer les dépens de la procédure [2].

2. Monsieur Z… contre la société AUCHAN.

Cette décision du 18 avril 2012 est plus intéressante puisqu’elle concerne non plus un fabricant, mais un distributeur, ce qui est plus rare. Et la décision, satisfaisante, est intéressante à plusieurs titres.

Les précédents jurisprudentiels sont peu nombreux, et ont été intentés pour la plupart par l’UFC Que Choisir contre différentes enseignes, avec plus ou moins de succès, alors que bénéficier du statut d’association de consommateurs est de toute évidence bien plus avantageux pour obtenir de bonnes condamnations.

Monsieur Z avait classiquement fait l’achat en avril 2010 d’un ordinateur, un Samsung (!), pour 295 €. Il avait fait des recherches pour savoir si le modèle qu’il avait choisi était proposé sans logiciels préchargés. Bien évidemment, comme dans le cas précédent, la réponse s’est rapidement avérée négative.

Monsieur Z reprochait à titre principal à la société AUCHAN sa pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de produits non demandés (dont le professionnel exige le paiement), et à titre subsidiaire (demande présentée au cas où le juge rejetterait la demande principale) sa pratique commerciale déloyale de vente subordonnée au regard des circonstances entourant la vente.

2.1. Pas de vente forcée selon le juge ???

Contre toute attente, et de façon contraire aux dernières jurisprudences en la matière, le juge a écarté le grief de vente forcée en deux temps :

« – Sur la vente subordonnée
Après l’achat de cet ordinateur (…) Monsieur Z a obtenu de la société AUCHAN (…) l’information selon laquelle il était possible, sous certaines conditions, de procéder à la « désinstallation » des logiciels pré-installés (…), qu’il en résulte que ces logiciels et l’ordinateur sont des éléments distincts et ne constituent pas un élément indivisible, qu’en conséquence la vente de l’ordinateur SAMSUNG (…) et des logiciels pré-installés constitue une vente liée ou subordonnée (…) »

Il a donc d’abord retenu la qualification de vente subordonnée au seul motif que les logiciels, qui ne sont que des options non obligatoires, sont fournis. Ce n’est pas inexact à proprement parler, mais cette argumentation n’avait avait été développée qu’à titre subsidiaire par Monsieur Z.

Or, la vente n’est pas exclusivement subordonnée du seul fait que les logiciels sont fournis préchargés, puisque la qualification de fourniture de produits non demandés (ou vente forcée) est également applicable à cette hypothèse.

C’est donc la suite de la décision, le second temps, qui va nous renseigner sur la justification qui a poussé le juge à exclure la vente forcée :

« Attendu que Monsieur Z prétend que l’exigence d’un paiement immédiat des logiciels fournis avec l’ordinateur sans qu’il ne demande la fourniture de ces logiciels constitue une vente déloyale en soi au sens de l’article L. 122-3 du Code de la consommation, que toutefois ce texte applicable aux ventes sans commande préalable n’est pas applicable en l’espèce puisque Monsieur Z a passé une commande préalable à son achat ; que cette commande porte le numéro (…) selon la facture délivrée par la société AUCHAN »

Il y a là une erreur et une confusion importante de la part du juge qui ne pouvait pas à la fois retenir que la matériel et les logiciels étaient deux éléments distincts (ce qui est exact) sans en tirer les conséquences juridiques qui en découlaient.
En effet, nous sommes en présence d’un lot de deux produits distincts, le matériel d’un côté et les logiciels de l’autre, chacun étant régis par des contrats bien différents : un contrat de vente pour le matériel et un contrat de fourniture de prestations de services pour les seconds. Par conséquent, le juge ne pouvait pas retenir que Monsieur Z avait passé une commande préalable de logiciels auprès de AUCHAN en se fondant sur le contrat de vente du matériel, d’autant plus que le contrat de licence des logiciels (SE ou applicatifs) n’est soumis à l’accord éventuel du consommateur que postérieurement à la vente. En outre, le juge ne pouvait pas déduire de l’acte d’achat du matériel l’existence d’une commande préalable de logiciels auprès de AUCHAN, puisque les logiciels sont fournis préchargés par le fabricant, ici SAMSUNG, et non pas par le revendeur.

Je ne peux donc pas partager la motivation du juge qui l’a conduit à écarter le grief de vente forcée.

Néanmoins, le juge retient tout de même l’existence d’une pratique commerciale déloyale, en l’espèce une pratique commerciale illicite de subordination de vente.

Choisissant cette qualification juridique, le juge a donc examiné les circonstances de la vente pour savoir s’il existait une pratique commerciale trompeuse et/ou agressive, comme l’exigent la directive et la Cour de cassation depuis l’arrêt Pétrus lorsqu’il s’agit d’apprécier les pratiques commerciales non listées à l’annexe I de la directive.

Pour écarter le grief de pratique commerciale agressive, le juge s’est basé sur le fait qu’il avait estimé que la vente des logiciels n’avait pas été forcée au motif qu’il y avait eu commande préalable des logiciels de la part de Monsieur Z. Cela est évidemment contestable, puisque nous savons pertinemment que le consommateur n’a pas d’autre choix que de payer le prix des logiciels fournis préchargés s’il veut fait l’acquisition du modèle convoité.

Il a donc examiné si la société AUCHAN s’était livrée à une pratique commerciale trompeuse.

Rappelons d’abord que les critères d’appréciation posés par la directive obligent le juge qui choisit la qualification d’une pratique commerciale déloyale au cas par cas (soit ici la subordination de vente, par opposition à la pratique commerciale déloyale « en toutes circonstances » de vente forcée), à vérifier au regard des circonstances de la vente s’il existe une pratique commerciale agressive (articles 8 et 9 de la directive) et à défaut, une pratique commerciale trompeuse (article 6 et 7 de la directive). Mais si les leviers pour dénoncer les pratiques commerciales déloyales des professionnels en cette matière sont importants, il ne faut cependant pas négliger de les soulever.

Le juge de proximité a retenu sur cette question :

« Attendu que selon (…) la directive (…), constitue une pratique commerciale trompeuse l’information qui induit ou qui est susceptible d’induire en erreur le consommateur moyen en ce qui concerne le prix ou le mode de calcul du prix de nature à l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement.
(…)
Attendu qu’en l’espèce, la société AUCHAN n’a pas affiché le prix de l’ordinateur et de façon distinctive le prix des logiciels pré-installés, qu’elle n’a fourni à Monsieur Z, avant l’achat du 23 avril 2010, aucune information sur le prix de chacun de ces éléments alors que l’ordinateur et les logiciels pré-installés constituent des éléments distincts, qu’une telle pratique commerciale est trompeuse au sens de (…) la Directive (…) puisque l’absence d’information sur les prix a induit en erreur Monsieur Z et l’a amené à prendre une décision, à savoir l’achat de l’ensemble qu’il n’aurait pas prise autrement puisqu’il ne souhaitait acheter que l’ordinateur sans les logiciels pré-installés, que cette pratique trompeuse est interdite en application de l’article L. 122-1 du code de la consommation. »

Avec un peu d’attention, vous aurez relevé l’existence d’une contradiction entre la motivation ci-dessus et celle précédemment adoptée par le juge s’agissant de la fourniture de produits non demandés. En effet, alors que le juge avait rejeté la qualification de fourniture de produits non demandés au motif que, selon lui, Monsieur Z avait volontairement passé une commande préalable de logiciels, il retient maintenant que Monsieur Z avait bien souhaité acheter un ordinateur sans logiciels préchargés…

En définitive, on voit encore plus clairement que la motivation prise par le juge sur la vente forcée était contestable. Mais qu’importe, puisqu’il estime qu’en ne donnant aucune information sur les prix et qu’en ne procédant à aucune ventilation entre le prix du matériel et le prix des logiciels, la société AUCHAN s’est livrée à une pratique commerciale trompeuse, puisque Monsieur Z a été contraint de prendre une décision d’achat qu’il n’aurait peut-être pas prise s’il avait eu cette information.

Et qui d’autre mieux que AUCHAN peut connaître le prix des logiciels, à part le fabricant lui-même bien évidemment ? Seule la société AUCHAN pouvait, par sa puissance d’achat, exiger du fabricant qu’il lui communique le prix des logiciels fournis préchargés, en vertu du principe de transparence posé par le Code de commerce, lequel est d’ailleurs repris du Code de la consommation.

2.2. La notion de consommateur moyen discutée

Pour tenter de s’extraire du cadre de l’application de la directive 2005/29/CE, les fabricants et distributeurs cherchent parfois à soutenir que le consommateur qui essaye d’obtenir le remboursement des logiciels, ne serait pas un consommateur moyen à qui s’adresse cette directive.

AUCHAN n’avait pas manqué de soulever cet argument. La société avait tenté de soutenir que Monsieur Z était un consommateur « particulièrement avisé » au seul prétexte qu’il voulait un ordinateur fourni sans logiciels préchargés. C’est l’argument de l’ignorance, car prétendre qu’un consommateur serait averti au seul motif que ses demandes sont inhabituelles, est un raisonnement assez singulier. Et c’est exactement ce qu’a retenu le juge de proximité :

« Attendu que ce texte [3] est applicable au consommateur moyen, que la société AUCHAN ne démontre pas que Monsieur Z… n’est pas un consommateur moyen ; qu’en tout cas, la qualité de consommateur averti alléguée par la défenderesse ne peut résulter de la simple volonté exprimée par Monsieur Z… d’acheter un ordinateur sans logiciels d’application, qu’une telle demande n’implique pas en soi des connaissances spécifiques en matière d’informatique. »

En effet, la qualité de consommateur averti dépend notamment de ce qu’il exerce une activité professionnelle similaire à celle du professionnel auquel on le compare. Tel n’était évidemment pas le cas ici. Le juge n’a pas non plus estimé convaincant l’argument de AUCHAN selon lequel Monsieur Z s’était adressé volontairement à elle alors qu’elle n’était qu’une enseigne non spécialisée, puisqu’au contraire, en s’adressant à AUCHAN, Monsieur Z a fait un achat classique, de consommateur moyen, dans son enseigne de proximité.

Il est en tout cas intéressant de relever que le juge a estimé que le fait, pour un consommateur, de demander un ordinateur sans logiciels n’impliquait pas de disposer de connaissances informatiques spécifiques. Et il a raison. Installer un système d’exploitation, surtout à partir d’un disque dur vide, ne relève pas d’une grande complexité informatique, surtout avec une distribution GNU/Linux grand public (p. exemple : OpenSuse, Ubuntu, Mageia, etc.). Nous pouvons donc, avec cette nouvelle décision qui s’inscrit dans la droite lignes des précédentes, définitivement enterrer la jurisprudence UFC ¢ Darty du 24 juin 2008, jugement dans lequel le juge avait retenu, à l’époque, qu’il s’agissait d’une opération complexe. Sous Windows, l’opération qui était encore complexe avec Windows XP, a largement été simplifiée avec Windows 7.

3. Conclusion

Ces deux décisions sont deux jurisprudences de plus en faveur des consommateurs, qui demandent de plus en plus à ne plus devoir être contraints de payer les produits ou les services qu’ils n’ont pas demandés s’agissant en tout cas de l’informatique grand public, ce que confirmait déjà l’étude du CREDOC en 2007. Le fait que les décisions soient parfois en demi-teinte n’est pas surprenant et démontre qu’il ne faut pas tarir d’explications sur le sujet face aux juges qui ne sont pas habitués à ce type de contentieux, surtout devant les juridictions d’instance.

Enfin, l’enseignement majeur à tirer de ces derniers jugement, est que la jurisprudence ne fait, logiquement, strictement aucune différence entre les professionnels : qu’ils soient fabricants de matériel informatique, assembleurs, revendeurs spécialisés ou non, ils sont tous tenus aux mêmes règles s’agissant des pratiques commerciales déloyales et notamment la fourniture de logiciels non demandés qui demeure totalement interdite, ou de l’information nécessaire sur les prix des produits composant le lot matériel-logiciels.

Tout cela est bien évidemment encourageant pour la suite.


 4. Post-scriptum et notes.

Pour une question de confidentialité, ces décisions ne seront pas publiées à la demande des consommateurs qui souhaitent conserver leur anonymat.

[1Selon la formule du juge de proximité d’Aix-en-Provence dans un jugement du 17 février 2011 qui avait abouti à la condamnation du fabricant ACER

[2article 695 du Code de procédure civile

[3article L. 122-1 du Code de la consommation

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Double condamnation de SAMSUNG : la fourniture de logiciels non demandés est interdite

claviertexteLes juges réitèrent magistralement leur jurisprudence dans deux décisions du même jour contre le constructeur SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE.

Dans deux jugements rendus le 10 janvier 2012, le juge de proximité de Saint-Denis a sanctionné dans les mêmes termes le constructeur SAMSUNG ELECTRONICS FRANCE qui avait été assigné par deux consommateurs pour vente forcée de logiciels préchargés dans le matériel informatique qu’ils avaient acheté. La condamnation est historique, tant sur la qualité de la motivation que sur le principe de la condamnation puisqu’enfin, conformément aux demandes présentées par ces deux consommateurs, le terrain juridique est celui de la vente forcée et non plus celui de la vente liée. Et la différence est de taille. Suivez le guide pour les explications.

1. Quelques mots d’introduction.

Tout d’abord, je tiens à saluer la qualité du travail fourni par le Juge de proximité de Saint-Denis. Dans ces litiges, longs et complexes puisqu’ils mêlent à la fois droit Européen et droit français de la consommation, rares sont les belles décisions. Mais qu’est-ce qu’une belle décision, me direz-vous ?

Pour un client, une bonne décision est celle qui lui fait gagner son procès, qui lui permet d’avoir la condamnation de son adversaire à la hauteur de ses espérances, qu’il s’agisse de demandes financières ou non.

Pour un juriste, le point de vue n’est pas toujours le même, car une bonne décision est aussi celle qui est suffisamment bien motivée pour pouvoir être utilisée dans d’autres litiges de même nature, afin de faire progresser le débat et faire évoluer la jurisprudence.

Les décisions évoquées ici sont donc des bonnes décisions, à double titre : pour les clients et pour le débat juridique car la question fait un bond de géant dans la solution jurisprudentielle.

Mais nous ne sommes pas sous l’arbre à palabres, alors entrons dans le vif du sujet !

2. Le matériel et les logiciels sont deux produits distincts.

La solution est aujourd’hui admise en jurisprudence et n’est plus sérieusement contestable.

Le matériel est un bien corporel qui fait l’objet d’un contrat de vente entre le vendeur et l’acquéreur et qui confère à ce dernier un droit de propriété absolue sur la chose vendue dès le paiement du prix. À l’inverse, la fourniture d’un logiciel est une prestation de services qui ne confère qu’un droit d’usage sur le logiciel à compter et sous réserve de l’acceptation de la licence d’utilisation.

Il découle de ce constat une série de conséquences, notamment le fait qu’il s’agit d’unevente par lots qui impose aux professionnels de respecter des obligations précises sur les caractéristiques essentielles des produits et des services fournis aux consommateurs, ainsi que leurs prix : par exemple, les informer que les logiciels fournis ne sont que des options non obligatoires, qu’il y a un contrat de licence à accepter, le prix des logiciels indépendamment du prix du matériel, etc. et la liste est longue !

Pour tenter de s’opposer à cette évidence juridique et physique, certains constructeurs ont inventé le concept de « l’unité fonctionnelle » : selon eux, le matériel et les logiciels seraient tellement liés l’un à l’autre qu’ils formeraient un « produit unique » ou un « produit sophistiqué ». Mais il ne s’agit là que d’une argutie sans portée. Non seulement parce que depuis longtemps la jurisprudence fait la distinction entre ces deux produits [1], mais également parce qu’il est aisément démontré que ce concept n’est là que pour tenter de dissimuler le défaut manifeste d’information auquel se livrent les fabricants sur le prix des logiciels ou les caractéristiques essentielles des produits. En outre, cet argument ne pourrait valoir que pour le système d’exploitation qui a pour but de rendre la machine conviviale pour permettre à l’utilisateur d’en tirer toute sa puissance, mais certainement pas pour les logiciels applicatifs qui n’ont aucune utilité « fonctionnelle » et qui sont pourtant fournis préchargés et qui sont payés par le consommateur…

Par ailleurs, les juges sont de mieux en mieux informés sur le fait que le système d’exploitation Windows de Microsoft n’est pas le seul susceptible de faire fonctionner un ordinateur correctement et que si les consommateurs utilisent majoritairement Windows, c’est uniquement parce qu’il est livré préchargé dans les machines. D’ailleurs, on le voit bien dans le marché des smartphones et des tablettes où Windows représente que 0.56 % du marché environ, là où iOS et Androïd ont 80 % du marché environ [2].

Finalement, ce sont mes adversaires dans les prétoires qui sont les plus surprenants : ils m’interrogent souvent après les audiences en me demandant s’il existe vraiment autre chose que Windows, car ces procès les intriguent sur le fond ! Un peu comme si tout cela n’était qu’une fantaisie de la part des consommateurs, ou même de ma part ! Mais cinq minutes suffisent pour leur faire comprendre qu’ils sont déjà entourés d’appareils qui ne fonctionnent pas sous Windows (box ADSL, télévision [3], smartphones, etc.) et qu’il existe pléthore de systèmes d’exploitation parfaitement fonctionnels pour les ordinateurs.

Mais la reconnaissance de ce problème de consommation (de choix de consommation dirais-je) s’est heurté à des résistances farouches, souvent par ignorance :
Ainsi, le professeur Jean-Philippe Feldman écrivait encore en juin 2009 dans une revue juridique connue que : « l’installation d’un système d’exploitation n’est pas la chose la plus simple qui soit. D’ailleurs, les partisans du logiciel libre organisent des « install parties », manière de dire qu’il faut des conseils d’experts pour installer lesdits logiciels. On a connu plus commode pour le consommateur… » [4].

D’autres commentateurs comme le Professeur Philippe Stoeffel Munck ont également tenté de porter cette approche « fonctionnelle » pour les constructeurs, au mépris d’une évidence physique, juridique, jurisprudentielle pourtant ancienne et des directives communautaires transposées [5] (car il y a bien, dans tous les cas, une fourniture de produits non demandés, prohibée, et l’approche fonctionnelle n’y change rien puisque le texte ne prévoit pas d’exceptions). Tout cela n’avait évidemment rien de crédible une seule seconde, et il suffit de télécharger gratuitement ou d’aller trouver chez son marchand de journaux pour quelques euros un CD ou un DVD d’un système d’exploitation Linux et de le mettre dans le lecteur d’une machine avec un disque dur vierge pour démontrer le contraire en moins de 10 minutes ! Du reste, pour ma part, je n’ai jamais vu ces commentateurs se rendre à l’une de ces journées de découverte du logiciel libre (i.e. « install party » pour les habitués) qui réunissent plusieurs milliers de personnes parfois autour de conférenciers et de passionnés. Diable, il y a même un salon annuel qui les réunit avec les entreprises du libre au CNIT de la Défense chaque année !

3. Sur le caractère déloyal « en toutes circonstances » de la pratique commerciale de fourniture de produits non demandés.

La motivation se passe presque de commentaires, tant elle est limpide :

« Attendu que si un ordinateur requiert l’installation d’un système d’exploitation pour l’accomplissement de la tâche que son propriétaire souhaite lui assigner, ce système ne saurait être nécessairement celui qui est fourni par la société Microsoft, des logiciels alternatifs pouvant être installés par les propriétaires ; Que si, comme le soutient la société SAMSUNG, dans l’esprit de la majorité des consommateurs, un ordinateur est nécessairement vendu avec un système d’exploitation en l’espèce fourni par la société Microsoft, c’est en raison des pratiques des assembleurs  ; Que ces agissements sont constitutifs de pratiques commerciales agressives ;

Qu’ainsi, il convient de déclarer déloyale en toutes circonstances à raison de son caractère agressif, la pratique consistant pour la société SAMSUNG, à revendre un système d’exploitation acquis par ses soins sans que Monsieur MARTY le lui ait demandé, et d’exiger le renvoi de l’ordinateur pour la désinstallation et le remboursement dudit système d’exploitation.  »

Est visée ici la pratique commerciale du professionnel de « fourniture de produits non demandés », soit des logiciels fournis préchargés dont le paiement est exigé au consommateur alors qu’il ne les a pas demandés (autrement dit, la « vente forcée »).

Depuis longtemps, cette pratique est strictement prohibée par le paragraphe 29 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE mais également par le Code de la consommation. L’annexe I dresse la liste noire des pratiques commerciales déloyales « en toutes circonstances », c’est à dire celles qui n’ont pas besoin de faire l’objet d’une analyse « au cas par cas » par le juge. [6] À l’occasion de la transposition de la directive, cette prohibition de principe a été intégrée à l’article L. 122-11-1, 6° du Code de la consommation. Puis, dans une loi dite de « simplification et d’amélioration de la qualité du droit » du 17 mai 2011, le législateur a pris le soin de mieux intégrer cette pratique dans le Code de la consommation en complétant l’article L. 122-3 du Code de la consommation (le 6° de l’article L. 122-11-1 a été abrogé).

Ainsi, lorsque le juge constate qu’une telle pratique a été mise en œuvre par un professionnel, il doit simplement rappeler qu’elle est prohibée en toutes circonstances sans se livrer à un analyse du comportement du professionnel et des circonstances de l’espèce. C’est là la différence majeure avec la pratique commerciale illicite de subordination de vente de l’article L. 122-1 qui, dans la mesure où elle ne fait pas partie de l’annexe I de la directive, doit faire l’objet d’une analyse au cas par cas par le juge pour être déclarée déloyale et donc interdite.

Avec la double motivation du juge de proximité, on touche là au problème de consommation que posent les consommateurs : si dans leur esprit, un ordinateur n’est aujourd’hui vendu qu’avec Windows préchargé, c’est seulement et uniquement à cause de la pratique des constructeurs et du défaut manifeste d’information auquel ils se livrent à leur égard, notamment sur le prix des logiciels et le fait qu’ils les payent. Autrement dit, si les constructeurs informaient mieux le consommateur, ce dernier ne serait pas « pieds et poings liés à son logiciel »…

C’est donc à juste titre que le juge de proximité a constaté que la société SAMSUNG avait acheté des licences pour des logiciels qu’elle fournit aux consommateurs et les revend à ces derniers sans commande préalable expresse de leur part avant l’achat. Sans avoir besoin de se livrer à la moindre analyse au cas par cas, le juge constate donc qu’il y a une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de logiciels non demandés. Logique, imparable.

Alors, les constructeurs feignent de s’insurger et tentent de brandir l’argument selon lequel il serait en quelque sorte dans l’intérêt du consommateur de leur fournir du matériel avec des logiciels pour leur permettre d’utiliser immédiatement leur machine. Ils soutiennent, pour les besoins de leur raisonnement, que le matériel serait « inutilisable » (sic.) sans logiciels.

Mais ces arguments s’évanouissent rapidement devant quelques évidences :

  • D’abord, comme je l’ai dit, s’il fallait admettre ce raisonnement, il ne pourrait s’appliquer qu’au système d’exploitation. Mais les constructeurs font payer une foultitude d’autres logiciels applicatifs qui ne sont pas toujours gratuits et dont il n’est pas démontré, pour ceux qui sont réellement gratuits, que leur intégration dans la machine en usine ne serait pas facturée d’une manière ou d’une autre aux consommateurs.
  • Ensuite, parce que la finalité des consommateurs qui font ces procès pro bono publico n’est pas d’avoir du matériel « nu », puisqu’ils utilisent logiquement un système d’exploitation pour rendre leur machine conviviale ! Ils veulent simplement avoir le choix de leurs logiciels et le choix de ne pas payer ceux dont ils ne veulent pas, surtout lorsqu’il est démontré, pièces à l’appui au cours du procès, que le prix du seul système d’exploitation peut représenter près de 30 % du prix de la machine (sans compter les autres logiciels applicatifs !). Ainsi, les juges commencent à comprendre que le problème n’est pas informatique comme le font croire les constructeurs depuis des années et comme se complaisent à l’écrire certains commentateurs, mais seulement un problème de consommation !Au demeurant, il est démontré qu’un matériel fonctionne (stricto sensu) sans système d’exploitation : il s’allume, on peut consulter et configurer les périphériques matériels qui sont dedans, le tout dans sa langue maternelle bien souvent. Simplement, il attend qu’on lui donne un système d’exploitation, quel qu’il soit, pour devenir convivial pour l’utilisateur qui pourra tirer la pleine puissance du matériel.
  • Au surplus, pour un consommateur moyen normalement avisé et attentif et qui ne s’engage pas bêtement les yeux fermés quand on lui demande son consentement, il se rend compte au contraire que les logiciels préchargés rendent en réalité sa machine inutilisable !En effet, au premier démarrage de sa machine fournie avec un système Windows préchargé par le fabricant, le consommateur s’aperçoit que s’il veut utiliser immédiatement et simplement sa machine, il est contraint d’accepter le contrat de licence de Windows et donc accepter l’installation sur le disque dur d’un logiciel qu’il n’a pas demandé (et dont le fabricant a déjà perçu le prix…) ! Car s’il ne le fait pas, il n’a pas d’autre solution que d’éteindre son ordinateur, de contacter le fabricant pour demander le remboursement du prix des logiciels (quand le constructeur offre cette possibilité…) et de subir ensuite des nouvelles conditions posées par le fabricant qui va conditionner, dans le meilleur des cas, ce remboursement au renvoi du matériel dans ses ateliers aux frais et risques de son propriétaire !Il y a évidemment plus simple et moins contraignant pour le consommateur qui peut décider d’installer le système d’exploitation de son choix, souvent obtenu gratuitement sur internet ou pour quelques euros en librairie, qui va effacer le système d’exploitation Windows préchargé en formatant le disque dur (la procédure existe depuis de nombreuses années, elle est automatique et sans difficultés et prévue dans les systèmes d’exploitation Libres par exemple, cf. image ci-dessous de Mandriva 2008)… mais en prenant cette initiative de son propre chef, il se voit systématiquement refuser tout remboursement par le constructeur !

effacerwmandriva

Par conséquent, pour un consommateur moyen qui ne veut pas dépenser inutilement d’argent et qui fait attention aux termes des contrats qu’on lui demande d’accepter, un ordinateur dans lequel on lui fournit des logiciels qu’il n’a pas demandés et qu’il a dû payer par le biais d’une pratique commerciale déloyale qu’on lui impose, est tout sauf un avantage et cela ne va évidemment dans son intérêt !

En d’autres termes, pour les constructeurs, si vous êtes un consommateur mouton qui ne dit rien et qui paye sans se poser de question, vous êtes un bon consommateur et si vous faites un peu attention, vous êtes un mauvais consommateur qui pinaille ! Et je vous passe les arguments fallacieux qui sont réellement soutenus à la barre du tribunal selon lesquels ces consommateurs (pourtant normaux) utiliseraient le tribunal comme « une tribune contre les « grandes entreprises qui exploitent l’ignorance des consommateurs », à mauvais escient. » (sic.)…

Ce sont ces pratiques commerciales de fourniture de produits non demandés qui ont été clairement sanctionnées ici, le juge ayant parfaitement appliqué dans sa motivation les dispositions limpides de la directive et du Code de la consommation, qui précisent que lorsque le juge constate qu’un professionnel a fourni aux consommateurs des produits qu’il n’a pas demandés en lui faisant par ailleurs payer, cette pratique est considérée comme « déloyale en toutes circonstances », et donc formellement interdite.

Le juge s’est d’ailleurs payé, logiquement, le luxe de rappeler qu’il n’y avait pas besoin de déclarer cette pratique commerciale « interdite » comme je l’avais demandé par précaution, cette interdiction étant la conséquence naturelle d’une pratique considérée par la directive de 2005 comme étant « déloyale en toutes circonstances ». Chapeau bas, Monsieur le Juge, mais comprenez que deux précautions valent mieux qu’une, compte tenu du fait que des décisions aussi bien motivées sont rares. Je le retiens toutefois pour les prochains dossiers qui m’amèneront à vous revoir bientôt.

4. Pas de remboursement des logiciels applicatifs ?

Sur ce point précis, le juge de proximité a doublement débouté les demandeurs, en retenant :

Qu’il ressort des pièces du dossier qu’à l’exception du système d’exploitation, les autres logiciels installés sur l’ordinateur sont des versions pour lesquelles le client dispose de la possibilité d’accepter ou de refuser un contrat de licence ; Qu’il conserve la possibilité de désinstaller l’intégralité ceux-ci s’il ne souhaite pas les utiliser.

Il s’agit là d’une erreur d’appréciation de la part du juge, pour plusieurs raisons :

  • d’une part, parce que le consommateur n’a pas la possibilité d’accepter ou non le contrat de licence des logiciels applicatifs pour une raison informatique simple et imparable : si l’utilisateur n’accepte pas le contrat de licence du système d’exploitation, celui-ci ne s’installera pas sur le disque dur de la machine, de sorte qu’il n’aura aucun accès aux logiciels applicatifs qui sont installés dans le système d’exploitation lui-même, puisqu’il s’agit de leur hôte informatique indispensable.
  • d’autre part, comme le rappelle Monsieur Ghislain Poissonnier [7], magistrat spécialisé en droit de la consommation, parce que :

    « L’accord non vicié du consommateur (au sens des art. 1108 et suivants du Code civil) à la vente de produits ou de services liés et l’existence au contrat de clauses contractuelles défavorables au consommateur n’interdisent ni au consommateur de se prévaloir de la règle de la prohibition de la vente liée, étant observé que cette prohibition est d’ordre public (art. 6 du Code civil), ni au juge de relever d’office une telle règle (art. L. 141-4 du Code de la consommation). »

    En d’autres termes, même si le consommateur acceptait le contrat de licence (de l’OS ou des logiciels applicatifs), rien ne lui interdirait ensuite de demander l’annulation de ce contrat puisque son consentement a été extorqué au moyen d’une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de produits non demandés (et aussi de vente subordonnée). Admettre le contraire reviendrait à admettre des exceptions à la loi, qu’elle ne prévoit pas !

  • Enfin parce que, sur le même mécanisme, même si le consommateur efface tous les logiciels de son ordinateur (OS et donc par voie de conséquence, les logiciels applicatifs), il demeure que le constructeur les lui a fait payer ! L’opération d’effacement d’un logiciel (ou le refus de la licence) n’est donc pas de nature, seule, à satisfaire les dispositions de l’article L. 122-3 du Code de la consommation qui exigent que le professionnel doit rembourser intégralement le prix qu’il a perçu au moyen de la pratique commerciale de fourniture de produits non demandés.

 5. Post-scriptum et notes

Pour des raisons de confidentialité, l’autre décision n’est pas publiée. La condamnation est cependant identique dans la motivation et pratiquement identique dans le quantum (un peu supérieure).
Notes

[1cf. notamment : CA Pau, 8 juin 1995, Cass. crim., 2 nov. 2005, T. Corr. Montpellier, 17 juin 2008 et bien d’autres

[2Étude NetMarketShare, févr. 2012

[3Par exemple, le téléviseur K91 de…. Lenovo (oui, vous avez bien lu…) est le premier conçu sous Androïd 4.0, la dernière version d’Androïd dit « Ice Cream Sandwich »

[4Le consommateur est-il pieds et poings liés à son logiciel ? Focus par Jean-Philippe FELDMAN
professeur agrégé des facultés de droit de Paris : Revue Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, Lexisnexis

[5En se substituant d’ailleurs maladroitement aux intentions profondes des consommateurs en affirmant que « les consommateurs positionnés sur ce marché entendent acquérir un ordinateur en état de fonctionnement.« , Semaine juridique, Édition générale n° 27, juin 2009

[6CJCE, 23 avr. 2009 : C-261/07 et C-299/07 Total Belgium NV et Galatea BVBA ¢ Sanoma Magazines Belgium NV ; 14. Cass. civ. 1re, 15 novembre 2010 (arrêt n° 995 pourvoi n° 09-11.161), contre Juridiction de Proximité de Tarascon, 20 nov. 2008 : Aff. Pétrus ¢ Lenovo France

[7G. Poissonnier : « Nécessité d’une information spécifique du consommateur en cas de vente d’un ordinateur avec un logiciel intégré », note sous Jur. Prox. Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, Vermel ¢ SA Dell, Gaz. Pal. 14 au 18 août 2011, n° 226 à 230, p. 14, 16736

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Pétrus vs Lenovo : la fourniture de logiciels non demandés est une pratique commerciale déloyale

jurisprudanceLe 15 novembre 2010, la Cour de cassation rendait l’arrêt le plus intéressant en matière de pratiques commerciales des fabricants de matériel informatique.

La Cour Suprême retenait que la vente subordonnée de l’article L. 122-1 du Code de la consommation était prohibée si les circonstances qui l’entouraient constituaient une pratique commerciale déloyale au regard des critères clairement posés par la directive 2005/29 du 11 mai 2005.

Elle censurait totalement la décision du juge de proximité de Tarascon et renvoyait l’examen de l’affaire vers la juridiction de proximité d’Aix-en-Provence qui a rendu son délibéré le 9 janvier 2012. Quel est-il ?

Commentaire par Maître PROVOST, avocate, et conclusion par Maître CUIF, avocat.


Pour un historique judiciaire détaillé dans l’affaire opposant Monsieur Pétrus à la société LENOVO, il est renvoyé au commentaire sur l’arrêt du 15 novembre 2010.

Après avoir fait un bref rappel des faits et du jugement de la juridiction de proximité de Tarascon du 20 novembre 2008, le juge de proximité rappelle l’objet de sa saisine sur renvoi et la question à laquelle il doit répondre :

« Ayant formé un pourvoi contre ce jugement, la Cour de cassation par arrêt du 15 Novembre 2010 […] renvoya l’affaire devant notre juridiction estimant qu’il n’avait pas été recherché si la pratique commerciale dénoncée entrait dans les dispositions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales. »

1. Rappel des prétentions.

Monsieur Pétrus avait d’abord fait valoir à titre principal que le fabricant s’était livré à une pratique commerciale de fourniture de produits non demandés, en l’espèce des logiciels préchargés, dont il avait exigé le paiement de sa part et qu’elle constituait une pratique commerciale déloyale « en toutes circonstances » interdite tant par la directive 2005/29/CE que par le Code de la consommation.

Subsidiairement, pour le cas où la pratique commerciale de vente forcée ne serait pas retenue par le juge, Monsieur Pétrus soutenait que cette pratique du fabricant, telle qu’elle était pratiquée en l’espèce, constituait une pratique commerciale de subordination de vente déloyale et totalement interdite.

Les arguments de la société LENOVO s’articulaient principalement autour du consentement de Monsieur Pétrus qu’elle estimait éclairé et non vicié, puisque selon elle, il avait choisi un modèle prééquipé de logiciels en connaissance de cause, qui était de surcroît destiné aux entreprises et non aux particuliers. Elle prétendait donc que Monsieur Pétrus faisait une « confusion entre la vente liée de produits distincts et séparés et la vente de produits complexes composés d’un ensemble de composants indispensables à la définition du produit telle que voulue par le constructeur ».

Elle ajoutait et qu’en toute hypothèse, à l’instar d’une voiture avec ses pneus ou sa climatisation, le matériel ne pouvait pas fonctionner sans les logiciels et que la demande de Monsieur Pétrus tendant à se faire rembourser la somme de 404,81 € était excessive puisqu’elle revenait à se faire rembourser la plus grande partie du prix d’acquisition de la machine qui avait coûté 597 €.

Enfin, Lenovo a rappelé que selon elle, il n’appartenait pas au juge de réglementer la vie économique et que le problème incombait au législateur qui avait refusé de voter dans le sens indiqué par le demandeur le 6 juillet 2011.

2. Motifs de la décision.

Le juge a d’abord rappelé les circonstances de l’achat de l’ordinateur : Monsieur Pétrus avait demandé à faire l’acquisition du seul matériel, ce qui s’était révélé impossible parce que les logiciels étaient préinstallés, et que lors de la mise en marche du matériel, il n’avait pas eu d’autre choix que d’accepter l’installation du système d’exploitation ou se faire rembourser l’intégralité de son achat par LENOVO.

De ces circonstances de la vente, la décision du juge s’articule autour de deux points : la distinction matériel logiciels et les pratiques commerciales déloyales qui en découlent.

2.1. Le matériel et les logiciels sont des produits distincts.

Il s’agit d’une solution éprouvée et jugée à de nombreuses reprises, tant par la Cour de cassation que par de nombreuses juridictions du fond. Le juge de proximité d’Aix-en-Provence s’était d’ailleurs prononcé récemment en faveur de cette solution dans une affaire similaire opposant un consommateur au fabricant ACER [1], tout comme d’autres juridictions après lui [2].

Le matériel fait l’objet d’un contrat de vente qui confère à son propriétaire un droit absolu sur la chose dès qu’il en a payé le prix, alors que la fourniture d’un logiciel est une prestation de services qui ne confère qu’un droit d’usage sur le logiciel, ce que rappelle du reste clairement le contrat de licence du logiciel système d’exploitation.

S’il paraît presque invraisemblable de rappeler cette solution, tant la différence saute aux yeux, il s’agit néanmoins de l’argument principal soulevé par les constructeurs qui cherchent à faire juger que le matériel et les logiciels forment un « ensemble indissociable », un « produit unique », « technologique » encore une « offre commerciale globale ». LENOVO avait soutenu qu’il s’agissait d’un « ensemble de composants indispensables à la définition du produit ». Et le fait est que l’argument a pu séduire par le passé quelques juridictions, sans doute par méconnaissance de l’informatique, qui ont estimé du coup que les consommateurs ne pouvaient pas solliciter le remboursement des seuls logiciels.

Mais malgré la résistance des fabricants dans les procès, cette question n’est aujourd’hui plus sérieusement contestable. Et quoi qu’il en soit, le caractère sophistiqué d’un lot de produits n’autorise pas le professionnel à s’affranchir des dispositions précises de la directive du 11 mai 2005 ou du Code de la consommation relatives à l’information sur les caractéristiques essentielles des produits et leurs prix, ou de la réglementation spécifique en matière d’affichage du prix des produits vendus par lots.

Avec humour et répondant en cela à l’argumentation de la société LENOVO qui avait soutenu que les logiciels étaient aussi peu dissociables de l’ordinateur que les pneus ou la climatisation d’une voiture, le juge de proximité précise que l’analogie n’est pas exacte et reviendrait en réalité à fournir un chauffeur lors de l’achat de la voiture…

2.2. Sur les pratiques commerciales déloyales de la société LENOVO

Le juge retient :

« Attendu certes que l’appareil objet du litige sur lequel étaient installés un système d’exploitation et des logiciels de la société Microsoft, pouvait intéresser une clientèle particulière mais qu’aucune caractéristique technique ne s’opposait à ce que d’autres y soient implantés et notamment ceux que souhaitait le requérant.

Attendu donc qu’il ne pouvait lui être imposé d’adjoindre obligatoirement Windows Vista à un type d’ordinateur dont les spécifications propres mais uniquement matérielles avaient dicté son choix ;

Attendu en définitive qu’il est ainsi constaté que la Sas LENOVO a contrevenu aux dispositions de l’article L122-1 du code de la consommation qui en l’espèce satisfait aux prescriptions de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, notamment à l’article 29 de son annexe 1, relative aux pratiques commerciales déloyales  »

Le juge déduit des circonstances de la vente que la société LENOVO s’est bien livrée à une pratique commerciale de subordination de vente déloyale au sens de la directive du 11 mai 2005 notamment en ce qu’elle s’apparente à une vente forcée au sens du paragraphe 29 de son annexe 1.

Il faut avouer que si cette motivation n’est pas claire, bien trop laconique et que le juge de proximité a omis de statuer sur un bon nombre de demandes présentées par Monsieur Pétrus à l’issue des débats, il demeure que le principe est acquis : imposer aux consommateurs de payer des logiciels qu’ils n’ont pas choisis ni demandés, au seul prétexte qu’ils sont préchargés par le fabricant, constitue une pratique commerciale de vente forcée déloyale en toutes circonstances au sens du paragraphe 29 de l’annexe 1 de la directive (qui fait partie de la liste « noire » des pratiques commerciales) et une vente subordonnée également contraire à la directive.

Le juge de proximité fait donc droit à la demande de remboursement de Monsieur Pétrus, ce qui est tout à fait légitime et parfaitement conforme aux dispositions du Code de la consommation invoquées au cours des débats. Il est regrettable que le juge ait fait droit à la demande sans détailler ce point et son fondement textuel.

2.3. Sur les demandes financières.

Monsieur Pétrus avait demandé la condamnation de LENOVO à lui payer une somme de 404,81 € en 2008 devant la juridiction de proximité de Tarascon. Cette somme n’a pas été actualisée devant la juridiction d’Aix-en-Provence, mais elle a été étayée et qualifiée. En effet, Monsieur Pétrus demandait que lui soit indiqué le prix des logiciels pour pouvoir en solliciter le remboursement. À défaut, il demandait la condamnation de LENOVO à lui payer une indemnité forfaitaire dont le quantum était susceptible de correspondre au prix des logiciels par comparaison avec les prix publics habituellement pratiqués en la matière.

Sans tenir compte du fait que le prix des logiciels n’avait pas été indiqué par LENOVO, le juge a estimé que la somme sollicitée était trop importante. Alors que Monsieur Pétrus avait établi que le prix des logiciels pouvait représenter plus de 30 % du produit global, il s’est calé sur une fourchette plus basse, notamment celle qui a été prise en compte par la Cour d’appel de Versailles dans son arrêt du 5 mai 2011, soit entre 10 et 25 % du prix global [3].

LENOVO est donc condamné à payer à Monsieur Pétrus une somme de 120 €.

Le juge de proximité a aussi condamné la société LENOVO à lui payer une somme de 800 € à titre de dommages et intérêts. Ces condamnations à des dommages et intérêts sont de plus en plus fréquentes, principalement parce que les fabricants s’obstinent à refuser de procéder à un véritable remboursement des logiciels préchargés et que les consommateurs n’ont aujourd’hui qu’une seule possibilité pour faire valoir leurs droits : faire un procès !

Enfin, au titre des frais de procédure, le juge de proximité accorde à Monsieur Pétrus une somme de 1.000 €.

3. Quelle conclusion pour cette affaire ?

Il s’agit d’une décision qui va dans le bon sens, celui des consommateurs.

Cependant, la motivation adoptée est décevante et bien trop laconique pour le professionnel que je suis. Le jugement est aussi atteint de plusieurs omissions de statuer au regard des demandes qui ont été présentées. Il est regrettable que le juge de proximité n’ait pas fait l’effort de motiver solidement sa décision, surtout qu’il s’agissait d’un renvoi de cassation et qu’il avait été averti de l’importance du sujet et du fait que sa décision était très attendue.

J’ajoute, s’agissant de la distinction entre le matériel et les logiciels, que la réglementation sur les ventes par lots ne concerne plus seulement les yaourts ou les lots de casseroles, n’en déplaise à certains membres du ministère de l’économie des finances et de l’industrie avec qui je suis en discussion sur ces questions, et que les logiciels ont bien unprix public identifié totalement dissimulé par le fabricant après avoir été préchargés dans le matériel, puisqu’ils sont l’un des éléments dissociables d’un lot de produits distincts. Prétendre en plus que la DGCCRF contesterait ce point revient à avouer qu’il y a un refus du ministère de prendre parti sur cette question…

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L’illustration est de Michel Cadiou, il l’a appelée « La justice sur le fil » Merci beaucoup Michel !


Notes

[1Jur. prox. Aix-en-Provence, 17 fév. 2011 : Perrono ¢ Acer

[2cf. notamment CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011 : UFC-Que Choisir ¢ SAS Hewlett Packard France & association de droit du marketing ; Jur. prox. Toulouse, 20 mai 2011 : aff. Vermel ¢ S.A Dell

[3CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, préc.

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