Aujourd’hui, je vous propose une étude sommaire sur la « clause d’échelle mobile » dans les baux commerciaux.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de l’indexation du montant du loyer. En effet, de manière alternative à la révision triennale du loyer prévue par le Code de commerce, de plus en plus de baux commerciaux insèrent une clause d’indexation du loyer, dite « clause d’échelle mobile ».
Elle permet de faire varier le montant du loyer selon une périodicité qui est libre, qui est généralement annuelle. Cette clause est typiquement contractuelle et ne peut être appliquée que si le bail commercial la prévoit en termes clairs. Il faut également prévoir son automaticité pour que son application annuelle ne pose pas de difficultés.
Elles sont admises par la jurisprudence depuis plusieurs années étant précisé que la variation de l’indice peut faire augmenter comme diminuer le montant du loyer et toute clause qui ne prévoirait qu’une augmentation serait réputée non écrite.
Le choix de l’indice de variation
Les indices sont ceux mentionnés à l’article L. 145-38 du Code de commerce applicables pour le plafonnement du loyer à l’occasion du jeu de la révision triennale, à savoir l’indice des loyers commerciaux (ILC), applicables au commerçant et artisans ou l’indice des loyers des activités tertiaires (ILAT), applicables notamment aux activités tertiaires.
Ces indices ne peuvent être choisis que s’ils sont applicables à l’activité exercée dans les lieux loués.
L’indice trimestriel du coût de la construction (ICC) qui servait autrefois de référence a été supprimé par la loi Pinel du 18 juin 2014, le législateur ayant introduit dans l’article L. 145-35 du Code de commerce les deux nouveaux indices de référence précités.
Les parties n’ont pas le choix du trimestre de l’indice, car les règles de révision sont d’ordre public. De ce fait, le bail commercial ne peut prévoir que la révision s’effectuera « en fonction du dernier indice connu lors de la prise d’effet du bail ». En effet, il est obligatoire de retenir l’indice du trimestre en cours de la demande et de la dernière fixation du loyer. Les preneurs devront alors régler un rattrapage de loyer, car l’indice du trimestre en cours ne sera pas connu lors de la demande de révision puisqu’il est publié après. Si la plupart du temps les parties décident d’appliquer le dernier indice connu, il convient alors de préciser qu’une régularisation interviendra après la parution de l’indice de l’INSEE.
Le rappel des loyers
Lorsqu’une clause d’échelle mobile n’a pas été appliquée par le bailleur, peut-on considérer que cette clause n’a pas joué et que la révision annuelle est réputée abandonnée ?
A priori, la jurisprudence répond par la négative. Dans un arrêt ancien de la 3e chambre civile du 17 avril 1991, la Cour de cassation a retenu :
» Mais attendu que la cour d’appel a légalement justifié sa décision en retenant, par motifs propres et adoptés, que la clause prévoyant le réajustement annuel du loyer s’appliquait de plein droit sans être subordonnée à une manifestation de volonté du bailleur et que le seul fait que les époux F… n’aient pas réclamé le montant des augmentations, dès leur prise d’effet n’impliquait pas de leur part une renonciation à se prévaloir de la clause d’indexation ;
PAR CES MOTIFS ; REJETTE le pourvoi »
Et quel est l’indice de référence dans le cas où l’indexation n’a jamais été appliquée ? Dans un arrêt du 15 mars 2017, la Cour d’appel de Paris répond qu’il faut prendre en compte l’indice à la date non couverte par la prescription :
« La clause d’indexation contenue dans le contrat de bail commercial du 2 mai 1991 est ainsi libellée :
« Ce loyer est fixé pour la première période annuelle et sera révisable chaque année à la date du premier mai et pour la première fois le premier mai 1992. Lors de chaque révision du loyer, il sera fait application de la variation de l’indice du coût de la construction du troisième trimestre de l’année en cours par rapport au troisième trimestre de l’année précédente, étant entendu que l’indice de référence est le dernier connu à ce jour, c’est-à-dire celui du troisième trimestre 1990 qui s’élève à 956 ».Cette clause qui s’analyse comme une clause d’échelle mobile, puisqu’elle réunit les critères de périodicité, annuelle en l’espèce, et d’automaticité, le loyer étant automatiquement indexé en fonction d’un indice de base fixe, doit s’appliquer. En effet l’application d’un indice de référence fixe dans les clauses d’indexation n’est pas contraire aux dispositions d’ordre public de l’article L.112-1 du code monétaire et financier et ce, sous réserve que l’application de l’indexation ne puisse faire subir au loyer une variation d’indice supérieure à la durée s’écoulant entre chaque révision. Aucune révision automatique du loyer n’ayant eu lieu entre la signature du bail et le 1er mai 2009, date de révision annuelle non couverte par la prescription, le loyer n’est révisable qu’à compter de cette dernière date en fonction, non de l’indice de base (956) ce qui aboutirait à une distorsion prohibée entre la période de variation de l’indice et la période de révision en vertu de l’article L311-1 du code monétaire et financier, mais de l’indice applicable au 1er mai 2009 (…)«
La prescription de l’action qui s’applique à ce rappel est de deux ans conformément aux dispositions spéciales de l’article L145-60 du Code de commerce qui parle de « toutes les actions », donc celles visant à fixer le montant du loyer ou de la demande d’indexation, sans qu’il soit fait de distinction entre l’auteur des demandes (bailleur ou locataire).
Sont ainsi soumises à la prescription biennale :
- les actions en révision triennale du loyer (Cass. 3e civ., 1er juin 1988, n° 86-14.659) ;
- les actions en fixation du prix du bail renouvelé à l’initiative du bailleur (Cass. 3e civ., 28 février 1979, n° 77-13.394), ou du preneur (Cass. 3e civ., 20 octobre 2016, n° 15-19.940) ;
- les actions en paiement de l’indemnité d’occupation (Cass. 3e civ., 10 mars 2004, n° 02-16.548) ;
- ou encore, les actions en paiement d’une indemnité d’éviction (Cass. 3e civ., 18 décembre 2002, n° 01-11.189).
Mais attention, seule l’action se prescrit par deux ans. Si l’article L.145-60 du Code de commerce est explicite quant à son domaine d’application, l’action, il demeure silencieux sur le régime du délai de prescription qu’il instaure. Le recours au régime de droit commun de la prescription extinctive s’impose donc : l’arriéré de loyer se calcule au regard de la prescription de droit commun, soit 5 ans (art. 2224 du Code civil).
Par Frédéric CUIF | LX Avocats Bordeaux