L’incompétence des fournisseurs d’accès à internet « pro »

Il y a quelques temps, comme mes fidèles lecteurs me l’ont fait observer, je suis tombé en rade de site internet. Il s’agissait de l’expression la plus visible d’un problème plus profond lié à mes fournisseurs d’accès à internet. Loin de moi l’idée de vous raconter ma vie, mais ce billet est destiné à dénoncer l’escroquerie, le mensonge organisé, et l’incompétence devant laquelle se trouvent les professionnels face à leur fournisseur d’accès à internet.


La terre est bleue comme une « Orange »

Toute l’histoire commence avec Orange, il y a un peu moins de deux ans.

Pour mon changement de locaux, je me rapproche de l’opérateur pour connaître leurs offres dédiées aux professionnels. En boutique, je tombe sur des gens charmants, mais totalement incapables de me donner des renseignements sur les demandes que je leur formule. Pour ouvrir une ligne FT, il n’y a pas de soucis, mais dès qu’on commence à entrer dans les détails de l’offre, il n’y a plus personne. Pourtant, je ne demande rien de compliqué en soi à un professionnel : une IP fixe pour mon site, un fax par courrier électronique, de la téléphonie. Mais j’ai besoin de renseignements précis, notamment pour le fax : est-il limité en émission, combien de pages, combien de destinataires… en bref, des demandes que j’estime basiques lorsqu’on interroge un professionnel de la téléphonie et d’internet. Mais je n’obtiens aucune réponse.

Résigné, je demande donc qu’une personne du service technique prenne mon contact rapidement. J’ai attendu deux jours, cinq jours, quinze jours… Personne ne m’a jamais rappelé.

Angoissé par le service après-vente qui me serait certainement offert face à un service avant-vente aussi catastrophique, je décide de me contenter de mon ouverture de ligne et d’aller voir si le ciel est plus bleu chez Bouygues Télécom.

En conclusion, Orange vante la qualité de ses offres pro à la télévision en indiquant : « Vous êtes actifs, nous aussi ». C’est incontestablement mensonger et je vous en reparlerai à la fin de ce billet.

Bouygues, un bon challenger… qui chute bien rapidement.

(suite…)

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« Nécessité d’une information spécifique du consommateur en cas de vente d’un ordinateur avec un logiciel intégré. »

Commentaire deJustice symbol glossy button la décision du Juge de proximité de Toulouse dans la Gazette du Palais.

Avec l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 5 mai 2011, la décision du juge de proximité de Toulouse est à ce jour la seule décision qui déclare la pratique commerciale de vente subordonnée, telle qu’elle est pratiquée actuellement, déloyale.

Sommaire de la Gazette du Palais


Le commentaire est de Monsieur Ghislain Poissonnier, magistrat spécialisé dans le droit de la consommation et auteur de plusieurs ouvrages sur le sujet.

Il s’intitule « Nécessité d’une information spécifique du consommateur en cas de vente d’un ordinateur avec un logiciel intégré » (note sous Jur. Prox. Toulouse, 20 mai 2011, n° 91-09-000641, Vermel vs SA Dell, Gazette du Palais du 14 au 18 août 2011, n° 226, p. 14, 16736).

On se rend bien compte, à la lecture de cet article, qu’une loi supplémentaire ne serait pas utile en cette matière, tant il existe de dispositions législatives et réglementaires, au niveau national ou au niveau Européen, favorables aux consommateurs. Une loi ne ferait qu’alourdir ou rendre plus confuses les dispositions actuelles qui régissent d’ailleurs tous les rapports entre les professionnels et les consommateurs et pas seulement « le microcosme des ventes subordonnées ». Il suffit de faire appliquer la loi !

[(Malheureusement, le lien vers le pdf n’est plus accessible, les éditions lextenso m’ayant indiqué qu’ils n’autorisaient pas la reproduction de leurs publications. Voici donc des extraits ponctués de mes commentaires. Les renvois sont de l’auteur.)]


« I Un ordinateur et un logiciel constituent des produits différents.

Les distributeurs qui commercialisent auprès du grand public des ordinateurs les vendent avec des logiciels, le plus souvent de Microsoft. Ils profitent de la vente de l’ordinateur pour imposer la vente de logiciels, qui sont préinstallés et qui sont facturés dans le prix global au consommateur. Les conditions générales de ventes de ces distributeurs n’offrent pas au consommateur la possibilité de choisir les logiciels en question et de les refuser, l’acquisition d’un ordinateur nu étant impossible.

Le procédé présente un double danger pour le consommateur. Ce dernier est, en premier lieu, obligé d’acquérir deux produits, le forçant à un achat inutile ou à un choix biaisé, alors qu’il peut seulement avoir besoin de l’un d’entre eux ou avoir besoin de deux produits mais avec des caractéristiques différentes. Les offres proposées, qui consistent en un jumelage de deux produits dont il est fait un lot indivisible [1], heurtent la liberté du consommateur d’acheter ou non les logiciels préinstallés et son droit d’acheter ou non d’autres logiciels que ceux préinstallés. Et le consommateur a souvent, en second lieu, la croyance qu’en achetant par lot, le prix sera moins élevé. Or, l’avantage-prix n’est pas constitutif de la vente par lot et il peut se faire que le prix du lot soit moins avantageux que le prix du bien acheté à l’unité ou séparément. Là encore, s’agissant des logiciels préinstallés, le consommateur à qui le vendeur a imposé le choix des logiciels est bien en peine de faire jouer la concurrence et de comparer les prix. Cette situation est d’autant plus préjudiciable pour le consommateur qu’il existe sur le marché plusieurs types de logiciels à des prix différents correspondant à des besoins différents du consommateur et qu’en outre certains de ces logiciels sont gratuits. En outre, l’informatique a connu de progrès en termes d’ergonomie que la plupart des personnes sachant utiliser un ordinateur sont désormais capables d’installer eux-mêmes le système d’exploitation et les logiciels de base de leur choix [2]. Il en est ainsi des logiciels souvent gratuits comme Linux, logiciels libres ou « open source », c’est-à-dire des logiciels dont l’architecture interne est partagée et diffusée librement et gratuitement. Contrairement aux logiciels propriétaires, les logiciels libres, reconnaissent aux personnes acceptant la licence, une grande liberté d’utilisation et de modification par la diffusion du code source. Ces logiciels libres autrefois hors de portée de l’utilisateur non averti ont connu de rapides progrès et se sont aujourd’hui démocratisés. L’intérêt objectif du consommateur est donc bien d’empêcher les fabricants de l’« obliger » à acheter un ordinateur « tout compris ».

Des associations comme l’UFC-Que Choisir et l’AFUL (Association francophone des utilisateurs de logiciels libres) invitent leurs adhérents à intenter des recours auprès des juges de proximité contre les fabricants ou les vendeurs d’ordinateurs, afin d’obtenir le remboursement du prix des logiciels vendus préinstallés dans les ordinateurs. Pour en obtenir le remboursement, les requérants se fondent sur l’article L. 122-1 du Code de la consommation, celui-ci posant une interdiction des ventes liées (dénommées dans le Code de la consommation « ventes subordonnées », mais appelées aussi « ventes par lot » ou « ventes jumelées » ou encore « offres conjointes » pour reprendre le terme retenu par le droit communautaire). Cette disposition, qui figure dans une section du Code de la consommation dédiée aux « refus et subordination de vente ou de prestations de services », dans un chapitre consacré aux « pratiques commerciales illicites », prohibe, par dérogation au droit commun, le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’un autre produit. Il s’agit d’une prohibition visant à protéger l’intégrité du consentement du consommateur à l’achat. Ce texte s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris financiers, destinés aux consommateurs et donc bien évidemment à la vente d’ordinateurs et de logiciels.

Toutefois, l’application de cet article suppose que l’ordinateur et le logiciel soient considérés comme des éléments distincts ne formant pas un même produit. Or, il ne semble pas y avoir unanimité tant au sein de la doctrine que de la jurisprudence sur le fait qu’un ordinateur et un logiciel préinstallé doivent être vus comme des produits différents. En effet, une partie de la doctrine et certains arrêts, considèrent que l’ordinateur et le logiciel constitueraient un bien unique comme dans l’exemple d’un véhicule et de ses pneus ou du vin et de sa bouteille. Se fondant sur le critère de la fonctionnalité du produit, ils soulignent qu’il est normal que tout ce qui est nécessaire à la production de la fonction pour laquelle le produit est mis sur le marché soit considéré comme en faisant partie intégrante. »

S’agissant d’une partie de la doctrine ou de certaines jurisprudences, peu nombreuses, qui ont pu assimiler le matériel et les logiciels en un seul et même produit, les motivations sont assez surprenantes. Elles évoquent souvent, de manière générale, le fait que le matériel ne fonctionnerait pas sans système d’exploitation. Mais c’est notamment oublier qu’il n’existe pas qu’un seul système d’exploitation dans le paysage informatique, mais plusieurs centaines, de sorte que la question qui se pose en réalité n’est pas celle du critère fonctionnel d’une certaine interdépendance entre le matériel et les logiciels, mais d’une pratique commerciale qui consiste à forcer la vente d’un seul d’entre eux, sans que le consommateur ne l’ait jamais demandé. Certaines décisions qui ont retenu ce critère exclusivement fonctionnel sont même aberrantes, notamment lorsqu’elles ont retenu, en substance, qu’installer un OS Linux sur un ordinateur était compliqué [3]… en prenant pour base un ordinateur déjà préinstallé d’un OS Windows, ce qui oblige à une étape de partitionnement compliquée pour un néophyte, alors que tout est différent lorsque la préinstallation est faite à partir d’un disque dur vierge (comme c’est le cas lorsque le constructeur précharge l’image dans le disque).


« Les fabricants d’ordinateurs cherchent à exploiter cette incertitude juridique. Ils ont ainsi inséré dans leurs conditions générales de vente une clause indiquant que le produit vendu au consommateur est un bien unique qui comprend nécessairement un ou des logiciels. S’appuyant sur cette définition, leurs conditions générales de vente contiennent une clause subséquente prévoyant que le refus par le client du contrat de licence du logiciel ne peut entraîner que le remboursement total du produit (après sa restitution) et non son remboursement partiel correspondant à celle de la valeur du logiciel (sans restitution). Dans les contentieux qui les opposent aux consommateurs, les vendeurs s’appuient sur la lettre du contrat et avancent ainsi que l’accord des parties se fait sur un type d’ordinateur complet et prêt à l’emploi, doté de logiciels, le consommateur, une fois l’acquisition effectuée, conservant la possibilité de se faire rembourser la marchandise dans sa globalité. Hélas, cet argument emporte parfois la conviction du juge [4]. Dans l’espèce soumise au juge de proximité de Toulouse, la société Dell appuyait d’ailleurs sa défense sur le contenu de ces conditions générales de vente. Toutefois, le juge, au visa de l’article 12 du CPC, prenait la peine de vérifier si ces conditions générales de vente n’étaient pas abusives au sens de l’article L. 132-1 du Code de la consommation.

Or, il considérait, à juste titre à notre avis, que l’ordinateur et les logiciels sont des produits différents dans leur nature : d’un côté, il s’agit de « matériel informatique », d’un produit industriel, d’une marchandise, d’un « bien corporel » et de l’autre, il s’agit d’une « prestation de service », d’un produit immatériel, d’une « œuvre de l’esprit », d’un « bien incorporel », pour reprendre des expressions utilisées soit par le jugement du 20 mai 2011, soit par la jurisprudence de la Cour de cassation. Il notait également qu’un ordinateur et qu’un logiciel relèvent de régimes juridiques différents : le premier fait l’objet d’un contrat de vente qui confère au propriétaire un droit absolu sur la chose vendue, tandis que le second fait l’objet d’un droit d’usage, concédé à l’acheteur sous la forme d’un contrat de licence.  Dès lors, « en adoptant dans ses conditions générales de vente des clauses dont la formulation assimile artificiellement, aux yeux du consommateur, matériel et les logiciels et qui ont pour effet de paralyser le droit au remboursement de ces logiciels par les consommateurs, contraints de les payer sans les avoir commandés », la société Dell avait créée un déséquilibre flagrant et significatif aux droits des consommateurs au sens de l’art. L. 132-1 du Code de la consommation. En relevant une clause abusive dans les conditions générales de vente, le tribunal replace les parties dans une situation d’équilibre qui correspond à la réalité du contrat conclu, qui restera applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives.

Si le raisonnement du tribunal nous paraît cohérent, il n’en demeure pas moins que la démarche adoptée n’était peut-être pas indispensable pour aboutir à un résultat identique. En effet, le fait que le consommateur a consenti à la vente liée dans un premier temps, pour en demander l’annulation partielle un deuxième temps, et le fait que le consommateur a signé les conditions générales de vente ne changent rien au fond. L’accord non vicié du consommateur (au sens des art. 1108 et suivants du Code civil) à la vente de produits ou de services liés et l’existence au contrat de clauses contractuelles défavorables au consommateur n’interdisent ni au consommateur de se prévaloir de la règle de la prohibition de la vente liée, étant observé que cette prohibition3 est d’ordre public (art. 6 du Code civil), ni au juge de relever d’office une telle règle (art. L. 141-4 du Code de la consommation).

II La vente liée d’un ordinateur et d’un logiciel constitue une pratique commerciale déloyale.

Le droit français de la consommation évolue sous l’influence du droit communautaire qui a largement contribué à la modification des textes de droit interne français au cours de ces dernières années. Le droit de la vente liée, qui entre dans le champ d’application de la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis à vis des consommateurs dans le marché intérieur, n’échappe pas à cette tendance. La directive du 11 mai 2005 a été transposée dans notre droit interne par la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, sans modification de l’article L. 122-1 du Code de la consommation. Toutefois, la CJUE a affirmé à plusieurs reprises (pour les ventes liées mais aussi pour les ventes avec prime et les loteries publicitaires) que seules les trente et une pratiques commerciales énumérées de façon exhaustive dans la liste noire de l’annexe I de la directive 2005/29 peuvent être présumées déloyales « en toutes circonstances ». Or, les ventes liées ne figurent pas dans la liste de l’annexe I de la directive. Dans les autres cas, comme l’indique la CJCE, il revient au juge procéder « à l’analyse, devant être nécessairement menée au regard du contexte factuel de chaque espèce, du caractère déloyal d’une pratique commerciale à la lumière des critères énoncés aux articles 5 à 9 de la directive, lorsqu’il s’agit (…) d’une pratique non visée à l’annexe I de celle-ci » [5].
Ainsi, les ventes liées ne doivent être considérées comme des pratiques déloyales (et donc illégales) que si cette déloyauté est démontrée, à l’issue d’une évaluation au cas par cas, sur la base des critères définis par les dispositions des articles 5 à 9 de la directive.

Dans la mesure où ce texte impose une harmonisation complète (les gouvernements des États membres ne peuvent pas adopter des mesures nationales plus restrictives que celles définies par la directive, même s’il s’agit d’assurer une protection plus importante pour les consommateurs), la Cour en a déduit que toute interdiction générale et préventive de la vente liée posée par la législation nationale est contraire aux exigences communautaires. De telles pratiques commerciales ne peuvent être sanctionnées qu’à la condition que soit prouvé leur caractère déloyal, ce qui impose de mener une analyse in concreto de la situation au regard de son contexte factuel. Or, l’article L. 122-1 du Code de la consommation prescrivant une interdiction absolue et de principe des ventes liées, ce texte se devait d’être modifié (tout comme ceux relatifs aux loteries publicitaires et aux ventes avec prime). La Cour ce cassation avait d’ailleurs très vite emboité le pas de la CJUE en jugeant que la pratique de la vente d’ordinateurs avec logiciels préinstallés devait être contrôlée au regard de l’article L. 122-1 mais interprété à la lumière des critères posés par la directive du 11 mai 2005. Elle invitait clairement le juge du fond à s’interroger sur les circonstances entourant la vente pour apprécier si elles engendrent ou non un déséquilibre significatif au détriment du consommateur dans ses rapports contractuels avec les assembleurs.

C’est en ce sens que l’article 45 de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit complète les dispositions du Code de la consommation pour préciser qu’une vente liée est illicite « dès lors que cette subordination constitue une pratique commerciale déloyale au sens de l’article L. 120-1 [du Code de la consommation] », cette dernière disposition reprenant les critères des articles 5 à 9 de la directive.
Le droit français prévoit donc désormais une interdiction au cas par cas et c’est au juge, sur délégation du législateur, qu’il revient d’assurer la police des pratiques commerciales. Il devra, pour ce faire, apprécier les circonstances propres à chaque cas d’espèce selon les critères posés par la loi [6]. C’est exactement la démarche in concreto suivie par la juridiction de proximité de Toulouse dans son jugement du 20 mai 2011. Il rappelle qu’une pratique commerciale déloyale est définie par la réunion de deux conditions cumulatives : la contrariété aux exigences de la diligence professionnelle et une altération substantielle du comportement économique du consommateur moyen. Or, en l’espèce, la société Dell a proposé volontairement un lot dont l’achat n’a pas été effectué en connaissance de cause par le consommateur : le prix du lot n’était pas ventilé entre le matériel et le logiciel ; et les modalités de la vente, prévoyant l’impossibilité de renoncer au logiciel préinstallé (le consommateur « n’a pu supprimer de la liste du matériel les logiciels préinstallés, car aucune option ne lui permettait de la faire et alors même qu’il est possible d’exploiter les ordinateurs au moyen de logiciels gratuits, ce qui évidemment en réduit le coût » note le jugement) et de se faire rembourser le prix dudit logiciel, ont pour effet de contraindre de manière quasi-directe le consommateur à conserver le logiciel. Ainsi, en proposant un lot ordinateur-logiciel dans les conditions contractuelles très rigides et défavorables à l’acheteur, la société Dell a à la fois manqué à son obligation de diligence professionnelle et altéré de manière substantielle le comportement économique du consommateur, diminuer en particulier son aptitude à prendre une décision en toute connaissance de cause.

La motivation retenue est concise, peut-être trop (il aurait été possible notamment d’élaborer un peu plus sur le fait que les éléments soumis au juge permettent de considérer que le professionnel a manqué à son obligation d’information et à celle de conseil vis-à-vis du consommateur), mais elle résume bien la situation imposée au consommateur : en vendant ensemble, ordinateur et logiciel, sans laisser au consommateur la liberté, ni de choisir son système d’exploitation, ni d’acheter l’ordinateur seul, le vendeur adopte une pratique commerciale qui porte atteinte à l’intégrité du consentement du consommateur à l’achat. Le sens de la décision rejoint celle du 27 août 2009 rendue par le juge de proximité de Lorient : dans cette affaire, un consommateur avait acheté un ordinateur portable de marque Asus sur lequel était préinstallé un système d’exploitation Microsoft Vista. Ne désirant pas garder le logiciel, le client avait demandé au constructeur son remboursement, le constructeur lui imposant de retourner la machine. Visant la directive n° 2005/29/CE du 11 mai 2005 et sanctionnant les pratiques commerciales de la société Asus estimées « contraires aux exigences de la diligence professionnelle » et aboutissant à une « altération du comportement du consommateur », le jugement retenait que l’absence de distinction au moment de la vente entre le prix du matériel et celui des logiciels couplé au silence observé par le constructeur sur ce point ou sur les modalités de remboursement, privait abusivement le consommateur d’un choix éclairé.

Toutefois, dans cette dernière décision de Lorient, le juge n’avait pas expressément déclaré déloyales les pratiques commerciales du constructeur Asus. Les sanctions légales n’avaient donc pas non plus été appliquées.

Et Ghislain Poissonnier termine en indiquant :

Le jugement du 20 mai 2011 va contribuer à mettre fin à un courant jurisprudentiel défavorable aux consommateurs et inviter les juges du fond à s’intéresser de manière concrète aux pratiques commerciales déloyales de nombreux distributeurs informatiques.

…En espérant que dans les prochaines décisions, les sanctions des pratiques commerciales déloyales seront appliquées.

Pour aller plus loin :


Notes

[1] La prohibition tombe lorsque le consommateur a la faculté d’obtenir chaque élément du lot séparément. Mais alors, dans ce cas, pour chaque élément doivent être affichés le prix et la composition du lot, ainsi que le prix de chaque produit composant le lot

[2] Il ne semble plus possible de dire qu’il est « de l’intérêt du consommateur d’avoir un système d’exploitation préinstallé, dès lors qu’il n’est ni contesté ni contestable que pour la grande majorité des consommateurs il serait impossible ou pour le moins très difficile et sans doute onéreux de procéder à cette installation » : TGI Paris, 24 juin 2008 : JCP G 2008, p. 10185, note P. Stoffel-Munck.

[3] UFC Que-Choisir vs Darty & Fils, TGI de Paris, 24 Juin 2008

[4] Jugement de la juridiction de proximité de Tarascon du 20 novembre 2008, qui déboute le consommateur sur le fondement du principe de la force obligatoire des contrats. Ce jugement a finalement été cassé par la Cour de cassation : Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, no 09-11161, LPA, 21 mars 2011 n° 56, P. 8 note E. Ay ; Gaz . Pal. 16-17 février 2011, n°47 à 48, p. 19, note G. Poissonnier ; Contrats. Conc. Consom. 2011, n°9, obs. M. Malaurie-Vignal.

[5] point 65 de CJCE, 23 avr. 2009, C-261/07 et 299/07, VTB-VAB NV c/ Total Belgium NV et Galatea BVBA c/ Sanoma Magazines Belgium NV.

[6] Les professionnels ont ainsi gagné en liberté, mais celle-ci demeure surveillée compte tenu du risque de sanction prononcée par le juge. Pareille approche, si elle est gage de flexibilité, permettra-t-elle d’assainir les pratiques commerciales ? Cela suppose d’éprouver l’effectivité – pour l’heure douteuse – d’un tel contrôle a posteriori…

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Arrêt des services….

occhio informaticoComme nombre d’entre vous l’on constaté et je remercie mes lecteurs assidus de m’avoir écrit pour me le signaler, le site est tombé en rade samedi 24 septembre 2011, le jour de mon changement de fournisseur d’accès à internet.

Après être venu ce samedi à mon cabinet, notamment pour renseigner les translations de port NAT la redirection de mon IP chez Gandi, ce qui ne devait, théoriquement, entraîner qu’une interruption du site de 20 minutes tout au plus, tout a planté dès le lendemain lorsque j’ai découvert que ma nouvelle box « pro » (mensonge…) n’avait pas d’ip fixe ! Résultat, plus de routage du nom de domaine sur mon adresse IP.

S’agirait-il des joies de l’auto-hébergement ? Non, c’est la colère contre le mensonge et les tromperies des offres soi-disant « pro » des FAI (SFR pro, en l’espèce) qui ne sont qu’un déguisement des offres grand public, puisqu’elles n’apportent strictement rien de plus.

Aujourd’hui, les choses sont rétablies et tout le site est passé sur un hébergement professionnel avec un gros débit.

Je ne vais pas m’étendre plus que cela, pour l’instant, sur la totale incompétence de Bouygues Télécom pro et celle, bien pire, de SFR Pro à qui j’ai eu le malheur de confier mon accès internet en pensant naïvement que mes soucis de fax avec Bouygues seraient derrière moi, car tout cela fera l’objet d’un un billet séparé et détaillé.

Toutes mes excuses pour cette interruption involontaire des services.

Les questions sur les ventes subordonnées reprennent donc le dessus, avec le scandaleux amendement 432 proposé par Monsieur Tardy, dont la rédaction est tout simplement une honte juridique, puisqu’il piétine allègrement un grand nombre de règles et d’interdictions posées par le Code de la consommation qui sont actuellement favorables aux consommateurs. Je vous invite à lire sur ce sujet le communiqué de presse de l’AFUL qui invite bien évidemment à rejeter cet amendement, de même que le 308 qui n’est pas mieux rédigé.

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Le RPVA et Linux, la suite.

rpva2-ebarreau-siteDans un précédent billet consacré au RPVA, j’avais émis des doutes sur l’interopérabilité de cette appli web payante imposée par la Chancellerie avec les systèmes GNU/Linux. Quelques mois après des échanges avec mon Bâtonnier, et les échanges que ce dernier a lui-même mené avec le CNB, voici les avancées.

Je ne suis pas expert en informatique, le texte peut donc comporter des erreurs. Que mes lecteurs veuillent bien m’en excuser par avance et me corriger au besoin, les commentaires étant les bienvenus.


1. Le packaging

L’ensemble se compose d’un boîtier VPN/routeur/FW (par cabinet) et d’une clé USB de chiffrement (ou de plusieurs, selon le nombre d’avocats se connectant à ebarreau).

2. Le boîtier NAVISTA

Le boîtier NAVISTA (ou « RSA » pour « Routeur Sécurisé Avocat ») a été conçu par la société NAVISTA. Il tourne sous Linux (pas étonnant sur le plan de la sécurité) avec un kernel 2.6.25 [1] permettant un tunnel VPN chiffrés en AES 256 : il est chargé d’encapsuler du chiffrement SSL dans un chiffrement VPN.

Le boîtier se branche par un câble RJ 45 sur le serveur (via un hub ou un switch) et la connexion aux serveurs du ministère se fait par un routage d’adresse web depuis le serveur, car pour que la connexion puisse être certifiée, le boîtier doit impérativement servir de passerelle.
S’agissant de la vérification des connexions, c’est le protocole normal du système de chiffrement avec autorité de certification qui s’applique. Le système travaille en temps réel, puisque c’est l’autorité de certification (Certeurope) qui autorise ou non la connexion en fonction des clés qui sont présentées.

L’un des informaticiens avec qui j’en ai parlé ajoute :

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La justice se prononce enfin sur la déloyauté des pratiques commerciales des constructeurs !

jurisprudanceLe 5 mai 2011 la Cour d’appel de Versailles a rendu une décision intéressante opposant l’UFC-Que choisir à la société Hewlett Packard. Quelques jours plus tard, le 20 mai 2011, la juridiction de proximité de Toulouse rendait un jugement sans précédent contre le fabricant DELL, après deux ans de bataille acharnée. Suivez le guide.

Après les deux arrêts rendus par la Cour de cassation le 15 novembre 2010 sur la question délicate des ventes subordonnées en matière informatique, j’avais noté que les juges du fond hésitaient encore à appliquer les sanctions, pourtant claires, posées par la directive 2005/29/CE et par le Code de la consommation, soit l’interdiction pure et simple lorsque la pratique commerciale du professionnel consiste à exiger du consommateur le paiement immédiat de produits ou de services qu’il fournit sans que le consommateur les ait préalablement demandés.

Ainsi, dans la dernière affaire contre Acer, le juge de Proximité d’Aix-en-Provence avait “seulement” condamné le constructeur à rembourser les logiciels préinstallés en retenant qu’ils n’étaient qu’une option à laquelle le consommateur n’était pas tenu de souscrire puisque le matériel et les logiciels étaient deux éléments distincts, tant par leur nature que leur régime juridique. S’il s’agissait assurément d’une bonne décision, elle n’allait cependant pas au fond des choses.

Les deux dernières décisions de Toulouse et de Versailles sont presque venues mettre un terme à ces hésitations, condamnant DELL et HP pour leurs pratiques commerciales déloyales. Mais vont-elles jusqu’au bout ? C’est ce que je vous propose d’examiner un peu plus en détail.


1. La condamnation de HP à faire cesser sa pratique commerciale de vente subordonnée sous astreinte.

Cette décision est longue pour les profanes, mais les termes et expressions employés sont intéressants. Je vous en propose donc un résumé rapide.

Devant la Cour d’appel de Versailles, l’UFC-Que choisir avait demandé que la société HP soit enjointe, sous astreinte, de cesser de vendre sur son site des ordinateurs prééquipés du système d’exploitation Windows et de différents autres logiciels applicatifs, sans offrir à l’acquéreur la possibilité de renoncer à ces logiciels moyennant déduction du prix correspondant à leur licence d’utilisation.

Dans son arrêt du 5 mai 2011, et après avoir rappelé la règle posée par la Cour de cassation dans l’arrêt Pétrus du 15 novembre 2010 (cf. mon billet de commentaire de cette décision et mon billet suite à l’article de Ghislain Poissonnier dans la Gazette du Palais), la Cour de Versailles a retenu que le système d’exploitation était un logiciel indépendant du matériel en ce qu’il correspondait à un élément intellectuel relevant de la prestation de services, que cette indépendance était d’ailleurs confirmée par la présence de systèmes libres dont l’utilisation s’était répandue, et que juridiquement, le matériel et les logiciels suivaient deux régimes différents.

Puis, après avoir rappelé les dispositions de la directive sur les pratiques commerciales trompeuses et agressives des entreprises, elle en a déduit qu’en présentant sur son site le matériel et les logiciels comme « un seul produit que le consommateur règle globalement », sans avertir le consommateur « de la possibilité d’acquérir un ordinateur non muni du système d’exploitation Windows » sans lui donner aucune précision « sur le prix des composants de l’ordinateur et, en particulier, du logiciel dont la valeur est variable, ni sur le contenu des licences utilisateur final », et ce alors même « qu’il n’existe pas d’obstacle technique à l’absence de proposition sans préinstallation » et que cette absence ne pouvait être justifiée par le fait que le consommateur avait la possibilité de s’adresser à des vendeurs extérieurs, la société HP a adopté une attitude contraire aux exigences de la diligence professionnelle.

En effet, la Cour considère que « l’information sur la valeur des éléments composant l’offre de vente avec pré installation concerne des éléments substantiels à savoir le prix du logiciel dans la mesure où une licence OEM peut représenter entre 18 et 20 % du prix d’un ordinateur et une licence non OEM jusqu’à 27 % » et que « l’absence d’information du consommateur sur ces composants réduit ses choix en ce qu’il ne peut comparer leur valeur avec d’autres propositions qu’il s’agisse du logiciel ou de l’ordinateur nu ; que surtout il se trouve privé de la possibilité d’acquérir sans logiciels et ce alors que la demande des consommateurs ne cesse d’augmenter ».

Elle estime donc que le consommateur ne bénéficie pas d’une information suffisante et qu’il se trouve « amené à prendre une décision à propos de l’achat d’un ordinateur qu’autrement il n’aurait pas prise » et que cela constitue une vente trompeuse au sens de l’article 7 de la directive et contraire à l’article L. 122-1 du Code de la consommation.

La Cour en conclut :

« que la vente par la société HEWLETT PACKARD FRANCE sur son site ouvert aux particuliers (…) d’ordinateurs avec des logiciels pré installés sans mention du prix que représentent les logiciels et sans possibilité d’y renoncer avec déduction du prix correspondant à la licence, est contraire aux exigences de la diligence professionnelle eu égard aux possibilités techniques actuelles et étant susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen auquel elle s’adresse, elle constitue une pratique commerciale déloyale prohibée au sens de l’article 5 de la directive de 2005 »

En conséquence, la Cour enjoint à la société HP de cesser cette pratique de vente sur son site, sous astreinte de 1.500 € par jour de retard.

2. La société DELL sanctionnée pour ses conditions générales de vente et ses pratiques commerciales déloyales

Le 20 mai dernier, c’est au tour du fabricant DELL d’être condamné par la juridiction de proximité de Toulouse, après deux ans d’une longue procédure initiée au départ par un consommateur seul.

Il s’agit d’une condamnation sans précédent en jurisprudence et la décision est intéressante à de nombreux titres.

1. D’abord, il est intéressant de constater que le juge retient que le matériel et les logiciels sont deux éléments distincts, tant par leur nature que par leur régime juridique, conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation (mais également à l’instar d’autres décisions des juridictions du fond [1]). Il estime donc que la clause 7.3 (mais la clause 1 en réalité aussi) des conditions générales de vente de la société DELL, dont la rédaction assimile artificiellement le matériel et les logiciels en un seul et même « produit » et sur laquelle elle s’appuie pour justifier son refus de rembourser le consommateur des logiciels inutilisés, est abusive et doit donc être réputée non écrite :

« En adoptant dans ses Conditions Générales de Vente des clauses dont la formulation assimile artificiellement, aux yeux du consommateur, matériel et logiciels et qui ont pour effet de paralyser le droit au remboursement de ces logiciels par les consommateurs, contraints de les payer sans les avoir demandés, la société DELL crée un déséquilibre flagrant et significatif aux droits des consommateurs au sens de l’article L 132-1 du Code de la Consommation. »

2. Ensuite, après avoir rappelé les conditions aux termes desquelles les pratiques commerciales d’un professionnel sont susceptibles d’être considérées comme déloyales, le juge estime qu’en ne mettant à la disposition du consommateur aucun moyen de ne pas prendre des logiciels qu’elle préinstalle, alors qu’il est possible d’exploiter le matériel par le biais de logiciels gratuits, et en n’informant pas le consommateur du prix des logiciels composant le lot, la société DELL a manqué aux exigences de sa diligence professionnelle et adopté des modalités de vente qui ont eu pour effet de contraindre de manière quasi directe le consommateur de conserver le système d’exploitation Windows de Microsoft et que cela avait eu pour conséquence de diminuer l’aptitude du consommateur à faire un achat en connaissance de cause.

Le juge retient donc que l’opération contrevient aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation et constitue de ce fait une pratique commerciale déloyale et fautive entrant dans le champ d’application de l’article 1382 du Code civil et ouvrant le droit à des dommages et intérêts.

3. Quelle est la portée de ces décisions ?

Elles sont intéressantes à plus d’un égard.

En premier lieu, c’est la première fois en jurisprudence que la pratique commerciale de vente sans commande préalable est expressément déclarée déloyale. Il était temps !

Une décision un peu similaire avait été rendue par le juge de proximité de Lorient, [2] qui avait considéré que la pratique commerciale mise en place par ASUS était contraire à sa diligence professionnelle et avait eu pour effet de diminuer l’aptitude du consommateur à faire un achat en connaissance de cause. Mais le juge n’avait alors pas expressément retenu, comme c’est le cas contre DELL, que la pratique commerciale de vente forcée était déloyale.

En deuxième lieu, la décision de Toulouse vient enterrer un peu plus encore la notion de « produit unique » opportunément défendue par les constructeurs pour justifier à la fois la vente forcée des logiciels qu’ils préinstallent, mais également le refus du remboursement des seuls logiciels qui sont, comme l’avait retenu la juridiction de proximité d’Aix-en-Provence des options auxquelles le consommateur n’est pas tenu d’adhérer. [3].

En troisième lieu, ces décisions consacrent enfin toutes deux le fait que le prix des logiciels est un élément substantiel de l’acte d’achat d’un ordinateur. Sur cette question, la dernière solution retenue en jurisprudence était celle de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 26 novembre 2009, aux termes duquel elle avait estimé, après avoir procédé à une interprétation tout à fait particulière des intentions générales d’un consommateur moyen, que « ce qui importe avant tout pour le consommateur, c’est de connaître le prix global de l’objet proposé à la vente. ».

Mais cette motivation était très contestable, et au surplus erronée, pour plusieurs raisons :

  • contestable d’abord, parce que la Cour s’était livrée à une interprétation bien curieuse des intentions générales du consommateur moyen, alors que précisément bon nombre de consommateurs souhaitent faire un achat intelligent, ce qui inclut de ne pas payer des logiciels dont ils ne veulent pas ou dont ils n’ont pas besoin.Cette exigence des consommateurs est d’autant plus forte qu’il a été démontré à plusieurs reprises que le seul système d’exploitation pouvait représenter parfois près de 30 % du prix de la machine seule (et sans même parler du prix des autres logiciels applicatifs dont la préinstallation fait l’objet d’âpres négociations dans les contrats OEM) ! Le prix des logiciels fournis et payés sans avoir été demandés est donc loin d’être neutre et le cas est flagrant pour les consommateurs qui utilisent des systèmes d’exploitation libres dont la plupart sont gratuits.En tout état de cause, et si jamais le seul prix global devait compter pour le consommateur, ce prix global ne serait pas le même avec au moins 30 % de prix en plus pour des logiciels dont l’utilité n’est pas démontrée dès lors qu’il existe des alternatives gratuites, au demeurant bien plus complètes…
  • Erronée ensuite, parce qu’en estimant arbitrairement que seul le prix global importait pour le consommateur, la Cour de Paris avait oublié de prendre en compte que le matériel et les logiciels étaient deux éléments parfaitement distincts, tant par nature que dans leur régime juridique, comme la jurisprudence l’a retenu maintenant à de nombreuses reprises, ce qui faisait de ce type de vente, une vente par lots. Par conséquent, pour le consommateur moyen, il importe de connaître le prix de chacun des éléments composant le lot, et précisément le prix des logiciels qui augmente artificiellement le prix du matériel. La motivation de la Cour était donc contraire :
    • aux dispositions de la directive qui précisent expressément que le prix est un élément substantiel dont le consommateur doit être tenu informé (cf. les actions et surtout, les omissions trompeuses prévues par l’article 7) ;
    • aux dispositions de l’article L. 113-3 du Code de la consommation et à la réglementation spécifique de l’arrêté du 3 décembre 1987 qui prévoit d’informer spécifiquement le consommateur de chacun des éléments composant un lot, séparément du prix du lot.
  • Erronée encore, parce qu’il faut aussi rappeler que le paragraphe 29 de l’annexe I de la directive 2005/29/CE prohibe formellement le fait d’ « Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). » Dans cette hypothèse, le prix global importe peu s’il est fixé par le biais d’une pratique commerciale réputée déloyale en toutes circonstances ! [4]

Je ne peux donc pas partager les différentes interprétations que je peux lire sur le sujet et notamment celle d’Étienne PETIT (relayée par Le Monde Informatique) laquelle laisse à penser qu’il y aurait deux visions du consommateur moyen : celle du « consommateur lambda » selon lui retenue par la Cour d’appel de Paris dans son arrêt du 26 novembre 2009, et celle du consommateur ayant « un tout autre profil : une personne plutôt jeune, internaute actif, parfois GEEK, parfois anti World Cie, parfois simplement économe, qui maîtrise l’informatique et est prête à rechercher sur le Net, par conviction ou par souci d‘économie, des logiciels libres, gratuits ou non, ou des versions pirates des logiciels usuels… » comme l’aurait selon lui retenu la Cour de Versailles dans son arrêt du 5 mai 2011.

Contrairement à ce qu’il indique, il n’existe pas deux consommateurs moyens. Il y a simplement une Cour d’appel, celle de Paris, qui a fait une erreur en oubliant de relever que le prix des logiciels revêtait un caractère substantiel, en cachant tout cela derrière les prétendues intentions générales du consommateur moyen.

Au demeurant, je rappelle que le consommateur moyen est une personne qui s’ouvre au monde, qui est raisonnablement informée des usages qui se pratiquent autour d’elle, sans avoir de connaissances techniques en particulier dans le domaine en cause.

Dès lors, en prétendant que la cour d’appel de Versailles n’aurait pas pris en compte un consommateur moyen, mais un geek, on voudrait nous faire croire que ceux qui sont simplement informés qu’il existe des alternatives tout à fait crédibles aux systèmes Windows imposés par les fabricants, seraient des consommateurs avertis en informatique. Outre le fait que c’est faux, c’est surtout prendre, a contrario, les consommateurs moyens pour des imbéciles, car c’est supposer qu’ils achètent bêtement leur ordinateur sans se poser aucune question.

En effet, il existe dans le paysage informatique plusieurs centaines de systèmes d’exploitation concurrents de ceux de la firme de Redmond, et il n’y a pas besoin d’être un geek pour savoir que « Linux » et les « logiciels libres » existent : qui peut croire que personne ne connaît ces mots, ou ignore l’existence des « Mac » (qui sont issus de la même famille, unix) qu’on trouve dans les Iphone ou Ipad et qui inondent les rayons des magasins, les systèmes Google Android des tablettes tactiles ou des smartphones qui sont sous linux et pleinement fonctionnels ? De plus en plus de consommateurs se tournent vers des distributions Linux comme Ubuntu, Suse, Mandriva, Fedora ou d’autres moins connues mais tout aussi prometteuses comme Mageia.

Une fois que l’information a été donnée, les consommateurs moyens retiennent que Linux est simple, fiable, nettement moins cher (la plupart des distributions Linux sont gratuites) et exempt de virus, des qualités qui ne sont pas vraiment au rendez-vous avec les systèmes préinstallés de Windows.

Quant à l’argument selon lequel il faudrait maîtriser l’informatique pour installer une distribution Linux, c’est un argument qui n’a plus cours aujourd’hui pour peu qu’on veuille bien essayer d’en installer une dans des conditions identiques, soit à partir d’un disque dur vierge et non pas « par dessus » un système d’exploitation Windows déjà préinstallé par un fabricant : imaginez donc un monde inverse, où Linux serait préinstallé d’office par tous les fabricants et essayez d’installer par dessus un système d’exploitation Windows… vous en conclurez certainement que Windows est un outil de geek !

En ce qui me concerne, je constate que l’immense majorité des clients qui me saisissent pour demander le remboursement des logiciels dont on leur a extorqué le prix à leur insu, ne sont pas des consommateurs avertis, bien au contraire. Ce sont des gens qui font attention à leur budget, qui lisent la presse généraliste et cela va de l’étudiant au retraité. Ils n’ont aucunement l’intention d’utiliser les logiciels préinstallés d’architecture Windows et les effacent purement et simplement en installant Linux à partir d’un support vierge.

Par conséquent, et comme l’a très bien écrit Ghislain Poissonnier dans la Gazette du Palais [5] :

« L’intérêt objectif du consommateur est donc bien d’empêcher les fabricants de “l’obliger” à acheter un ordinateur “tout compris” »

En dernier lieu, un élément notable est à souligner dans la décision de Toulouse contre DELL. Le juge estime en effet que l’achat fait par Monsieur VERMEL dans ces conditions avait diminué son aptitude à prendre une décision en connaissance de cause et constituait une pratique commerciale non seulement déloyale, mais également fautive au sens de l’article 1382 du Code civil, ce qui ouvrait droit à la réparation du préjudice qu’il avait subi.

Certes, la réparation accordée n’est pas à la hauteur, le juge ayant manifestement oublié que Monsieur VERMEL avait dû faire un procès pour faire respecter ses droits les plus élémentaires, mais c’est là encore la première fois qu’un tribunal prononce une condamnation à des dommages et intérêts pour ce motif. Et c’est bien le minimum puisque ces pratiques commerciales déloyales sont sanctionnées pénalement !!

4. Ces décisions sont-elles totalement satisfaisantes ?

Malheureusement pas encore, puisque le Code de la consommation précise que « Les pratiques commerciales déloyales sont interdites. », tout comme les pratiques commerciales illicites de ventes et prestations de services sans commande préalable. Bien que les sanctions aient été demandées devant la juridiction de proximité de Toulouse contre DELL, le juge n’a sans doute pas osé aller jusque là. Pour la Cour de Versailles, il semble qu’aucune demande n’avait été faite sur ce point.


5. Notes

[1] Juridiction de proximité d’Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono ¢ Acer

[2] Juridiction de proximité de Lorient, 27 août 2009, Magnien ¢ Asus

[3] Juridiction de Proximité d’Aix-en-Provence, 17 février 2011, Perrono ¢ Acer

[4] Paragraphe 29 de l’annexe I de la directive du 11 mai 2005 intégré dans le Code de la consommation avec les lois du 3 janvier et 4 août 2008 à l’article L. 122-11-1, 6° et finalement déplacé à l’article L. 122-3 par la dernière loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, article 45 (NOR : BCRX0929142L)

[5] Arrêt Pétrus ¢ Lenovo par Ghislain Poissonnier : une évolution encourageante

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Perrono ¢ Acer : les logiciels ne sont qu’une option et les imposer est une vente liée.

jurisprudanceDans une nouvelle décision en date du 17 février 2011, le juge de proximité du tribunal d’instance d’Aix-en-Provence a statué sur la subordination de vente entre le matériel informatique et les logiciels préinstallés. Commentaire par Maître Provost.


1. Faits et procédure

Monsieur Perrono a fait l’acquisition d’un ordinateur sur lequel étaient préinstallés un certain nombre de logiciels, dont un système d’exploitation Windows et d’autres logiciels. Faute de pouvoir obtenir le remboursement des logiciels, il a saisi seul la juridiction de proximité par déclaration au greffe.

À la lecture de la décision, on s’aperçoit qu’une évolution du litige est intervenue en cours de procédure. En effet, après avoir rappelé dans l’« exposé du litige » que Monsieur PERRONO avait saisi la juridiction d’une demande de remboursement d’un montant de 120 € au titre du système d’exploitation et de 40 € pour un logiciel, ainsi que d’une demande à hauteur de 300 € au titre des frais de procédure, le juge a finalement condamné ACER à lui payer les sommes de 130 € pour le système d’exploitation, 320 € pour les autres logiciels et 600 € au titre des frais de procédure.
Le juge ne pouvant accorder plus que ce qui a été demandé, cela signifie que les demandes ont été revues à la hausse en cours de procédure, ce qui m’a été confirmé.

2. La motivation du juge de proximité

Cette décision est juridiquement confuse et insuffisamment motivée. Deux idées se dégagent cependant :

  • Le juge constate d’abord que le matériel et les logiciels sont deux entités distinctes. Il en tire la conséquence que les logiciels préinstallés ne sont que « des options auxquelles l’acheteur n’est pas tenu d’adhérer », d’autant plus que les logiciels applicatifs ne fonctionnent que grâce au système d’exploitation lui même préinstallé (l’expression « matériel WINDOWS » utilisée en fin de page 2 étant manifestement une erreur de plume).
  • De ce constat, le juge en déduit que le fait d’imposer au consommateur une procédure de désinstallation de ces logiciels en option (le mot « matériel » utilisé est là encore une erreur de plume), qu’il a préalablement estimée « lourde », l’empêche d’acquérir l’ordinateur seul et est donc contraire aux dispositions de l’article L. 122-1 du Code de la consommation interprété à la lumière de la dernière jurisprudence de la cour de cassation [1] reprenant en cela la directive 2005/29/CE.

Le juge de proximité condamne donc ACER à payer au demandeur les sommes de 130 € au titre du système d’exploitation et 320 € au titre des logiciels applicatifs préinstallés.

3. Le matériel et les logiciels sont-ils deux « entités » différentes ?

La réponse est positive : l’ordinateur est un bien matériel qui fait l’objet d’un contrat de vente, alors que la fourniture de logiciels est une prestation de services. Sur ce point, la décision est conforme à la position de la jurisprudence (Cour de cassation et juridictions du fond).

4. Monsieur PERRONO disposait-il d’un matériel « inutilisable » comme l’a retenu le juge ?

Il faut replacer cette appréciation dans son contexte, sans s’arrêter à la formulation un peu abrupte de la décision. Pour un juge, le critère d’appréciation est le « consommateur moyen », ce qu’était Monsieur PERRONO à la lecture de la décision. Ce dernier s’était plaint de n’avoir eu que deux choix : accepter le contrat de licence du système d’exploitation ou renvoyer sa machine chez le fabricant pour qu’il soit procédé à sa désinstallation. Il y a donc bien une contrainte quasiment insurmontable pour un consommateur moyen qui ne peut pas utiliser immédiatement son matériel, ce qui entrave sa liberté de choix. C’est en cela que le juge a pu retenir que le matériel était « inutilisable ».

Bien sûr, un autre système d’exploitation pouvait être installé. Mais la procédure mise en place par les fabricants comme ACER conditionne le versement d’une somme forfaitaire au retour de la machine en atelier pour procéder à la désinstallation du système d’exploitation. Dès lors, en procédant lui-même à la suppression du logiciel, le consommateur prendrait le risque de perdre toute possibilité de se faire indemniser par le fabricant et rendrait le passage par les tribunaux quasiment obligatoire. Le consommateur est donc bien “pieds et poings liés” à des logiciels qu’il n’a pas souhaités, contrairement à ce que certains commentateurs avaient estimé [2].

5. La procédure de désinstallation était-elle lourde ?

Le juge a estimé que c’était le cas, non seulement parce que les logiciels ne sont que des options auxquelles le consommateur n’est pas tenu d’adhérer, mais également parce qu’elle ne prévoit pas d’indemniser le consommateur pour l’indisponibilité du matériel pendant toute la durée de la procédure de désinstallation en atelier. Le juge relève également que Monsieur PERRONO a contestait la somme de 60 € proposée par le fabricant, qu’il estimait insuffisante.

6. Quelle est cette « indemnisation forfaitaire » ?

Rares sont les décisions qui utilisent cette terminologie. C’est en général le terme de « remboursement » qui est utilisé, alors qu’il n’est pas exact. S’il est celui utilisé par les fabricants qui ont mis en place une procédure de désinstallation à l’issue de laquelle ils vont verser quelques euros au consommateur pour les logiciels dont il demande le remboursement, il ne peut cependant pas correspondre à un remboursement au sens juridique du terme. En effet, faute de savoir le montant qu’il a payé au titre des logiciels inclus dans le prix du matériel, le consommateur ne peut pas vérifier que la somme versée est bien celle qu’il a déboursée ! Le terme d’indemnisation forfaitaire utilisé démontre que la question de la dissimulation du prix a été abordée et que le juge a estimé que le montant proposé n’était pas un remboursement.
Il est toutefois regrettable que le juge n’ait pas développé l’idée qui se cache derrière cette terminologie, car ce point méritait d’être abordé en profondeur.

7. La nouvelle lecture de l’article L. 122-1 du Code de la consommation.

Sur ce point, la décision est trop légèrement motivée. Le juge de proximité estime que l’impossibilité pour l’acheteur de se procurer la machine seule constitue une vente liée au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation du 15 novembre 2010. Si ce raccourci est juridiquement exact, il demeure un peu court.

En effet, dans son arrêt du 15 novembre 2010, la Cour de cassation a rappelé que, conformément à la jurisprudence de la CJCE du 23 avril 2009, les juges du fond devaient rechercher, au terme d’une analyse au cas par cas, si la pratique commerciale dénoncée par le consommateur était ou non déloyale au regard des critères posés par la directive 2005/29/CE (articles 5 à 9) dès lors qu’elle ne figurait pas dans la liste noire de l’annexe I.

Les ventes conjointes ou subordonnées ne faisant pas partie de cette annexe I, le juge de proximité aurait dû en conclure que compte tenu des circonstances de l’espèce, il y avait non seulement une vente liée, mais également et par conséquent, une pratique commerciale déloyale au regard des critères posés par la directive. Et s’il avait été complet, il aurait même dû préciser quels étaient les critères d’appréciation de la directive susceptibles de s’appliquer au cas d’espèce (articles 5 à 9 de la directive).

8. Quels sont les autres moyens auquel le juge fait référence ?

Le juge de proximité a évacué trop rapidement « les autres moyens » manifestement soulevés au cours des débats, sans les avoir jamais rappelés dans l’exposé des prétentions de chacune des parties, ce qui n’est pas conforme aux dispositions du Code de procédure civile.

Après avoir obtenu les éléments renseignements nécessaires, il s’est avéré qu’avaient été soulevées toutes les questions relatives à la qualification des pratiques commerciales déloyales, ainsi qu’une demande de dommages et intérêts en découlant. Mais le juge n’a pas répondu aux conclusions sur ce point, ce qui est regrettable. Une voie de recours aurait pu être exercée pour faire trancher ces questions.

Sur la demande de dommages et intérêts, le juge a estimé que Monsieur PERRONO ne justifiait pas d’un préjudice direct et certain. Cette motivation est contestable car les pratiques commerciales déloyales sont sanctionnées précisément parce qu’elles ont pour effet de modifier de façon substantielle le comportement économique du consommateur qui n’aurait pas pris la décision qu’il a prise s’il avait pu faire autrement.

En conclusion, cette décision est encourageante malgré une motivation insuffisante, car elle aborde de façon pragmatique certains problèmes :

  • la distinction entre le matériel et les logiciels ;
  • les logiciels sont des options auxquelles le consommateur n’est pas tenu d’adhérer ;
  • L’article L. 122-1 du Code de la consommation doit être lu à la lumière des pratiques commerciales déloyales posées par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005.

Commentaire par Maître Provost.

9. À lire également


10. Notes

[1] Cass. Civ. 1re, 15 nov. 2010 : Pétrus ¢ Lenovo France, arrêt n° 995

[2] Le consommateur est-il pieds et poings liés à son logiciel ? Focus par Jean-Philippe FELDMAN : Contrats Concurrence Consommation n° 6, Juin 2009, alerte 39, Lexisnexis.fr

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Arrêt Pétrus vs Lenovo par Ghislain Poissonnier : une évolution encourageante

Justice symbol glossy buttonMalgré le caractère relativement confidentiel des ventes subordonnées dans l’océan du droit de la consommation, l’arrêt Pétrus du 15 novembre 2010 n’a logiquement pas laissé indifférents quelques commentateurs.

Pour ceux qui sont abonnés à la Gazette du Palais (lextenso.fr), je vous invite à lire l’article intitulé « Vers des critères plus objectifs en matière d’exception à la règle de l’interdiction de la vente liée » écrit par Ghislain Poissonnier, Magistrat, notamment spécialisé en droit de la consommation, publié dans l’édition des 16 et 17 février 2011. Mais pour ceux qui ne sont pas abonnés, je n’ai pas d’autre solution que de vous faire un résumé de ses propos, car les éditions Lextenso m’ont refusé la publication en ligne d’une reproduction de cet article.


Je ne suis pas partisan de paraphraser cet excellent article. Je vais donc me contenter de vous en faire un rapide résumé et d’insister sur les quelques points qui ont retenu mon attention par rapport aux autres commentaires que j’ai déjà pu lire sur le sujet.

Dans le premier titre de son article, Ghislain Poissonnier revient sur « la fin de la règle en droit français de l’interdiction absolue de la vente liée ».

L’auteur rappelle d’abord le principe et le domaine de la prohibition absolue des ventes subordonnées posée, en son temps, par l’article L. 122-1 du Code de la consommation, dont l’alinéa 1 dispose que :

« Il est interdit de refuser à un consommateur la vente d’un produit ou la prestation d’un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’une quantité imposée ou à l’achat concomitant d’un autre produit ou d’un autre service ainsi que de subordonner la prestation d’un service à celle d’un autre service ou à l’achat d’un produit. »

Il est appréciable de trouver une interprétation rigoureuse de cet article. En effet, on lit trop souvent que l’interdiction de la subordination de vente serait susceptible de recevoir une exception, tenant à l’existence d’un motif légitime lié à l’intérêt du consommateur. Il s’agit cependant d’une interprétation erronée. En matière de vente subordonnée matériel-logiciels, elle a pourtant été astucieusement invoquée à plusieurs reprises par les fabricants de matériel informatique ou par les distributeurs, et les juges lui ont prêté une oreille favorable [1], au détriment des consommateurs.

La formulation de l’article est pourtant claire : seuls les refus de vente sont susceptibles de recevoir l’exception tirée d’un motif légitime, et non pas les subordinations de vente. C’est ce que rappelle fort justement Ghislain Poissonnier :

« Cette disposition qui figure dans une section du Code de la consommation dédiée aux “refus et subordination de vente ou de prestations de services”, dans un chapitre consacré aux “pratiques commerciales illicites”, prohibe, par dérogation au droit commun, le fait de subordonner la vente d’un produit à l’achat d’un autre produit. Il s’agit d’une prohibition générale et préventive. Ce texte s’applique à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris financiers, destinés aux consommateurs. »

Quoiqu’il en soit, même si l’article prévoyait qu’un motif légitime soit susceptible de constituer une exception à la prohibition des ventes liées, et à supposer également que la pratique de vente forcée de produits fournis par le professionnel et non demandés par le consommateur ne soit pas interdite par la directive 2005/29/CE du 11 mai 2005, ce qui n’est pas le cas, je pense qu’il serait totalement contraire à l’intérêt du consommateur de se voir imposer la préinstallation de logiciels avec l’achat de matériel informatique.

D’une part sur le plan économique, car il existe dans le paysage des systèmes d’exploitation plusieurs dizaines de candidats susceptibles de correspondre aux besoins des consommateurs (sur plusieurs centaines de systèmes d’exploitation environ, toutes architectures confondues). Certains sont même bien plus fiables que les produits Microsoft qui sont systématiquement vendus dans les configurations destinées au grand public et les consommateurs ont pu s’en rendre compte un peu lors de la sortie des netbooks qui étaient équipés en grande majorité de distibutions Gnu/linux plus légères (avant que Microsoft n’allège Windows XP et ne revoie sa politique tarifaire auprès des fabricants…).
L’étouffement systématique de cette concurrence par le biais de la préinstallation prive notre économie d’un certain nombre d’emplois et les entreprises concernées d’une part de développement (sur les SE, les services, etc.). La société française Mandriva, qui était le leader Européen des systèmes d’exploitation, en a d’ailleurs fait les frais puisqu’elle s’est retrouvée sous plan de continuation en 2003 et a fini par se séparer en 2010 des 15 salariés qui concevaient le cœur de son système d’exploitation, après avoir déclaré la cessation des paiements de l’une des entités du groupe qui les employait (la société Edge-IT).

D’autre part, sur le plan informatique, car installer un système d’exploitation à partir d’un disque dur vierge est aujourd’hui une opération relativement simple, surtout dans les environnements GNU/Linux les plus populaires (Ubuntu, OpenSUSE, Fedora, Mandriva, Gentoo, etc.), l’utilisateur pouvant globalement se contenter de cliquer sur le bouton « suivant » sans se soucier d’avoir à installer des dizaines de pilotes logiciels comme nous étions habitués à le faire auparavant sous Windows (ce qui ne semble plus être le cas avec Windows 7).

Ghislain Poissonnier précise quant à lui :

« (…) ce procédé présente un double danger pour le consommateur. Ce dernier risque, en premier lieu, d’acquérir plusieurs biens, le forçant ainsi à un achat inutile, alors qu’il peut seulement avoir besoin de l’un d’entre eux. Il s’agit alors d’une atteinte à son libre choix, notamment à sa liberté de pouvoir acheter des produits en quantité limitée ou à l’unité.
S’agissant des logiciels préinstallés sur les ordinateurs, les offres proposées, qui consistent en un jumelage de deux produits dont il est fait un lot indivisible, heurtent la liberté du consommateur d’utiliser ou non lesdits logiciels et son droit d’acheter ou non d’autres logiciels que ceux préinstallés. Et le consommateur a souvent, en second lieu, la croyance qu’en achetant en quantité ou par lot, le prix sera moins élevé. Or, l’avantage-prix n’est pas constitutif de la vente par lot et il peut se faire que le prix du lot soit moins avantageux que le prix du bien acheté à l’unité ou séparément. Là encore, s’agissant des logiciels préinstallés, le consommateur a qui le vendeur a imposé le choix des logiciels est bien en peine de faire jouer la concurrence et de comparer les prix. L’intérêt objectif du consommateur est donc bien d’empêcher les fabricants de “l’obliger” à acheter un ordinateur “tout compris” »

Et je partage évidemment son avis.

Le deuxième titre de l’article de Ghislain Poissonnier est intitulé « Le caractère illégal d’une vente liée doit être apprécié par le juge au regard des critères du droit communautaire ».

Après avoir brièvement évoqué le fait que la directive 2005/29/CE fournissait tous les éléments nécessaires à l’appréciation des pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs, l’auteur revient sur l’arrêt de la CJCE du 23 avril 2009 qui a retenu que la directive devait être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une réglementation nationale qui, sauf certaines exceptions et sans tenir compte des circonstances spécifiques au cas d’espèce, interdit toute offre conjointe (ventes subordonnées, en France).

En effet, comme je l’avais souligné dans le commentaire que j’avais rédigé à l’époque à propos de cette décision, le droit Européen prime le droit français en vertu du principe dit de la hiérarchie des normes. Il s’ensuit que lorsqu’une directive européenne arrête et définit des comportements prohibés de la part des entreprises en direction des consommateurs, les états ne peuvent adopter une réglementation nationale qui serait plus sévère que les dispositions de la directive.

L’annexe I de la directive 2005/29/CE fait une liste exhaustive des « Pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances », ce qui signifie qu’en dehors de ces cas prévus par l’annexe I, le juge doit alors procéder à une analyse au cas par cas des pratiques commerciales déloyales au regard des articles 5 à 9 de la directive.

Et Ghislain Poissonnier ajoute sur ce point :

« prenant acte de cette position de la CJCE, la Cour de cassation en déduit (comme indiqué dans le visa de l’arrêt du 15 novembre 2010) que l’article L. 122-1 du Code de la consommation qui interdit les ventes liées sans tenir compte des circonstances spécifiques doit être appliqué à la lumière de la directive et donc dans le respect des critères énoncés par elle ».

Les juges du fond devront donc procéder à une analyse dite in concreto du comportement du professionnel (fabricant, distributeur, etc.) et des circonstances spécifiques entourant la vente, pour savoir s’il ils sont susceptibles d’altérer de façon substantielle le comportement économique du consommateur face à des produits ou des services. « C’est ce que le juge de Tarascon avait oublié de faire », conclut Ghislain Poissonnier.

Et c’est ce que commencent à faire les juridictions du fond, ce qui fera l’objet d’un prochain billet.

À lire sur ce thème :


Notes

[1] cf. notamment : T. Corr. Montpellier, 17 juin 2008 : MP vs Dell Southern Europe ; TGI Paris, 24 juin 2008 : UFC – Que Chosir vs Darty & Fils

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RPVA et Linux

rpva2-ebarreau-siteDans deux précédents billets, je vous livrais mes déboires autour du RPVA et de son accès depuis une plate-forme Linux. Les choses progressent, mais pas à la vitesse à laquelle elles le devraient, cette vitesse étant incompatible avec nos obligations tirées du Code de procédure civile pour la communication électronique.


1. Suite de l’histoire.

Pour mémoire, je me suis intéressé pour la première fois au RPVA en juin 2010, date à laquelle j’avais écrit au support informatique du CNB pour leur indiquer que j’étais sous Linux que je souhaitais un support sous cette architecture. Le billet vient d’être actualisé, ce n’est donc plus une « tentative de tutoriel », mais un vrai tutoriel.

Souvenez-vous, leur réponse était éloquente :

« Ebarreau n’est pas supporté sous linux
Seule les OS mac 10.5.X 10.6.X et les Windows 2000/xp/vista/seven sont
supportés »

J’avais saisi le Bâtonnier de mon ordre pour tenter d’obtenir du CNB des pilotes pour la clé USB de cryptographie, mais cela n’avait rien donné.

(suite…)

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Arrêt Guerby vs Darty du 15 novembre 2010 : la Cour de cassation étend sa jurisprudence

jurisprudanceDans un autre arrêt rendu le 15 novembre 2010, la première Chambre civile de la Cour de cassation a de nouveau statué sur la question de la vente de matériel informatique avec des logiciels préinstallés.

Par cette décision, la Cour de cassation a manifestement entendu généraliser sa jurisprudence sur la lecture à avoir de l’article L. 122-1 du Code de la consommation, puisqu’après s’être prononcée sur le cas des assembleurs dans l’arrêt Prétrus, elle adopte le jour même une solution identique à l’égard des revendeurs, ici la société DARTY.

Voici quelques explications.

Cass. Civ. 1re, 15 nov. 2010, arrêt n° 994, pourvoi n° 08-20227 FS-D


 

1. Rappel des faits et de la procédure de première instance.

Le 6 juin 2006, Monsieur GUERBY a fait l’acquisition de matériel informatique auprès de la société DARTY & FILS, en l’espèce un ordinateur portable TOSHIBA à 799 € qui était préinstallé d’un certain nombre de logiciels.

Lors de son achat, Monsieur GUERBY avait pourtant indiqué au vendeur qu’il ne souhaitait pas acquérir et payer ces logiciels (le système d’exploitation Microsoft windows XP, Microsoft Works 8), car il n’avait aucune intention de les utiliser. Mais il lui avait été répondu qu’il était impossible de vendre la machine sans ces logiciels et d’en réduire le prix en conséquence.

Monsieur GUERBY a donc saisi la juridiction de proximité le 19 octobre 2006 en demandant la condamnation de la société DARTY à lui payer la somme de 359 € au titre du prix des logiciels préinstallés, ainsi que 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles (article 700 du Code de procédure civile).

La société DARTY a pour sa part demandé que Monsieur GUERBY soit débouté de sa demande, subsidiairement, le cantonnement de sa condamnation à une somme comprise entre 10 et 25 % du prix de l’ordinateur et la condamnation du demandeur à lui payer la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

2. La décision du Juge de proximité.

De façon tout à fait laconique, le juge s’est contenté de relever qu’à la suite de sa demande, Monsieur GUERBY avait été informé par la société DARTY qu’il était impossible de vendre l’ordinateur sans les logiciels et de réduire le prix en conséquence. Il a donc retenu :

Que dès lors, Monsieur GUERBY reconnaît avoir été parfaitement informé de son achat,Qu’il a eu le choix d’acheter ou non,Qu’au regard de l’article 1235 du Code civil, aucune condition de la répétition de l’indû n’est réunie,Qu’en conséquence, Monsieur GUERBY sera débouté de ses demandes, faute de fondement juridique.

3. Quelques mots de commentaires.

Il faut bien reconnaître que ce jugement, on ne peut plus laconique, est particulièrement décevant et mal motivé, alors qu’aux termes de l’article 455 du Code de procédure civile, les juges doivent motiver les jugements qu’ils rendent.

En retenant que le consommateur aurait fait son choix en connaissance de cause, le juge de proximité s’est contenté de se placer sur le seul terrain juridique des vices du consentement issus du Code civil. Il a estimé que le consentement de Monsieur GUERBY n’avait pas été vicié lors de son achat, car DARTY l’avait informé du fait que le matériel n’était vendu qu’avec des logiciels.

Or, c’est oublier un peu vite les règles spéciales issues du Code de la consommation (lesquelles priment sur la règle générale selon l’adage specialia generalibus derogant) qui traitent cette question spécifique des vices du consentement au travers des pratiques commerciales déloyales des entreprises à l’égard des consommateurs.

C’est également méconnaître la réalité du marché et les problèmes auxquels les consommateurs se trouvent confrontés, parfois sans le savoir, lors de l’achat de matériel informatique et plus particulièrement d’un ordinateur portable. Car, ne l’oublions pas, si les consommateurs peuvent choisir leur matériel dans les moindres détails, tant l’offre est variée (on choisit la taille de son écran, la capacité et les caractères matériels du disque dur, on regarde l’autonomie, la carte graphique pour les joueurs nomades, la quantité de mémoire vive, les performances du processeur, etc.), ils ne choisissent pas les logiciels qui sont préinstallés, sans qu’ils les aient jamais demandés, sur le matériel. Pire, ils ne peuvent pas non plus choisir de ne pas les payer avec la machine qu’ils convoitent.

Fort heureusement, Monsieur GUERBY ne s’est pas satisfait de cette mauvaise décision et a formé un pourvoir en cassation à son encontre.

4. L’arrêt de la Cour du 15 novembre 2010.

Dans son arrêt, la Cour de cassation a retenu :

Attendu que pour rejeter cette demande, la juridiction de proximité a retenu que M. Guerby reconnaissait dans ses écritures que lors de son achat il ne souhaitait pas acquérir et payer les logiciels préinstallés « Microsoft Windows XP » et « Microsoft Works 8 » vendus avec ce portable au motif qu’il n’en avait pas l’utilité ni l’intention de les utiliser que le vendeur a indiqué qu’il était impossible de vendre l’ordinateur sans ces logiciels et de réduire le prix en conséquence, que dès lors M. Guerby reconnaissait avoir été parfaitement informé lors de son achat, qu’il a eu le choix d’acheter ou non et qu’aucune condition de l’article 1135 du Code civil n’est remplie ;

Attendu qu’en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de M. Guerby qui soutenait qu’ayant proposé à la vente un produit composé d’un ordinateur et de logiciels préinstallés, sans offrir au consommateur la possibilité de n’acheter que le seul ordinateur, la société Darty avait procédé, avant l’expiration du délai de transposition de la directive n° 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005, à une vente liée prohibée par l’article L. 122-1 du code de la consommation, justifiant la résolution partielle du contrat et le remboursement du prix des logiciels qui ne lui étaient d’aucune utilité, la juridiction de proximité n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé. »

5. Portée de l’arrêt de la Cour de cassation

Dans la droite ligne de l’arrêt Pétrus qui concernait les fabricants de matériel informatique (la société Lenovo), la Cour de cassation vient appliquer dans un arrêt du même jour, la même solution aux revendeurs de matériel informatique, en rappelant aux juridictions du fond le sens de la lecture de l’article L. 122-1 du Code de la consommation depuis ladirective 2005/29/CE « relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs ».

Elle précise que quelle que soit l’entreprise (fabricants, revendeurs, etc. soit les professionnels en général), il convient de procéder à une analyse in concreto des circonstances spécifiques entourant la vente du matériel, afin de vérifier si la pratique commerciale dénoncée par les consommateurs n’entre pas dans les prévisions de la directive 2005/29/CE, laquelle décrit les comportements des entreprises susceptibles d’être sanctionnés.

Dans la présente affaire, la Cour de cassation a reproché au juge de proximité de Paris d’avoir, dans un jugement en date du 25 septembre 2008, débouté Monsieur GUERBY sans vérifier si la pratique commerciale de la société DARTY qu’il dénonçait, ne constituait pas une subordination de vente au sens de l’article L. 122-1 du Code de la consommation interprété à la lumière de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005, même si elle n’avait encore fait l’objet d’aucune transposition à l’époque (la transposition devait intervenir au plus tard le 12 juin 2007 pour être mise en application au plus tard le 12 décembre 2007, mais n’interviendra dans notre droit qu’au terme de loi 2008-3 du 3 janvier 2008 (consolidée le 3 juillet 2010) ainsi que la loi de modernisation de l’économie (LME) n° 2008-776 du 4 août 2008).

De par le principe dit de la « hiérarchie des normes », le droit européen prime le droit national. Dans un arrêt du 23 avril 2009, la Cour de Justice des Communautés Européennes (qui deviendra la CJUE peu de temps après) avait dit pour droit qu’un État membre de l’union ne pouvait adopter une réglementation plus stricte que celle prévue par les directives européennes. Elle avait donc sanctionné l’article 54 de la loi de 1991 de la loi belge qui posait une prohibition de principe des offres conjointes, sans tenir compte des circonstances de l’espèce (cf. mon commentaire).

À l’époque, et encore récemment, de nombreux commentateurs en avaient hâtivement conclu qu’il s’agissait de la fin de la prohibition des ventes subordonnées. À tort, car la seule chose qui est interdite est l’adoption par un État membre d’une réglementation plus stricte que les dispositions prévues par la directive.

L’article L. 122-1 de notre Code de la consommation était directement concerné en ce qu’il pose lui aussi une interdiction de principe des ventes subordonnées, sans tenir compte des circonstances de l’espèce. La Cour de cassation a précisé avec l’arrêt Pétrus que ce texte devait être interprété à lumière de la directive 2005/29/CE, selon la lecture donnée par la Cour de Justice dans son arrêt du 23 avril 2009.

Ainsi, comme pour l’arrêt Pétrus, il importe peu que les ventes subordonnées ne soient pas expressément visées dans l’annexe I de la directive 2005/29/CE qui établit la « liste noire » des pratiques commerciales déloyales en toutes circonstances, la Cour de cassation rappelant une nouvelle fois que les juges du fond doivent vérifier si la pratique commerciale dénoncée par le consommateur n’est pas susceptible de correspondre à l’une des pratiques commerciales interdites, dont la directive nous donne tous les critères d’appréciation (appréciation au cas par cas au regard des articles 5 et 9 de la directive).

En l’espèce, Monsieur GUERBY avait soutenu devant le Juge de proximité que le fait de vendre du matériel avec des logiciels préinstallés constituait une vente liée au sens de l’article L. 122-1 du Code de la consommation. Sans tenir compte de la directive qui précédait sa décision depuis plusieurs années, le juge l’avait débouté en estimant qu’il avait été informé de cette vente subordonnée, mais qu’il avait fait un choix en connaissance de cause en décidant d’acheter le matériel !

Vous l’avez compris, le juge de proximité de Paris aurait dû vérifier si la vente de matériel informatique avec des logiciels préinstallés était une pratique commerciale susceptible d’entrer dans la définition prévue par la directive 2005/29/CE.

Et clairement, la directive donne tout ce qu’il faut pour faire sanctionner les pratiques commerciales déloyales des professionnels.

Au sens de cette directive, une pratique commerciale est déloyale si elle réunit deux conditions cumulatives, à savoir une contrariété aux exigences de la diligence professionnelle et une altération, effective ou potentielle, substantielle du comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse.

Elle précise en son article 8 que :

« Une pratique commerciale est réputée agressive si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances, elle altère ou est susceptible d’altérer de manière significative, du fait du harcèlement, de la contrainte, y compris le recours à la force physique, ou d’une influence injustifiée, la liberté de choix ou de conduite du consommateur moyen à l’égard d’un produit, et, par conséquent, l’amène ou est susceptible de l’amener à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement. »

L’article 9 (§ d) de la directive définit les notions de harcèlement, de contrainte et d’influence injustifiée eu égard au comportement du professionnel, en tenant compte notamment de :

« Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur. »

Or, en imposant aux consommateurs systématiquement les mêmes logiciels avec chaque matériel différent, en ne les mettant pas en mesure de ne pas acheter les logiciels avec le matériel qu’ils ont choisi, les constructeurs et les revendeurs modifient le comportement économique des consommateurs qui ne peuvent plus faire leur choix, car pour pouvoir acheter le matériel le matériel qu’ils convoitent, ils doivent nécessairement payer les logiciels.

De même, en dissimulant le prix des logiciels derrière une artificielle « offre commerciale unique » ou un « produit unique » , alors que le matériel et les logiciels sont, tant par nature que par leur régime juridique, deux éléments parfaitement distincts, les professionnels altèrent la liberté de choix des consommateurs.

Enfin, il faut aussi rappeler que l’annexe I de la directive 2005/29/CE qui dresse la liste noire des « pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances » répute agressive la pratique commerciale consistant à :

« 29) Exiger le paiement immédiat ou différé de produits fournis par le professionnel sans que le consommateur les ait demandés, ou exiger leur renvoi ou leur conservation, sauf lorsqu’il s’agit d’un produit de substitution fourni conformément à l’article 7, paragraphe 3, de la directive 97/7/CE (fournitures non demandées). ».

Les « ventes subordonnées » de l’article L. 122-1 du Code de la consommation doivent donc se lire à la lumière des dispositions de la directive 2005/29/CE et c’est donc une analyse in concreto qui doit être faite par le juge, pour chacun des consommateurs qui va en justice, ce que le Juge de proximité de Paris n’avait pas fait.

J’ajoute à titre personnel, qu’il ne faut pas se méprendre sur l’apparente facilité à mettre en œuvre ces règles. Je discute souvent avec des consommateurs qui pensent pouvoir faire face seuls, devant un juge, à une telle argumentation. Or, la pratique démontre qu’ils ont tort et que les décisions qui leur sont rendues sont mauvaises car ils n’ont pas su expliquer le problème. Ce débat qui mêle informatique et droit de la consommation est technique et la résistance des constructeurs, très forte.

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RPVA et Linux ?

rpva2-ebarreau-siteComme certains d’entre vous le savent, la communication de l’avocat va « évoluer » avec l’apparition d’une nouvelle application Web de communication avec les tribunaux, qui permettra à l’avocat ou feu l’avoué d’effectuer les actes de procédure de façon dématérialisée. Il s’agit du RPVA encore dénommé e-barreau.

L’application n’étant pas franchement une réussite informatique (protocole https encapsulé dans un boiter FW/VPN avec une clé de 128 bits fabriqué par la société Navista, le tout associé à une clé USB chiffrée, ou comment tuer une mouche avec une ogive nucléaire), une fin de non recevoir m’avait été adressée en 2010 par l’association CNB.COM s’agissant du support sous Linux.

En saisissant mon Bâtonnier, le discours n’est curieusement plus le même ! J’ai enfin pu avoir la confirmation qu’en réalité, aucun portage n’était nécessaire (ce n’est bien qu’un protocole https utilisé par une appli Web classique) et que le fonctionnement du RPVA ne dépendait que de la clé de cryptographie délivrée par Certeurope. Encourageante nouvelle, même si tout n’est pas réglé.

Sans entrer encore dans les détails qui feront certainement l’objet d’un billet à part, j’ai par contre un besoin urgent de savoir qui, parmi mes confrères, travaille sous Linux, et avec quelle distribution.

Je remercie mes lecteurs de faire passer le mot pour que mes confrères puissent me contacter à l’adresse du cabinet.

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