Logiciels préchargés : la CJUE se décrédibilise.

CJUEDans mon dernier article relatif aux pratiques commerciales déloyales des fabricants d’ordinateurs, j’avais dénoncé la « mascarade des états membres et de la commission » européenne face aux réponses qui m’avaient été adressées dans le cadre de l’instruction du dossier de mon client, Monsieur DEROO-BLANQUART. Si vous relisez ce billet, vous pourrez mieux comprendre l’arrêt scandaleux que vient de rendre la huitième chambre de la CJUE le 7 septembre 2016 (dont les fichiers du communiqué de presse n° 86/16 téléchargeable sur le site de la Cour et de l’arrêt révèlent qu’il s’agit de documents au format PDF version 1.5 rédigés à l’aide de Microsoft Word 2010 avec de polices propres à l’éditeur…)

En effet, la CJUE est passée totalement à côté du problème juridique que j’avais initialement soumis. Même si la Cour de cassation avait posé les mauvaises questions, la CJUE était censée avoir le courage nécessaire pour rendre une décision en faveur des consommateurs Européens, en accord avec le droit posé par la directive ; un espoir était donc permis. Mais personnellement, je pense que les enjeux économiques sont bien trop importants… Car dans cette affaire, il ne s’agissait pas d’infliger une amende de quelques centaines de millions d’euros à une multinationale, ce qui représente bien souvent une goutte d’eau pour ces entreprises, mais d’interdire purement et simplement une pratique qui nuit aux consommateurs Européens et qui aurait contraint les fabricants à adapter leur manière de vendre des machines. Après quelques jours de réflexion, dont j’avais besoin pour proposer une analyse que j’espère pertinente, voici mes conclusions.


1. Les erreurs de la Cour de cassation.

La Cour de cassation refuse de statuer sur le problème que je lui soumets depuis plusieurs années maintenant, celle de la pratique commerciale du préchargement des logiciels et de leur vente forcée.

Le principe est le suivant :

  • La vente forcée est interdite, car elle figure au point 29 de l’annexe 1 de la directive 2005/29/CE qui dresse la liste des 31 pratiques commerciales réputées déloyales « en toutes circonstances ». Elle est considérée comme une pratique commerciale agressive en toutes circonstances. L’interdiction totale de principe est prévue par l’article 5 alinéa 1 de la directive. Les conséquences sont simples : lorsqu’un juge national, au cours d’un litige, identifie et constate l’existence d’une telle pratique, il DOIT l’interdire, sachant qu’il ne dispose à cet égard disposer d’aucun pouvoir d’appréciation [1]. C’est ce qu’avait eu le courage de juger la juridiction de proximité de Saint-Denis le 10 janvier 2012 dans deux affaires que j’avais défendues le même jour pour deux de mes clients.
  • La vente liée ou « offre conjointe », ne constitue pas en elle-même une pratique commerciale déloyale interdite, car elle ne fait pas partie de la liste noire de l’annexe 1. Le juge national qui doit trancher un litige impliquant cette pratique commerciale dispose du pouvoir d’apprécier si sa mise en œuvre par le professionnel, dans les circonstances qu’on lui soumet, est déloyale ou non. Pour ce faire, la directive définit des critères d’interprétation aux articles 5 à 9. Ils précisent qu’une pratique commerciale n’est déloyale qu’à la double condition d’être contraire aux exigences de la diligence professionnelle et d’altérer ou être susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur (art. 5). Ils définissent aussi ce que sont les pratiques commerciales trompeuses (art. 6 et 7) et les pratiques commerciales agressives (art. 8 et 9). Si la double condition de l’article 5 et/ou le caractère trompeur et/ou agressif est jugé déloyal par le juge, il interdit la pratique. Sinon, il ne l’interdit pas.

Maintenant, je vous rappelle quelles sont les questions qui ont été posées par la Cour de cassation à la CJUE (les mots importants sont soulignés en gras) :

« 1°) les articles 5 et 7 de la directive 2005/29 du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur doivent-ils être interprétés en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale trompeuse l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés lorsque le fabricant de l’ordinateur a fourni, par l’intermédiaire de son revendeur, des informations sur chacun des logiciels préinstallés, mais n’a pas précisé le coût de chacun de ces éléments ?

2°) l’article 5 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le fabricant ne laisse pas d’autre choix au consommateur que celui d’accepter ces logiciels ou d’obtenir la révocation de la vente ?

3°) l’article 5 de la directive 2005/29 doit-il être interprété en ce sens que constitue une pratique commerciale déloyale l’offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, lorsque le consommateur se trouve dans l’impossibilité de se procurer auprès du même fabricant un ordinateur non équipé de logiciels ? »

Vous l’avez compris, en limitant la saisine de la CJUE à la seule question des offres conjointes, la Cour de cassation refuse d’analyser et de trancher la question de la pratique commerciale du préchargement des logiciels et donc de la vente forcée d’un OS Windows avec un ordinateur de grande marque. Il s’agit d’une erreur volontaire de qualification, puisque la Cour de cassation sait pertinemment que les offres conjointes ne font pas partie de la liste noire de l’annexe 1 de la directive, ce qui a été confirmé en 2009 par la CJUE. De mon point de vue, la Cour de cassation n’a donc pas pris un grand risque en adressant ces questions à la CJUE, qui a naturellement rappelé que les offres conjointes n’étaient pas déloyales per se, et qu’elles n’étaient interdites que si elles étaient estimées déloyales par le juge national. Les dés étaient pipés…

2. La réponse aux Gouvernements et à la Commission Européenne

Au cours des débats, les gouvernements de la Belgique, de la République Tchèque, et de la France ont fait des observations en réponse. La Commission Européenne également.

Je précise aussi que malgré ma demande, la Cour de Justice n’a pas accepté que je plaide ce dossier pour soutenir mes arguments. Elle a examiné le dossier à une date que j’ignore et a rendu une décision lue publiquement le 7 septembre 2016. Par ailleurs, je note que l’avocat général n’a pas rendu de conclusions écrites, alors qu’il a pour mission de présenter publiquement, en toute impartialité et en toute indépendance, des conclusions motivées sur les affaires soumises à la Cour de justice, lorsque le contenu du contentieux l’exige. Cela démontre une fois de plus avec quelle légèreté cette affaire a été traitée.

2.1 Sous prétexte de vouloir fournir des ordinateurs prêts à l’emploi, le Gouvernement Belge a soutenu qu’il était normal de vouloir acquérir un ordinateur avec un système d’exploitation comme il serait normal d’acquérir un véhicule avec un moteur. Mais cette assertion est erronée. Comme je l’ai souvent rappelé aux juges, un moteur est une pièce matérielle de la voiture, comme le microprocesseur est une pièce matérielle d’un ordinateur. Il n’était donc pas question de dissocier les éléments matériels d’un ordinateur. Mais un système d’exploitation et sa fourniture sont des prestations de services non obligatoires [2] [3]. Admettre cette analogie reviendrait à contraindre les consommateurs, au seul prétexte qu’il est obligatoire de s’assurer pour conduire, à payer le prix d’une assurance (prestation de services) fournie d’office lors de l’achat d’une voiture, sans aucune autre information que le prix global des deux produits, alors que le consommateur peut déjà être assuré auprès d’un autre assureur en ayant, de surcroît, choisi son professionnel pour pouvoir bénéficier des meilleurs tarifs. Cela n’aurait pas de sens.

Par ailleurs, aucune des réponses faite par les Gouvernements Belge ou Tchèque n’abordait le problème sous l’angle de la protection forte des consommateurs que garantit pourtant la directive 2005/29/CE, puisqu’elle a pour objet de réglementer les pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs… et non pas de protéger les politiques commerciales des entreprises, surtout lorsque leurs pratiques altèrent le comportement économique des consommateurs en influençant leurs décisions commerciales ou en altérant leur liberté de choix. Le Gouvernement Belge indique même au point 19 de son mémoire, que la fourniture d’ordinateurs prêts à l’emploi « relève de la stratégie commerciale de l’entreprise ». Or, les points 8 (ci-dessous), 11, 16 ou 17 de la directive rappellent l’impératif de protection des consommateurs :

« La présente directive protège expressément les intérêts économiques des consommateurs contre les pratiques commerciales déloyales des entreprises à leur égard. Dès lors, elle protège aussi indirectement les entreprises légitimes contre les concurrents qui ne suivent pas les règles du jeu fixées par la présente directive, garantissant ainsi une concurrence loyale dans le secteur d’activité qu’elle coordonne. »

La réponse faite par le gouvernement Belge était également juridiquement incomplète, car exclusivement basée sur l’analyse de la pratique commerciale de vente liée (ou subordination de vente), qui n’est pas listée à l’annexe 1 de la directive, et qui nécessite une analyse au cas par cas par le juge national. Or, la pratique qui consiste à fournir un système d’exploitation et des logiciels applicatifs est avant tout une pratique commerciale de vente forcée visée par le point 29 de l’annexe 1 de la directive, sanctionnée par une l’interdiction de principe de l’article 5 alinéa 1.

Lorsque le consommateur souhaite acheter ou renouveler son ordinateur portable, bien matériel, il choisit presque systématiquement un ordinateur de grande marque pour bénéficier de la qualité du produit, du service client, et d’un prix attractif compte tenu des volumes de vente des grandes marques, comprenant donc des logiciels préchargés dont un système d’exploitation Microsoft et des logiciels applicatifs qui ne sont compatibles qu’avec lui. Son comportement commercial est alors quadruplement modifié par cette pratique, puisque les ordinateurs portables comme ceux de la société Sony sont uniquement commercialisés sous cette forme, c’est-à-dire avec des logiciels fournis préchargés. Le consommateur n’a alors :

  • ni le choix des logiciels qu’il n’a pas lui-même commandés puisqu’il sont sélectionnés et fournis préchargés par le constructeur ;
  • ni la possibilité de ne pas payer ces logiciels fournis préchargés, même s’il n’en veut pas, puisque le constructeur ne propose pas à la vente la même machine sans logiciels et tout remboursement est en pratique impossible puisque le prix des logiciels est dissimulé ;
  • ni la possibilité de refuser les logiciels fournis, puisque pour pouvoir acquérir un nouvel ordinateur il doit obligatoirement payer immédiatement le prix de l’ensemble des licences incluses dans le prix global de l’ordinateur, sans aucune ventilation entre le prix du matériel d’un côté, et le prix des prestations de services logicielles de l’autre.
  • Et pire encore, lorsqu’il souhaite se faire rembourser du prix des logiciels, le consommateur se heurte au refus du distributeur ou du constructeur, ce qui le contraint donc à conserver des produits qu’il n’a jamais demandés (interdit par le point 29) et qu’il n’utilisera peut-être jamais, par exemple s’il utilise un système d’exploitation concurrent. Au pire, comme l’a proposé SONY après discussions, le constructeur proposera de rembourser le prix de vente intégral (machine et logiciels, alors que Monsieur DEROO-BLANQUART a acheté l’ordinateur chez CONFORAMA et pas auprès de SONY !!), ce qui implique pour le consommateur de devoir renoncer à son achat (là encore interdit par le point 29)…

Si le constructeur souhaite utiliser la pratique commerciale du préchargement des logiciels, il doit alors permettre aux consommateurs qui ne souhaitent pas bénéficier de l’environnement Windows, de ne pas être contraints de payer des logiciels dont ils ne veulent pas, puisque sur le plan informatique il est possible de faire effacer automatiquement l’environnement Windows qui n’aurait pas été payé, via un chargeur de démarrage (Grub 2). La directive 2005/29/CE protège donc le consommateur contre les pratiques commerciales de fourniture de produits non demandés, et la fourniture de logiciels payants correspond exactement à la prohibition visée par le point 29 de l’annexe 1. Cette pratique du préchargement de logiciels Microsoft et d’applications fonctionnant exclusivement sous l’environnement Microsoft modifie nécessairement le comportement économique du consommateur, qui n’est pas à même de comparer le prix de deux machines similaires sur le plan matériel mais de marque différente, de même qu’il n’est pas à même de connaître le prix des logiciels et de pouvoir réduire le prix à payer en choisissant un système d’exploitation gratuit.

2.2. Sur la pratique commerciale de vente subordonnée laissée à l’appréciation du juge national au regard des articles 5 à 9 de la directive, la présence de logiciels payants fournis préchargés dans le matériel justifie de considérer que le prix des prestations de services logicielles dénommées « produit » (de nature différente du matériel) aux articles 6-1d et 7-4c, doit être affiché séparément du prix du matériel, afin qu’une comparaison juste sur le prix du seul matériel d’un côté et les logiciels de l’autre puisse être effectuée par le consommateur. La cour de Cassation Française a déjà retenu cette solution [4]. L’information sur le prix global des logiciels distinct du prix du matériel est une information substantielle dont le consommateur doit avoir connaissance.

2.3. Par ailleurs, la fourniture systématique de systèmes d’exploitation de la société Microsoft et de logiciels d’environnement Microsoft induit une rupture de la concurrence entre les éditeurs des systèmes d’exploitation. L’opportunité d’offrir à certains consommateurs un ensemble présenté comme « fonctionnel » constitué par du matériel d’un côté et des logiciels Microsoft Windows et d’environnement Windows de l’autre ne doit pas aboutir, dans le marché des ordinateurs destiné aux consommateurs, à privilégier l’éditeur Microsoft au détriment de tous ses concurrents, alors que n’importe quel système d’exploitation constitue avec le matériel un ensemble fonctionnel.

Certains professionnels comme Hewlett Packard permettaient aux consommateurs il y a quelques années, de se connecter sur la partie professionnelle de leur site pour pouvoir acquérir des ordinateurs avec un système alternatif fourni préchargé, en l’espèce « FreeDos » (système d’exploitation gratuit, mais dédié aux seuls professionnels car dépourvu d’interface graphique). Le constat d’huissier réalisé par HP à l’époque (en 2011) démontre que le seul ordinateur portable proposé sur le site (réf. EliteBook 8740w) préchargé du système d’exploitation Windows était vendu pour la somme de 2 378,84 €. L’huissier a constaté qu’après avoir changé le système d’exploitation au profit de FreeDos, le prix de l’ordinateur passait à… 4 400,08 € (page 13 du constat). Il établit aussi que pour la station de travail référence HPZ400, le prix de la machine passait de 1 608,02 € avec Windows fourni préchargé… à 5 802 € avec le système d’exploitation FreeDos (page 23 du constat), soit 4 193,98 € rien que pour un système d’exploitation gratuit ! Ce constat démontre d’une part que pour les professionnels, il était tout à fait possible d’obtenir un autre système d’exploitation. Seulement, en se tournant vers un site dédié aux professionnels, les particuliers ne bénéficient plus des garanties propres au droit de la consommation français (par exemple, le droit de rétractation). Il démontre d’autre part que les professionnels font payer au prix fort le changement du système d’exploitation, ce qui asphyxie toute concurrence. Or, aujourd’hui, les grands constructeurs ne proposent pas aux consommateurs, sur le marché qui leur est dédié, les mêmes ordinateurs (configuration matérielle identique) sans logiciels fournis préchargés. Contrairement à ce qu’indiquent les Gouvernements en réponse, il n’existe pas d’autres canaux de distribution permettant d’acheter des ordinateurs de grande marque comme Sony, sans logiciels fournis préchargés (la remarque vaut pour toutes les grandes marques).

La connaissance préalable par le consommateur du préchargement des logiciels dans le matériel informatique, ne doit pas être confondue avec la demande préalable du consommateur sur lesdits logiciels. En effet, il importe peu que le consommateur ait connaissance du préchargement des logiciels s’il n’a pas d’autre choix que de payer les licences logicielles pour pouvoir acquérir le matériel en question, dont il ne peut pas non plus demander le remboursement puisque la société Sony lui refuse au motif que le matériel et les logiciels forment un tout « indissociable ».

Je précise aussi que l’article 12 de la directive impose aux professionnels de rapporter la preuve que leur pratique commerciale n’est pas déloyale, en fournissant tous les renseignements utiles. Il incombait donc à la société Sony Europe de rapporter la preuve qu’elle proposait à la vente le même ordinateur que celui choisi par Monsieur DEROO-BLANQUART, mais sans logiciels préchargés, ce qu’elle n’a pas fait.

Dès lors que le consommateur est tenu de payer une prestation de services qu’il n’a pas lui-même demandée et qu’il n’a pas de choix, tant sur le produit lui-même qui n’est pas proposé dans une configuration identique sans logiciels, que sur la possibilité de ne pas payer la prestation de service logicielle dont il ne veut pas, il y a indubitablement une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de fourniture de produits non demandés, donc de vente forcée prohibée par le point 29 de l’annexe 1 de la directive.

Comme l’a fort justement observé le Professeur LOISEAU [5] :

« il est essentiel, pour éviter tout risque que la vente en bloc soit jugée déloyale, que le professionnel informe les consommateurs de l’objet précis de celle-ci, à savoir un ordinateur prêt à l’emploi se composant d’une partie proprement matérielle et d’un logiciel destiné à le faire fonctionner selon les besoins de l’utilisateur. À cet égard, la première Chambre civile avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de préciser que les « informations, relatives aux caractéristiques principales d’un ordinateur équipé de logiciels d’exploitation et d’application, sont de celles que le vendeur professionnel doit au consommateur moyen pour lui permettre de prendre une décision en connaissance de cause » (Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.800, UFC Que Choisir c/ SAS Darty et fils : JurisData n° 2011-021022 ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 31, obs. G. Raymond ; JCP E 2011, 1787, note E. Bazin ; Bull. civ. 2011, I, n° 160 ; Gaz. Pal. 2012, jurispr. p. 458, obs. S. Piedelièvre). L’information doit-elle être plus précise encore et ventiler, dans le prix global, le montant de l’appareil « nu » et celui des logiciels ? Cela pourrait être recommandé afin que, dans un souci de transparence, le consommateur s’engage en connaissance de cause et qu’il ne puisse être reproché au professionnel d’avoir exigé le paiement des logiciels sans que l’acquéreur les ait demandés. »

Enfin, il faut rappeler que le 6 mars 2013, la Commission Européenne avait infligé une amende de 561 millions d’euros à la société Microsoft pour n’avoir pas respecté son engagement d’offrir au consommateur le choix du navigateur au premier démarrage. La Commission européenne avait démontré que la fourniture du logiciel Internet Explorer d’office avec le système d’exploitation Windows portait préjudice à la concurrence sur le marché des navigateurs et compromettait l’innovation en matière de produits et limitait le choix des consommateurs. La commission disait être : « préoccupée par le fait que l’omniprésence de l’Internet Explorer incite artificiellement les fournisseurs de contenu et les développeurs à concevoir des sites web ou des logiciels essentiellement pour l’Internet Explorer, ce qui risque, à terme, de compromettre la concurrence et l’innovation en matière de fourniture de services aux consommateurs. » La démarche était identique avec la fourniture aux consommateurs d’un système d’exploitation Windows avec des logiciels fonctionnant exclusivement sous cet environnement.

Je note que la CJUE n’a même pas considéré l’enquête ouverte par l’autorité de la concurrence française sur la concurrence déloyale dans les systèmes d’exploitation fournis aux consommateurs…

3. L’arrêt de la CJUE du 7 septembre 2016.European law

A. Les offres conjointes ne sont pas déloyales.

C’est une tautologie. Nous [6] avons donc essayé de recentrer la question sur celle de la pratique commerciale de vente forcée, sans succès.

L’arrêt se borne donc à une analyse de la pratique des offres conjointes au regard des articles 5 à 9 de la directive, ce qui est hors sujet.

Fort des mauvaises questions de la Cour de cassation, la CJUE a pu évacuer rapidement le problème aux points 28 à 31. Elle rappelle que les offres conjointes ne sont pas interdites en elles-mêmes et fait sienne une partie de l’argumentation inepte du gouvernement Belge [7] :

« 28. À cet égard, il convient de rappeler à titre liminaire que les offres conjointes, qui se fondent sur la conjonction d’au moins deux produits ou services distincts en une seule offre, constituent des actes commerciaux s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-ci. »

Il lui est donc aisé d’estimer au point 31 que :

« Dès lors, c’est à la lumière du contenu et de l’économie générale des articles 5 à 9 de cette même directive qu’il convient d’examiner le caractère éventuellement déloyal des pratiques commerciales telles que celles en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 23 avril 2009, VTB-VAB et Galatea, C-261/07 et C-299/07, EU:C:2009:244, point 58). »

Voilà, la boucle est bouclée. Exit l’analyse de la pratique commerciale du préchargement des logiciels telle qu’elle est actuellement pratiquée par les fabricants d’ordinateurs et autres terminaux à OS préchargés ou intégrés. Si la Cour avait correctement fait son travail, elle aurait disséqué le point 29 de l’annexe 1 pour chercher à savoir si la pratique commerciale dénoncée répondait ou non à cette définition.

À cet égard, le point 29 de la directive interdit :

  • d’exiger le paiement immédiat (ou différé)
  • de produits (les services sont concernés et les logiciels sont une prestation de services)
  • sans commande préalable du consommateur (à ne pas confondre avec la « connaissance préalable » du consommateur)
  • « ou d’exiger leur renvoi ou leur conservation » (des produits)

Par conséquent, le débat de la vente des logiciels n’est pas tout à fait fini, et la question (à affiner) pourrait être la suivante : la pratique commerciale du préchargement des logiciels dans le matériel informatique, dans les circonstances de l’espèce, constitue-t-elle une offre conjointe ou une fourniture de produits non demandés ?

B. L’analyse au regard de l’article 5 de la directive.

La Cour rappelle que la déloyauté de la pratique d’une offre conjointe doit être appréciée par le juge. Elle se contente donc de renvoyer donc la balle au juge national (qui pourtant l’avait saisi faute de savoir comment juger…)

La question préjudicielle de la Cour de cassation portant sur le caractère déloyal de la pratique des « offres conjointes » au regard de l’article 5, c’est la double condition qui était examinée par la CJUE (point 32) : pour être déloyale, la pratique doit être contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altérer ou être simplement susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur lors de sa prise de décision. Elle examine la première aux points 33 à 37 et la seconde aux points 38 à 42.

Je note que cette double condition n’était pas inéluctable, de par la jurisprudence de la CJUE elle-même qui a jugé dans un arrêt du 19 septembre 2013 que [8] :

« dans le cas où une pratique commerciale satisfait à tous les critères énoncés à l’article 6, § 1, de (la) directive pour être qualifiée de pratique trompeuse à l’égard du consommateur, il n’y a pas lieu de vérifier si une telle pratique est également contraire aux exigences de la diligence professionnelle au sens de l’article 5, § 2, (…) pour qu’elle puisse valablement être considérée comme déloyale et, partant, interdite au titre de l’article 5 »

En d’autres termes, quand il est détecté une pratique trompeuse ou agressive, il n’y a pas besoin de vérifier en plus la double condition de l’article 5. Et j’estime que dans cette affaire, ne pas afficher le prix des deux groupes de produits est une pratique trompeuse [4].

Quoiqu’il en soit, pour la première condition, la Cour répond à partir d’une ancienne analyse du CREDOC datant de 2007. Summum de la trahison et de la mauvaise foi, c’est le gouvernement français joint cette étude à ses observations en réponse. Cette étude révélait qu’à l’époque, une partie des consommateurs préférait acheter des ordinateurs prêts à l’emploi. La CJUE en déduit donc qu’en « proposant » des ordinateurs équipés de logiciels, il n’y a pas de contrariété à la diligence professionnelle. Mais ce faisant, la Cour commet un erreur en droit dans le point 35 de son arrêt, au regard du point 29 de l’annexe 1 de la directive lorsqu’elle précise que :

« M. Deroo-Blanquart, en sa qualité de consommateur, a été dûment informé par l’intermédiaire du revendeur de Sony de l’existence des logiciels préinstallés sur cet ordinateur et des caractéristiques précises de chacun de ces logiciels. »

En effet, comme je l’ai indiqué précédemment, il ne faut pas confondre la notion de « commande préalable » des logiciels avec celle de « connaissance préalable » de la présence de logiciels. Le point 29, interdit la pratique de fourniture de prestations de services qui n’ont pas été expressément demandées par les consommateurs. La préinstallation ou le préchargement ne peuvent pas correspondre à une demande préalable du consommateur sur les logiciels. La circonstance que le consommateur savait qu’ils étaient fournis préchargés n’est pas de nature à retirer le caractère déloyal à la pratique du préchargement. Bien sur, en dehors du point 29, c’est-à-dire dans le cas d’une analyse in concreto du degré de déloyauté, la Cour considère que l’information préalable suffit à écarter le caractère déloyal…

Par conséquent, en contournant de l’annexe 1, elle précise au point 37 qu’il appartient au juge national d’apprécier le degré de déloyauté en prenant en compte les circonstances de la vente. Nul doute que la Cour de cassation et les juridictions du fond n’iront pas chercher à trancher différemment de ce qui vient d’être jugé.

Pour la seconde condition, la CJUE opère un renvoi au point 35 de sa décision (le passage sur l’étude du CREDOC) et estime de facto que le comportement économique du consommateur n’est pas altéré.

Et de manière invraisemblable, la Cour retient au point 40 que les entreprises proposent les produits qu’elles veulent et qu’il appartient au consommateur de se lier contractuellement ou non…

« S’agissant des éclaircissements donnés au consommateur, il convient de souligner que l’information, avant la conclusion d’un contrat, sur les conditions contractuelles et les conséquences de ladite conclusion est, pour un consommateur, d’une importance fondamentale. C’est, notamment, sur la base de cette information que ce dernier décide s’il souhaite se lier contractuellement à un professionnel en adhérant aux conditions rédigées préalablement par celui-ci (arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C-26/13, EU:C:2014:282, point 70). »

En d’autres termes, soit vous êtes d’accord avec « le produit » défini par le constructeur, vous achetez, sinon, passez votre chemin… Comme l’avait plaidé un jour l’avocat de la société ACER à une audience devant moi : « si vous ne voulez pas de Windows, n’achetez pas d’ordinateur ! »….  ce qui revient à constater que la CJUE protège les entreprises qui proposent des « produits » qu’ils définissent eux-mêmes contre les pratiques juridiques déloyales des consommateurs qui posent trop de questions !

La Cour peut donc renvoyer tranquillement au juge national l’examen de la question :

« 41  Ainsi, dans le cadre de l’examen de la seconde condition posée à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, il appartient à la juridiction nationale de déterminer si, dans des circonstances telles que celles en cause au principal, à savoir lorsqu’un consommateur a été dûment informé, avant de procéder à l’achat, que le modèle d’ordinateur faisant l’objet de la vente n’était pas commercialisé sans logiciels préinstallés et qu’il était, de ce fait, en principe libre de choisir un autre modèle d’ordinateur, d’une autre marque, pourvu de caractéristiques techniques comparables, vendu sans logiciels ou associé à d’autres logiciels, l’aptitude de ce consommateur à prendre une décision commerciale en connaissance de cause a été sensiblement compromise. « 

Sauf à croire aux miracles juridiques, on se doute de la réponse qui sera apportée par la Cour de cassation, puisque la CJUE précise au point suivant :

« 42  Eu égard aux observations qui précèdent, il convient de répondre aux deuxième et troisième questions qu’une pratique commerciale consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés sans possibilité pour le consommateur de se procurer le même modèle d’ordinateur non équipé de logiciels préinstallés ne constitue pas, en tant que telle, une pratique commerciale déloyale au sens de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29, à moins qu’une telle pratique soit contraire aux exigences de la diligence professionnelle et altère ou soit susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen par rapport à ce produit, ce qu’il appartient à la juridiction nationale d’apprécier, en tenant compte des circonstances spécifiques de l’affaire au principal.« 

Il faut donc poser la question autrement puisque le débat n’est pas totalement fermé, et j’avertis immédiatement la Cour de cassation que je vais réajuster le tir dans les mémoires que je lui présenterai, afin qu’elle ne contourne pas une fois de plus le problème…

C. L’affichage du prix et l’article 7 de la directive.

La CJUE va examiner si la pratique dénoncée d’offre conjointe est une omission trompeuse (point 45). Il faut qu’une information substantielle soit omise pour que l’omission trompeuse soit considérée comme une pratique déloyale. La question qui se pose est celle de la notion de « prix » invoquée aux articles 7, 4, c (pendant de l’article 6, 1, b pour les pratiques trompeuses par action).

Pour répondre à la question, la CJUE se retranche derrière la mauvaise (ou incomplète) question de la Cour de cassation (point 47) : « la juridiction de renvoi cherche à savoir si, dans le cas spécifique d’une offre conjointe portant sur un ordinateur et de multiples logiciels préinstallés, les prix des différents éléments composant un ensemble faisant l’objet d’une telle offre sont également susceptibles de constituer des informations substantielles. »

Elle répond au point 51 totalement à côté du sujet :

« 51. Eu égard aux observations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que, dans le cadre d’une offre conjointe consistant en la vente d’un ordinateur équipé de logiciels préinstallés, l’absence d’indication du prix de chacun des logiciels préinstallés ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse au sens de l’article 5, paragraphe 4, sous a), et de l’article 7 de la directive 2005/29. »

On sait en effet que la question n’est pas de savoir quel est le prix de chacun des logiciels (si on en était à juger ce point, nous aurions déjà gagné celui qui nous occupe aujourd’hui !), mais de connaître le prix de chacun des deux types de produits, à savoir d’un coté le matériel et de l’autre les logiciels.

Cette décision va à l’encontre de ce qui a été jugé par la Cour de cassation précédemment, les magistrats du Quai de l’Horloge ayant considéré en 2011 que le prix des logiciels constituait une information substantielle dont les consommateurs devaient nécessairement avoir connaissance [4]. Avec la CJUE, nous retournons plusieurs années en arrière, preuve que cette institution est incapable de défendre les consommateurs. Je rappelle en outre que la proposition de SONY de rembourser, après discussions, la totalité du prix d’achat est prohibée par le point 29 de l’annexe 1 puisque cela tend à forcer le consommateur à renoncer à son achat et à renvoyer la machine.

En outre, j’ai fait juger à plusieurs reprises que les obligations de renvoi de la machine pour pouvoir obtenir un dédommagement partiel [9] étaient déloyales, notamment en ce qu’elles constituaient un nouveau contrat qui n’avait pas été présenté au consommateur avant la vente.

4. Conclusion.

Force est de constater que la CJUE est totalement passée à côté du problème, tout comme la Cour de cassation.

En adoptant un discours politiquement correct, je dirais que ce problème renvoie les juges à leur méconnaissance des méthodes actuelles de vente et qu’ils sont tellement formatés à Windows, qu’ils ne voient même plus qu’ils payent des logiciels…

En étant moins politiquement correct, je dirais que tout cela est un problème de lobbying et que la CJUE craint tout simplement les conséquences de l’interdiction de la pratique des OS préchargés telle qu’elle est pratiquée actuellement.

Pourtant, il ne serait pas difficile de faire autrement, puisque la plupart des constructeurs vendent les mêmes ordinateurs sans OS aux professionnels et que ces ordinateurs sont assemblés bien souvent sur les mêmes chaînes de montage que les ordinateurs grand public… tout cela est donc un faux problème.

En au pire, même si on devait conserver la pratique du préchargement des OS, il demeurerait qu’il serait tout à fait possible de faire payer le prix des logiciels séparément, par l’achat d’une carte en magasin sur laquelle serait indiquée le numéro de série. Microsoft le fait déjà avec sa suite Office et il existe des chargeurs de démarrage qui, depuis des lustres (2008), effacent les OS dont la clé n’est pas validée.

Même si je ne m’avoue pas battu parce qu’il reste encore des questions à trancher, la réalité est plus triste : tout le monde se moque de ce problème, même ses détracteurs. En effet, une partie des consommateurs se contente d’effacer l’OS Windows quand ils installent leur OS alternatif, en oubliant que plus du tiers du prix versé l’a été pour payer des logiciels qu’il n’utilisera jamais (300 € sur un ordinateur à 1000 €, ce n’est pas anodin…). Une autre partie des consommateurs refuse de financer des procès et pensent pouvoir obtenir gain de cause en se présentant eux-mêmes devant le juge avec pour seule arme la bonne foi ; c’est peine perdue, on le voit encore ici. Pour ceux qui sont motivés pour des procès, ils ne se rendent pas compte de la complexité juridique de ces affaires (des centaines de pages de conclusions échangées, pendant des années, et le temps énorme qu’il faut y consacrer) et estiment souvent qu’un avocat ne sert à rien. Ils ne comprennent pas non plus que, pour asphyxier les consommateurs plus hardis, les constructeurs mènent des procédures « satellites » en parallèle, ce qui oblige le consommateur à engager des frais supplémentaires qu’à un moment il ne pourra ou ne voudra plus payer. Et si on a le malheur de décourager certains consommateurs de mener de telles actions en ce moment compte tenu du contexte, ils ne comprennent pas que c’est pour les protéger puisque certains tribunaux n’ont pas hésité à prononcer des condamnations financières pour indemniser les constructeurs de leurs frais de justice… ! Tout cela est bien souvent traité légèrement par les juges.

Je salue tout de même la persévérance de Monsieur DEROO-BLANQUART et de l’AFUL qui ont œuvré pour que ces procès existent. J’espère encore que la Cour de cassation se montrera courageuse.

Quelle serait solution à l’avenir ? Il faudrait une levée de fonds pour faire réaliser une expertise par des professionnels de l’informatique (les professionnels sont déjà sélectionnés) démontrant que le préchargement nuit à la concurrence et qu’installer un OS alternatif sur un disque dur vierge, c’est FACILE . Puis inonder les juridictions en posant toutes les questions qui n’ont pas encore été tranchées, telles que la qualification de la pratique commerciale du préchargement. Avec de la persévérance, nous finirions par y arriver…

Me Frédéric CUIF.


5. Notes

[1] CJUE, 18 octobre 2012, C-428/11, Purely Creative ltd, points 36 et 45.

[2] Sur le plan juridique, cette question ne fait plus débat en France : le matériel fait l’objet d’un contrat de vente qui confère à son propriétaire un droit absolu sur la chose vendue dès que le prix en est payé, alors que la fourniture d’un logiciel est une prestation de services qui ne confère qu’un droit d’usage, les logiciels étant d’ailleurs concédés sous licence en raison de leur caractère d’œuvre (CA Pau, 2e ch., 8 juin 1995 : Juris-Data n° 1995-045346 ; Cass. crim., 2 nov. 2005, n° 04-86592 : Bull. crim. 2005, n° 273 ; RTD com. 2006, p. 499, obs. B. Bouloc ; JCP G 2006, II, 10031, note S. Plan ; Juris-classeur concurrence consommation, fasc. 1010, prestations de services). Je l’ai fait juger dans de nombreuses affaires et la jurisprudence est unanime : Jur. Prox. Aix-en-Provence, 17 février 2011, n°91-09-000573, Aff. Perrono vs Acer, Jur. Prox. Toulouse, 20 mai 2011, RG  91-09-000641 : aff. Vermel vs S.A Dell, Jur. Prox. Saint-Denis, 10 janv. 2012 : Aff. Marty vs Samsung Electronics France (91-10-000213) ; Jur. Prox. Saint-Denis, 10 janv. 2012 : Aff. G. vs Samsung Electronics France (91-10-000172)  ;  pour d’autres décisions, voir : TGI Paris, 1re Ch., 24 juin 2008 : RG n° 06/17972 ; Trib. Corr. Montpellier : 17 juin 2008, aff. Proc. Rep. vs SA Dell Southern Europe ; CA Versailles, 3e ch., 5 mai 2011, RG 09/09169 : UFC-Que Choisir vs SAS Hewlett Packard France & association de droit du marketing.

[3] Le CLUF de Microsoft dans le dossier de M. DEROO-BLANQUART le rappelait aussi : article 1 b : « Modèle de licence. Le logiciel est concédé sous licence en vertu d’une licence par copie et par ordinateur. Un ordinateur est un système matériel physique doté d’un dispositif de stockage interne capable d’exécuter le logiciel. » ; article 8 : « Champ d’application de la licence. Le logiciel n’est pas vendu mais concédé sous licence. Le présent contrat vous confère certains droits d’utilisation des fonctionnalités de l’édition du logiciel concédé sous licence. » Et il précisait surtout : « En utilisant le logiciel, vous acceptez ces termes. Si vous ne les acceptez pas, n’utilisez pas le logiciel et contactez le fabricant ou l’installateur afin de connaître leurs modalités de retour des marchandises pour obtenir un remboursement ou un avoir » : il est donc bien question du remboursement du logiciel et pas de la machine.

[4] Cass. 1re civ., 6 oct. 2011, n° 10-10.800, UFC Que Choisir c/ SAS Darty et fils : JurisData n° 2011-021022 ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 31, obs. G. Raymond ; JCP E 2011, 1787, note E. Bazin ; Bull. civ. 2011, I, n° 160 ; Gaz. Pal. 2012, jurispr. p. 458, obs. S. Piedelièvre

[5] v. Communication Commerce électronique n° 3, Mars 2014, comm. 27 : à propos de l’arrêt Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-25.748, Sté Lenevo France c/ Stéphane X.

[6] moi et mon confrère Pauline CORLAY, puisqu’il faut être avocat aux Conseils pour pouvoir représenter un client devant la CJUE, ce que je ne suis pas.

[7] Dans son mémoire en réponse, le gouvernement belge estime que « La décision prise par Sony Europe Limited de ne vendre via ses canaux de distribution que des ordinateurs « prêts à l’emploi » relève de la stratégie commerciale de l’entreprise. » (page 9)

[8] CJUE 19 sept. 2013, aff. C-435/11, CHS Tour services Gmbh, D. 2013. 2835, note K. Jakouloff, et 2812, obs. Y. Auguet ; CCC 2013. Comm. 281, obs. G. Raymond ; LEDC 2013. Comm. 166, obs. S. Bernheim-Desvaux ; JDE 2014. 22, chron. E. Poillot (cf. point 48) – Droit de la consommation – Hélène Aubry – Elise Poillot – Natacha Sauphanor-Brouillaud – D. 2014. 1297

[9] qui n’est en rien un « remboursement » puisque « rembourser » suppose que vous ayez connaissance du prix qui vous a été facturé au titre des logiciels fournis préchargés, ce qui n’est pas le cas ici. Les procédures de remboursement ont par ailleurs été jugées déloyales.

10 réponses à “Logiciels préchargés : la CJUE se décrédibilise.

  1. Il y a actuellement sur le blog de Paul Jorion, une série de billets sur le climat des affaires, sur le lobbying. Série intéressante, qui rejoint le combat contre la vente forcée. Les conclusions sont intéressantes et il faudrait voir si le parallèle est utile.

  2. Bonjour,

    Je suis avec intérêt le combat que vous menez sur la vente forcée entre logiciel et matériel (je loue votre pugnacité et vos effort sur le sujet).

    Vous dites que la CJUE fait un mauvais jugement car la cour de cassation a fait une erreur de qualification.

    Mais pourquoi dans vos précédents billets ne relevez-vous pas ce problème de qualification??
    https://descartes-avocats.com/vente-forcee-logiciels-cour-de-cassation-saisit-cjue/
    https://descartes-avocats.com/les-pratiques-commerciales-deloyales-devant-la-cjue-on-avance/

    Le mot d’offre conjointe y pourtant utilisé dans les extraits. Pourquoi s’en offusqué qu’après le jugement rendu??

    1. Bonjour.
      Tout d’abord, merci de l’intérêt que vous portez à ce combat et pour vos encouragements.
      La question est pertinente et voici la réponse 🙂

      Lors de mon premier billet, je rappelais :

      « Avec mon confrère Maître Pauline CORLAY, Avocat aux Conseils, nous avons alors formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt et continué à ferrailler pour démontrer à la Cour de cassation qu’elle se trompait sur bien des points (notamment, des arrêts récents pouvaient apparaître comme contradictoires au sein d’une même chambre). Pourquoi « ferrailler » ? Car une fois passé le stade des mémoires en demande puis en défense, le rapporteur désigné fait son rapport et le Procureur Général donne aussi son avis. Au-delà des arguments de la société SONY, c’est ce rapport qui m’a démontré que la Cour de cassation n’englobait pas tout le débat et méconnaissait les mécanismes de vente et de fourniture des logiciels. Profitant de ce que plusieurs affaires étaient en cours sur le sujet devant la Cour de cassation (notamment dans une autre affaire contre SAMSUNG), nous avons fourni des réponses plus poussées pointant à nouveau les questions demeurées sans réponse à ce jour. »

      Ces procès sont une véritable partie d’échecs. On doit lire, analyser, vérifier, revérifier, chercher une argumentation, de nouvelles idées… afin d’amener une juridiction là on on souhaite et ce n’est pas toujours facile ; en outre, cette affaire comme les autres, sont celles avant tout et je ne suis que son mandataire. Cela implique de respecter la déontologie des avocats prévue au RIN de la profession, de sorte qu’il m’est difficile de divulguer toutes les informations stratégiques sur un dossier, qui sont discutées confidentiellement avec mon client au premier chef. Je dois dire, écrire, mais lorsque la procédure est en cours, je n’ai pas le droit d’en publier tous les détails. Néanmoins, vous observerez qu’il y avait des choses sur lesquelles je n’étais pas d’accord.

      Lors du deuxième billet, nous venions de rédiger le mémoire en réponse et je savais depuis le début que la Cour de cassation avait mal orienté le débat. J »ai donc indiqué :

      « Sans surprise, je soutiens que l’absence totale de choix imposée aux consommateurs (ni le choix des logiciels, ni le choix de refuser les logiciels que le consommateur ne désire pas, ni même le choix de ne pas payer les logiciels préchargés par le constructeur), constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de vente forcée prohibée par le point 29 de l’annexe 1 de la directive du 11 mai 2005. »

      J’indiquais donc de manière « subliminale » que j’avais orienté mes réponses sur le terrain de la vente forcée, pendant que …

      « Et sans surprise également, la société Sony Europe Limited qui est en cause axe son argumentation sur la liberté d’entreprendre des entreprises en précisant qu’elle doit être la seule à donner sa définition du produit proposé aux consommateurs. »

      Sony discourait sur la possibilité de faire son produit, donc de lier à sa guise un service à un produit sans avoir de compte à rendre… donc de la vente liée.
      Voilà ce qui explique une information raisonnée.

      Sur le fond, ceux qui m’ont mandaté sur ces procès le savent tous : devant les tribunaux où la rhétorique a son importance, je n’ai jamais cessé de défendre le cas de la vente forcée et me suis toujours insurgé contre le terme de vente liée (auquel je préférais le terme de subordination de vente, plus exact). Je ne m’en offusque là que parce que la plus haute juridiction européenne s’est pris les pieds dans le tapis sans avoir voulu m’entendre plaider le sujet.

      Voilà pour résumer 🙂

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