Les pratiques commerciales déloyales devant la CJUE… on avance !

CJUEQuelques mots pour indiquer à mes fidèles lecteurs la progression de mon dossier relatif aux pratiques commerciales déloyales des constructeurs informatiques devant la CJUE.

La date limite du dépôt des mémoires d’observations était fixée au 29 septembre 2015. Et chacune des parties les a transmis en temps et en heure. Nous serons donc prochainement fixés pour une date d’audience. Le suspense est insoutenable !

L’audience étant publique (article 31 du statut de la CJUE), il serait souhaitable que nous soyons accompagnés de tous ceux qui se sont investis sur le sujet depuis de nombreuses années maintenant. Il s’agit de l’aboutissement d’un combat acharné dans des affaires juridiquement très complexes (la preuve, la Cour de cassation n’a pas su trancher la question…). En effet, comme l’indiquait fort justement Xavier Delpech (docteur en droit, rédacteur en chef aux éditions Dalloz), cet arrêt de la Cour de cassation renvoyant l’examen de la question à la CJUE est « l’enième épisode d’un des contentieux les plus abondants du droit de la consommation, ces dernières années ».

Le combat, quelle qu’en soit l’issue, n’aura donc pas été vain car il aura fait progresser les droits des consommateurs sur la question.

Sans surprise, je soutiens que l’absence totale de choix imposée aux consommateurs (ni le choix des logiciels, ni le choix de refuser les logiciels que le consommateur ne désire pas, ni même le choix de ne pas payer les logiciels préchargés par le constructeur), constitue une pratique commerciale déloyale en toutes circonstances de vente forcée prohibée par le point 29 de l’annexe 1 de la directive du 11 mai 2005.

Et sans surprise également, la société Sony Europe Limited qui est en cause axe son argumentation sur la liberté d’entreprendre des entreprises en précisant qu’elle doit être la seule à donner sa définition du produit proposé aux consommateurs.

Mais n’oublions pas que la directive 2005/29/CE réglemente les pratiques commerciales des professionnels de l’Union afin d’assurer un haut niveau de protection des consommateurs. Elle n’a pas pour objet de réglementer le comportement des consommateurs face aux pratiques imposées par les professionnels.

Dans un long article publié dans la revue Communication Commerce électronique n° 9 du mois de septembre 2015 (comm. 69) dont je ne reprends ici que quelques bribes, le Professeur Grégoire LOISEAU commentait :

« Le feuilleton judiciaire du « plug and play », c’est-à-dire des ventes d’ordinateurs prêts à l’emploi prééquipés de logiciels d’exploitation, aura bel et bien un épilogue. La série aura tenu l’affiche plusieurs années, avec des rebondissements, à commencer quand la Cour de cassation a enjoint d’appréhender cette pratique sous l’angle de la prohibition des pratiques commerciales déloyales plutôt que sous celui de l’interdiction des ventes liées (Cass. 1re civ., 15 nov. 2010, n° 09-11.161 : JurisData n° 2010-021425 ; Comm. com. électr. 2011, comm. 5, note Ph. Stoffel-Munck ; Bull. civ. 2010, I, n° 232). Les dernières saisons ont entretenu le suspense : la Cour de cassation s’est d’abord montrée réservée pour admettre une pratique commerciale déloyale (Cass. 1re civ., 12 juill. 2012, n° 11-18.807, SAS Hewlett Packard France c/ UFC Que Choisir : JurisData n° 2012-015722 ; Comm. com. électr. 2012, comm. 111, G. Loiseau ; Contrats, conc. consom. 2012, comm. 268, G. Raymond ; JCP E 2012, 1531, note E. Bazin ; Bull. civ. 2012, I, n° 170), avant de laisser entendre que cette qualification pourrait tout de même être retenue en cas d’impossibilité pour le consommateur de se procurer un ordinateur identique auprès du même distributeur sans les logiciels d’exploitation (Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-25.748, SAS Lenovo France c/ Petrus : JurisData n° 2014-001611 ; Comm. com. électr. 2014, comm. 27, G. Loiseau ; Bull. civ. 2014, I, n° 19). La première chambre civile n’est cependant jamais parvenue à prendre fermement parti, donnant le sentiment de louvoyer plutôt que d’opter pour une position franche.
C’est à la Cour de justice de l’Union européenne qu’il reviendra finalement de dire le dernier mot, la Cour de cassation s’étant remise à son interprétation en lui posant plusieurs questions préjudicielles. Aveu d’échec des juges de cassation à dégager eux-mêmes un cadre juridique applicable aux ventes d’ordinateurs prééquipés de logiciels ou signe d’une sagesse pour dégager les règles d’un droit sûr vidant toute discussion à l’avenir ?« 

Il ajoutait plus loin :

« Les questions, on le voit, sont liées et, se chevauchant, multiplient les cas de figure. En clair, il y a d’abord la position de principe : la mise dans le commerce d’ordinateurs prêts à l’emploi en vue d’une vente en bloc de l’appareil et des logiciels d’exploitation n’est-elle licite, au sens de la loyauté requise de la pratique commerciale, que si l’acquéreur a la possibilité de se procurer un appareil identique, sans les logiciels, auprès du même distributeur ? C’est la position actuelle de la Cour de cassation qui estime que le distributeur ne peut procéder à des ventes groupées que s’il propose une formule alternative portant sur la seule partie hardware. Si elle n’exige pas à cet égard que les deux options soient offertes au public conjointement, ni forcément d’ailleurs aux mêmes publics, il faut qu’il s’agisse du même produit et que celui-ci soit accessible auprès du même fournisseur (Cass. 1re civ., 5 févr. 2014, n° 12-25.748, préc.). »

La solution n’était pourtant pas si claire que cela pour la Cour de cassation qui, de toute évidence, avait pu céder aux pressions politiques pour traiter de manière harmonieuse la question en rejetant un pourvoi dans une autre affaire pourtant strictement identique… 7 jours seulement après cette décision de renvoi !

À suivre… !

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