Open Law Europa ou comment repenser l’accès au droit.

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 Open Law Europa, de quoi s’agit-il ?

La direction de l’information légale et administrative (DILA) a lancé un très vaste programme expérimental Européen appelé Open Law (le droit ouvert) :

« Dans le cadre de sa démarche d’ouverture des données publiques, la DILA a souhaité aller plus loin en stimulant la communauté de réutilisateurs des données juridiques. Elle a co-organisé le 30 octobre 2014 avec l’Open World Forum [1], le NUMA et Etalab, un projet d’innovation collaborative afin d’encourager la réutilisation des données juridiques ouvertes et en faire profiter le service public de la diffusion du droit. Ce projet s’inscrit sur le long terme pour encourager les initiatives. »

Le programme d’innovation collaborative « Open Law Europa » a donc vu le jour dans le but de « faire émerger une communauté d’innovateurs autour des données juridiques ouvertes ».

Quels sont les objectifs d’Open Law Europa ?

Il s’agit notamment de permettre une harmonisation des différentes règles juridiques de chaque pays de l’Union, pour faire émerger une connaissance commune autour du droit, mise à la disposition de tous les acteurs de la société : particuliers, entreprises, administrations, etc.

afficheopenlaweuropaComme le précisait Le Village de la Justice dans son article du 29 septembre dernier, les grands défis d’Open Law Europa sont notamment :

  • innover pour l’open government et faciliter l’accès au droit ;
  • imaginer les services et métiers juridiques de demain ;
  • éprouver des modèles d’affaires innovants pour les legal startups et les entreprises de l’information juridique ;
  • appuyer la dynamique open data du droit et le développement d’un “service public de la donnée” aux niveaux français et européen ;
  • articuler des services créateurs de valeur autour des biens communs du numérique ;
  • innover dans le cadre juridique de la co-création numérique.

C’est à l’occasion de la semaine de l’innovation publique qu’a commencé le deuxième temps fort d’Open Law Europa : la phase de co-design et d’amorçage des projets collectifs et des unités d’expérimentation.

Bien sûr, il faut aussi être un peu geek pour aimer ce type de programme, puisqu’au delà de l’aspect juridique des choses, nous discutons aussi des contours des outils informatiques du futur destinés à héberger ces connaissances, et la manière dont ces outils vont rationaliser et classifier l’information par l’utilisation des métadonnées et d’outils d’analyse sémantique.

Ce 15 octobre 2015, j’ai donc été invité par l’association Open Law Europa (présidée par Benjamin Jean) à participer à ce programme de rationalisation des connaissances juridiques en Europe. Je fais donc partie de ces heureux « Legal hackers » qui ont planché sur des cas concrets du droit, et en ce qui me concerne, le droit de la consommation.

Open Law Europa est une nouvelle façon de travailler et de concevoir le droit, tant pour les professionnels que les non professionnels. Il est un fait qu’internet regorge de données juridiques en tous genres et que la diversité des information devient problématique, notamment en termes de fiabilité. Les usagers d’internet qui cherchent une information juridique s’y perdent totalement… Il s’agit donc de regrouper, autour de thèmes donnés, toute l’information juridique : textes législatifs et réglementaires, jurisprudence (Cour de cassation, Cours d’appel, tribunaux de première instance), grands éditeurs juridiques (Dalloz, Francis Lefebvre, etc.), doctrine en libre accès (sites internet des professionnels), fonds universitaires, parlementaires, etc. et de condenser cette information de manière rationnelle. Mais cela se fait nécessairement avec le concours des SSII, SSLL, etc.

En pratique, qu’avons-nous fait ?

Nous nous sommes réunis en ateliers (droit de la consommation, droit bancaire, droit du travail, droit du numérique, etc.) avec différents acteurs : avocats, institutionnels, entreprises privées, représentants de l’administration, etc. Nous avons partagé nos expériences autour d’un cas concret : les conditions générales de vente.

La finalité est de permettre à chacun d’avoir accès à l’information et d’identifier les risques (pour les professionnels) ou les engagements pris (pour les consommateurs). Car on le sait, les consommateurs acceptent les CGV sans les avoir jamais lues et bon nombre de professionnels ne savent pas comment bâtir leurs CGV. Il y a en outre une réticence très importante des petites structures (PME, PMI, artisans…) à saisir un avocat pour qu’il concocte des CGV parfaitement adaptées à leur situation. Les professionnels glanent donc sur internet des données, plus ou moins exactes, pour en faire une mauvaise synthèse. Bien évidemment, les grandes entreprises ne sont pas concernées par cette réticence car elles ont souvent une batterie de juristes qui planchent sur le sujet, avec plus ou moins de succès d’ailleurs puisque de nombreuses clauses de CGV sont annulées tous les jours par lest tribunaux.

Il faut donc s’affranchir des contraintes de ce projet autour des CGV : récupérer les sources (doctrine, jurisprudence ; récupérer les CGV) et gérer le versioning de ces sources, mettre en place un algorithme permettant d’analyser à un premier niveau les CGV pour identifier les difficultés et tenir les sources à jour, opérer une veille législative, réglementaire, doctrinale et jurisprudentielle. Et ce n’est pas une mince affaire, mais lorsqu’on confronte ces difficultés avec les professionnels, on trouve des solutions !

Le programme est en marche et la tendance à l’ouverture des données (open data) ne s’inversera pas ! La suite au prochain épisode.


[1] Forum mondial du libre (Open World Forum) est un événement annuel communautaire non commercial sur les contenus libres organisé en France.