L’aide juridictionnelle est l’aide financière fournie par l’État pour que les personnes à faibles revenus puissent avoir accès à la justice.
L’aide juridictionnelle est régie par la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991. Elle permet la prise en charge par l’État des honoraires et frais de justice (honoraires d’avocat, frais d’huissier, d’expertise, …).
Elle a été réformée par un décret du 12 décembre 2014 qui a réaffirmé le principe selon lequel la contribution de l’état était une aide subsidiaire, c’est-à-dire qu’elle n’est accordée que si aucun contrat d’assurance privé de protection juridique ne prend en charge une partie de la rémunération de l’avocat. Vérifiez donc par priorité si vous n’avez pas un contrat d’assurance que vous réglez déjà (assurance habitation, carte bleue, etc.) qui prendrait en charge une partie des honoraires de votre avocat.
1. Domaine de l’aide juridictionnelle.
L’article 10 de la loi précise que l’aide juridictionnelle est accordée en matière gracieuse ou contentieuse, en demande ou en défense devant toute juridiction ainsi qu’à l’occasion de la procédure d’audition du mineur (article 388-1 du code civil) et de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité prévue par les articles 495-7 et suivants du code de procédure pénale.
Elle peut être accordée pour tout ou partie de l’instance ainsi qu’en vue de parvenir à une transaction avant l’introduction de l’instance.
Elle peut également être accordée à l’occasion de l’exécution sur le territoire français, d’une décision de justice ou de tout autre titre exécutoire, y compris s’ils émanent d’un autre État membre de l’Union européenne à l’exception du Danemark.
2. Comment fonctionne l’aide juridictionnelle ?
Si l’intéressé ne connaît pas d’avocat susceptible de prendre en charge son affaire, il lui en sera désigné un d’office.
En fonction de son niveau de ressources, l’État prend en charge soit la totalité des frais de justice (aide juridictionnelle totale ou à 100 %), soit une partie d’entre eux (aide juridictionnelle partielle ou en dessous de 100 %).
a) L’aide juridictionnelle totale
L’État prend en charge tous les frais de justice, à savoir : les dépenses résultant du concours d’auxiliaires de justice (avocats, avoués, huissier, etc.), les frais afférents aux instances, procédures, actes, etc., les frais liés aux mesures d’instruction (expertises), les droits et taxes.
L’aide juridictionnelle couvre pour les mêmes litiges, lorsque l’instance se déroule en France, les frais d’interprète, les frais de traduction des documents que le juge a estimé indispensable d’examiner pour apprécier les moyens soulevés par le bénéficiaire de l’aide, ainsi que les frais de déplacement des personnes dont la présence à l’audience est requise par le juge.
Devant les juridictions où l’assistance d’un avocat n’est pas obligatoire, les honoraires de l’avocat sont tout de même pris en charge si vous faites une demande d’aide juridictionnelle.
La « prise en charge par l’état » : les idées reçues
Lorsqu’il est indiqué que l’État « prend en charge » les honoraires des avocats, il ne faut pas croire que l’état payerait à l’avocat le montant des honoraires que celui-ci aurait facturés si son client n’avait pas été éligible à l’aide juridictionnelle. En d’autres termes, l’avocat ne présente pas à l’état le montant de sa facture pour être réglé de ses diligences dans le dossier de son client. Il s’agit d’une idée reçue qui est totalement est fausse.
En réalité, l’état a procédé à un classement des différents contentieux (des affaires) qui existent devant les juridictions, par type (on parle d’une « mission »). Il a ensuite affecté à chaque type d’affaire devant une juridiction donnée, un coefficient de base sous la forme d’un nombre d’ »unités de valeur » (U.V).
En conséquence, la rémunération de l’avocat dont le client bénéficie d’une aide juridictionnelle totale correspond à la multiplication entre le nombre d’unités de valeur correspondant au litige donné et le prix d’une unité de valeur fixée chaque année par arrêté ministériel. En 2010, une unité de valeur valait 24,54 €. Elle n’a pas été revalorisée depuis.
Et cette rémunération est fixe, quel que soit l’enjeu financier, la complexité de l’affaire, le temps que votre avocat y consacre ou la durée de votre affaire devant la juridiction concernée !
Quelques exemples :
- pour toute procédure devant le juge de proximité, quel que soit l’enjeu financier en cause (200 ou 3000 €), l’état a estimé que ce type de contentieux valait 16 U.V. Votre avocat sera donc rémunéré 392,64 € HT (soit 16 x 24,54), pas un centime de plus ! (sachant en outre que l’aide juridictionnelle accordée à 100 % par l’état est exclusive de toute autre rémunération par l’avocat) ;
- en cas d’appel d’une décision du juge de proximité, vous vous trouvez devant une autre juridiction, la Cour d’appel. Le nombre d’unités de valeur n’est donc pas le même (14 U.V.), soit 343,53 € ;
- pour une audience de première comparution d’un mineur de 15 ans devant le juge des enfants, lorsqu’il a été accusé d’agressions sexuelles sur une mineure de 13 ans, avec la double circonstance aggravante que l’agression a été commise en réunion et sous l’empire d’un état alcoolique, l’état a estimé que la défense de ce mineur valait 3 U.V. Par conséquent, même si le mineur accusé de ces faits encourt 10 ans de prison et que vous passez des heures à éplucher le dossier, recevoir le mineur et ses parents pour leur expliquer, bâtir une défense, etc., votre avocat ne percevra en tout et pour tout que 73,62 €…
Sachant qu’avec ces 73,62 €, l’avocat doit régler ses éventuels frais de déplacements !
L’avocat n’est donc pas justement rémunéré de ses diligences lorsqu’il défend un justiciable bénéficiant d’une aide juridictionnelle à 100 %. Pour une meilleure compréhension du problème, lisez cet article de Rue89.
Voyez aussi cet article pour l’actualité de l’automne 2015.
b) L’aide juridictionnelle partielle
En cas d’AJ partielle (inférieure à 100 %), l’État prend en charge la totalité des frais, et partiellement la rétribution de votre avocat.
Par exemple, si l’État vous accorde une aide juridictionnelle à 85 %, c’est parce que vos revenus sont supérieurs à un certain plafond. On considère donc que vous êtes en mesure de régler à votre avocat les 15 % de rémunération restants. Dans cette hypothèse, votre avocat peut alors vous réclamer des honoraires complémentaires qui sont libres, mais établis sur la base préalable d’une convention d’honoraires écrite, qui est soumise au visa du Bâtonnier.
Pour sa part, l’avocat percevra 85 % de l’indemnité prévue (nombre d’UV x 24,54 €) et sa rémunération sera complétée par la convention d’honoraires que vous signerez avec lui et que vous devez respecter.
Le montant de l’honoraire complémentaire est fixé dans les mêmes conditions qu’un honoraire classique, soit au regard de la complexité de l’affaire, des frais imposés par la nature de l’affaire, et des ressources du bénéficiaire.
L’aide juridictionnelle, totale ou partielle, s’applique :
- en matière gracieuse (exemple : changement de régime matrimonial), ou contentieuse (toute procédure opposant deux personnes) ;
- en demande, ou en défense (le bénéficiaire de l’aide peut être soit la personne qui attaque soit celle qui se défend) ;
devant toutes les juridictions (civiles, pénales, administratives) ; - pour tout ou partie de l’instance, y compris pour l’exercice des voies de recours ;
- pour régler un litige, en parvenant à une transaction, avant l’introduction d’une procédure aussi bien en matière civile, sociale, commerciale que pour les litiges administratifs.
3. Qui peut bénéficier de l’Aide Juridictionnelle ?
a) L’aide juridictionnelle pour les personnes physiques
Les conditions pour bénéficier de l’aide juridictionnelle sont les suivantes :
- être de nationalité française ;
- ou être de nationalité étrangère et :
- être ressortissant de l’un des États membres de l’Union européenne ;
- être ressortissant d’un État ayant conclu une convention internationale avec la France ;
- résider habituellement en France en situation régulière.
Sachez toutefois que cette condition de résidence n’est pas exigée :
- si vous êtes mineur, témoin assisté, mis en examen, prévenu, accusé, condamné ou partie civile, ou si vous faites l’objet d’une procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ;
- pour les personnes étrangères dont la rétention administrative ou le maintien en zone d’attente est prolongé, ou qui contestent un arrêté d’expulsion ou de reconduite à la frontière ainsi qu’un refus de titre de séjour assorti d’une obligation de quitter le territoire français.
b) L’aide juridictionnelle pour les personnes morales
L’aide juridictionnelle peut être accordée à titre exceptionnel aux personnes morales (association, syndicat…) sous les conditions suivantes :
- qu’elles n’aient aucun but non lucratif (association Loi 1901) ;
- que leur siège soit établi en France ;
- qu’elles ne disposent pas de ressources suffisantes.
4. L’intervention de votre assureur.
Décret n° 2014-1502 du 12 décembre 2014 « relatif aux demandes d’aide juridictionnelle en cas de prise en charge par un dispositif de protection juridique » a renforcé l’intervention de l’assureur de protection juridique.
L’article 1 du décret précise :
« S’il a déclaré disposer d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un autre système de protection en application du a de l’article 33, l’attestation de non-prise en charge délivrée selon le cas par l’employeur ou l’assureur, lorsque ce dernier ne prend pas en charge le litige ou le différend. En cas de prise en charge partielle des frais de procédure, le requérant doit joindre la justification fournie par l’employeur ou l’assureur précisant le montant des plafonds de garantie et de remboursement des frais, émoluments et honoraires couverts. »
Ce décret a été complété par l’arrêté du 12 décembre 2014 fixant le modèle de l’attestation de non-prise en charge des frais de procédure délivrée par l’assureur, en application du 9° de l’article 34 du décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 portant application de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique.
Cet arrêté précise :
« Art. 1er . – L’attestation délivrée par l’assureur lorsqu’il ne prend pas en charge le litige ou le différend, prévue au 9o de l’article 34 du décret no 91-1266 du 19 décembre 1991 doit être conforme au modèle joint en annexe. »
Vous devez donc impérativement, avant de demander l’aide juridictionnelle, adresser à votre assureur de protection juridique le modèle fixé dans l’arrêté (cliquez sur le lien de l’arrêté ci-dessus). Ce formulaire doit être joint à votre dossier d’aide juridictionnelle lorsque votre assureur certifie que vous n’avez pas de contrat souscrit susceptible de prendre en charge une partie de la rémunération de votre avocat.
Lisez la note d’information.
Rendez-vous dans le menu « Espace pratique« , sous-menu « Questions fréquentes et téléchargements » pour télécharger un nouveau dossier d’aide juridictionnelle conforme à ces dispositions.
5. Conditions de revenus et éléments pris en compte pour le calcul de l’aide.
En fonction du montant de vos revenus, l’état calcule sa part de contribution.
Est prise en compte le nombre de personnes que vous avez à charge (enfants…) ou les revenus de votre couple selon votre situation de famille.
Pour ce calcul des ressources des demandeurs à l’aide juridictionnelle, sont pris en compte les revenus du travail, loyers, rentes, retraites et pension alimentaires de la personne qui demande l’aide juridictionnelle ainsi que ceux de son conjoint et des personnes du foyer. Sont exclues du calcul les prestations familiales et certaines prestations sociales.
Un tableau détaillé du mode de calcul et du plafond des ressources est disponible sur le site su service public.
6. Aide juridictionnelle et T.V.A.
Le taux de T.V.A. applicable aux affaires bénéficiant de l’aide juridictionnelle est de 20 %.
Ce taux est valable pour toutes les missions d’aide juridictionnelle, partielle ou totale.
7. cumuler l’assurance de protection juridique et l’aide juridictionnelle ?
La loi sur l’aide juridictionnelle a introduit un principe dit de subsidiarité, ce qui signifie qu’il faut articuler l’assurance de protection juridique avec l’aide juridictionnelle.
L’article 2 de la loi précise : « L’aide juridictionnelle n’est pas accordée lorsque les frais couverts par cette aide sont pris en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection.»
L’avocat doit donc vérifier avec son client avant qu’il ne sollicite l’aide juridictionnelle :
- si un tel contrat existe,
- s’il couvre bien la procédure objet de la demande d’aide juridictionnelle envisagée (cf. exclusions prévues au contrat),
- et si enfin ce contrat couvre bien tous les frais habituellement pris en charge par l’aide juridictionnelle (honoraires de l’avocat, mais aussi des autres auxiliaires de justice, frais d’expertise….).
8. Le droit de plaidoirie.
L’article L. 723-3 du code de la sécurité sociale prévoit le paiement par les justiciables, même bénéficiant d’une aide juridictionnelle, un « droit de plaidoirie ». Voir le décret n° 95-161 du 15 février 1995 relatif aux droits de plaidoirie et à la contribution équivalente.
Il est dû pour chaque plaidoirie ou représentation de partie(s) aux audiences de jugement, y compris les audiences de référé, tant devant les juridictions de l’Ordre judiciaire que les juridictions de l’Ordre Administratif, le Conseil d’État et la Cour de Cassation.
Cependant, aucun droit n’est dû pour les affaires plaidées devant :
- Le Conseil des Prud’hommes (y compris en départage), et non pour les affaires devant les chambres sociales en appel de Conseil des Prud’hommes pour lesquelles le droit est dû ;
- Le Tribunal de Police pour les 4 premières classes de contravention ;
- Le Tribunal et la Cour régionale des pensions militaires ;
- Les juridictions statuant en matière de Sécurité Sociale et de contentieux électoral.
Le montant du droit de plaidoirie, fixé par décret, est actuellement de 13 €. Il ne peut donner lieu à aucune remise.