La fiscalité des travailleurs détachés à l’étranger

La loi prévoit que les salariés domiciliés en France, qui sont envoyées par leur employeur dans un État autre que la France et que celui du lieu d’établissement de cet employeur, peuvent bénéficier d’une exonération totale ou partielle d’impôt sur les revenus au titre de leurs salaires perçus en rémunération de l’activité qu’ils exercent dans l’État où ils sont envoyées.

Cette question semble simple. Le texte est clair et les conditions de mise en œuvre relativement précises. Je vous propose un tour d’horizon sur cette question, en insistant spécifiquement sur la prospection des marchés internationaux.

1. Les principes

1.1. Conditions de l’exonération totale ou partielle

L’article 81 A du Code général des impôts prévoit une exonération totale d’impôt sur le revenu, dans deux cas :

  • soit lorsque les rémunérations ont été soumises, dans l’État d’exercice de l’activité, à un impôt sur le revenu au moins égal aux deux tiers de celui qu’elles auraient supporté en France sur la même base d’imposition (CGI, art. 81 A, I-1° ) ;
  • soit lorsque les rémunérations se rapportent à une des activités limitativement énumérées par la loi exercée à l’étranger, pendant une durée minimale (CGI, art. 81 A, I-2°).

Les contribuables qui n’entrent pas dans ces deux cas, peuvent bénéficier d’une exonération partielle des suppléments de rémunération susceptibles de leur être versés pour leur détachement à l’étranger (CGI, art. 81 A, II). Par ailleurs, les marins pêcheurs qui exercent leur activité hors des eaux territoriales françaises peuvent aussi bénéficier d’une exonération partielle.

1.2. Les critères de l’exonération totale

Deux critères de durée à l’étranger sont à prendre en compte si vous voulez bénéficier d’une exonération totale d’impôt sur les revenus :

  1. Lorsque le salaire se rapporte à certaines activités exercées à l’étranger pour lesquelles le contribuable peut justifier d’un détachement à l’étranger d’une durée minimale de 183 jours au cours d’une période de 12 mois consécutifs ;
  2. Lorsque le salaire se rapporte à une activité de prospection des « marchés internationaux » exercée en détachement à l’étranger pour une période de plus de 120 jours au cours d’une période de 12 mois consécutifs.

Dans le premier cas, les activités concernées sont :

  • la réalisation de chantiers de construction ou de montage, l’installation d’ensembles industriels, leur mise en route et leur exploitation, la prospection et l’ingénierie (y compris l’ingénierie informatique) y afférentes ;
  • la recherche ou l’extraction de ressources naturelles ;
  • la navigation à bord de navires armés au commerce et immatriculés au registre international français (RIF).

Dans le second cas, les activités concernées sont celles liées à la prospection dédiée au développement des exportations d’une entreprise ou en relation directe avec l’essor de l’entreprise à l’étranger.

En d’autres termes, pour les travailleurs détachés pour la prospection des marchés internationaux, la loi  exige la réunion de 5 conditions :
1. Le contribuable doit être fiscalement domicilié en France ;
2. L’employeur doit être établi en France ;
3. Le contribuable doit être salarié ;
4. Le salarié doit exercer son activité dans un pays autre que la France ;
5. le salarié doit exercer son activité 120 jours par douze mois consécutifs à l’étranger, lorsque son
activité consiste uniquement à de la prospection commerciale.

2. En pratique, comment décompte-on le temps passé à l’étranger ?

Dans les deux cas, le décompte des jours s’effectue par rapport à la durée de la mission à l’étranger, en comprenant les temps de transport, c’est-à-dire la période écoulée entre le premier départ et le retour définitif, en y ôtant les périodes pendant lesquelles le salarié est revenu en France ou dans l’État du lieu d’établissement de l’employeur pour y exercer une activité.

Notez également que les jours de repos hebdomadaires se rapportant à l’activité exercée à l’étranger, la durée des congés de récupération et les congés payés auxquels donne droit l’activité exercée à l’étranger, les congés pour accident du travail ou pour maladie consécutifs à cette activité et ce même s’ils sont pris en France, sont assimilés à l’activité exercée à l’étranger.

L’administration fiscale est cependant libre de vérifier l’exactitude de vos déclarations fiscales et les justificatifs que vous invoquez pour invoquer une exonération.

Vous devez donc porter une attention toute particulière sur les attestations fournies par votre employeur pour appuyer vos déclarations, mais aussi veiller à ce que les justificatifs transmis à votre employeur et leur manière de les comptabiliser viennent strictement démontrer l’exercice de votre activité à l’étranger pour la durée minimale prévue par les textes.

3. Mais alors, quels problèmes peuvent survenir ?

La réalité est toute autre et je profite de cette occasion pour vous rappeler qu’il ne faut JAMAIS se présenter sans avocat devant l’administration des impôts car les chausse-trappe sont nombreux et les procédures très complexes.

Certaines directions régionales ont une interprétation toute particulière des textes et vous pouvez facilement glisser vers un contentieux, même si c’est l’administration fiscale qui vous demande de fournir des pièces ou de compléter les documents que vous avez transmis.

Par exemple, si vous travaillez 149 jours à l’étranger, vous êtes théoriquement au dessus du seuil de 120 jours exigés par le texte. Mais certaines directions régionales ont pu estimer que ce nombre démontrait aussi que le reste du temps n’était pas passé à l’étranger car « la durée indiquée ne correspond pas à une année complète de travail ». Clairement, cette condition est exorbitante du texte et ne devrait pas être prise en compte, et pourtant…

L’administration peut alors vous amener à faire refaire l’attestation de votre employeur, notamment si elle ne comprend pas les jours de repos ou de trajets, ou autres éléments essentiels, ou s’attacher à collecter des pièces directement auprès de tiers (votre employeur) en utilisant son « droit de communication » tiré de l’article L.76 B du livre des procédures fiscales. Dans ce cas, il faut espérer que votre entreprise dispose de tous les justificatifs précis de vos déplacements et que les villes et les pays mentionnés soient clairement indiqués. Les titres de transport peuvent ainsi être collectés.

Il faut également rappeler que l’administration fiscale ne peut changer de doctrine comme le contribuable de chemise… L’article L 80 du Livre des Procédures fiscales précise que : « Il ne sera procédé à aucun rehaussement d’impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l’administration est un différend sur l’interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s’il est démontré que l’interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l’époque, formellement admise par l’administration. »

Par conséquent, il faut bien avoir en tête ce qui a pu se passer dans votre dossier les années précédentes…


Maître Frédéric CUIF, à la tête du bureau LX AVOCATS de Bordeaux, vous aide et vous conseille dans ces problématiques. N’hésitez pas à nous consulter.

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