10 000 $ pour un Windows 10 non souhaité !

clavierTexte700Cette semaine, un article du Journal Du Net a attiré mon attention. Il est titré « Microsoft condamné à verser 10 000 dollars pour une installation non souhaitée de Windows 10 » Son auteur fait référence à cet article du Seattle Times et nous rapporte qu’une utilisatrice de Windows aux États-Unis s’est vue imposer par la firme de Redmond une mise-à-jour de son système d’exploitation vers Windows 10, ce qui a rendu sa machine inutilisable. Elle a donc poursuivi Microsoft, qui s’est engagé dans cette politique de mise-à-jour forcée des OS Windows 7 et 8.1 lorsque l’outil Windows Update est configuré automatiquement, a obtenu gain de cause et l’a fait condamner à lui payer 10 000 $.

Ce sujet ne pouvait pas rester lettre morte dans mon esprit, tant on constate un décalage entre la France et les États-Unis en matière de pratiques judiciaires.


Mes fidèles lecteurs le savent bien, je me suis battu pendant de nombreuses années contre la vente forcée des système d’exploitations Windows préchargés dans les ordinateurs. Sur ce terrain, si les juridictions m’ont suivi pendant quelques années, m’amenant à redresser intégralement la jurisprudence qui grossissait depuis 2008 contre les consommateurs qui se faisaient systématiquement débouter par les juges. Jusqu’en 2014, j’ai ainsi pu faire juger que la fourniture d’un OS Windows préchargé constituait une pratique commerciale déloyale, notamment si le constructeur ne proposait pas à la vente le même modèle d’ordinateur sans logiciel préchargé[1].

Mais depuis 2014, le « vent » a tourné, certainement pour des raisons plus économiques que juridiques, car la sanction juridique d’une pratique commerciale déloyale est… l’interdiction pure et simple de cette pratique ! Une petite frange de notre classe politique, qui ne respecte plus rien depuis longtemps, et certains de nos juges n’ont visiblement pas pu su ou voulu imaginer ce que serait le monde informatique sans ce Windows qui les rassure tant…  Les groupes de pression informatiques ont donc bien fait leur travail en dépeignant une situation économique catastrophique si jamais Windows n’était plus préchargé demain dans les ordinateurs destinés aux moutons consommateurs… De fait, alors que la France était pionnière en Europe sur cette question, avec des arrêts de la Cour de cassation et des juridictions du fond toujours plus précis en faveur des droits des consommateurs, la situation est devenue curieusement bloquée. Il faut aussi voir que nos juges et nos magistrats ne comprennent pratiquement rien à l’informatique et j’ai souvent eu l’impression que ces procès les dépassaient totalement. Les condamnations financières étaient rares et peu importantes, même pendant les beaux jours de la jurisprudence favorable aux consommateurs.

Mais les États-Unis sont une fois de plus en avance sur la veille Europe, qui est plus occupée à trembler sur ses fondations à cause du Brexit, que de s’occuper des préoccupations des consommateurs Européens. En effet, une américaine a réussi à obtenir gain de cause contre Microsoft, une société de son propre pays, avec une belle condamnation financière à la clé de 10 000 $, et… imaginez-vous, sans avoir recours à la moindre directive Européenne sur laquelle nous étions obligés de baser tous nos procès en France ! Pffiouu, ils sont fous ces américains !

Non, vous l’aurez compris, ils ne sont pas fous. J’avais déjà défendu un cas similaire d’un client qui avait refusé de payer pour un ordinateur préchargé d’une version de Windows qu’il ne voulait pas. Le litige a commencé en 2010 et nous sommes toujours devant la Cour de cassation qui devra statuer « prochainement » sur cette question. Plus de 6 ans de procès pour que peut-être, en définitive, notre vieille Cour de cassation finisse par adopter une solution mi-figue mi-raisin ou bancale (ce ne serait pas la première fois en cette matière)…

10 000 $ par procès, voilà de quoi dissuader n’importe quelle entreprise d’enfreindre les règles trop longtemps. L’article rapporte que Microsoft n’a pas fait appel « pour éviter des dépenses » qui étaient à l’évidence inutiles, preuve que les juridictions américaines veillent au respect des droits de leurs concitoyens car cela signifie notamment que la condamnation en appel aurait pu être beaucoup plus lourde.

À quand un sursaut de cette nature en France ? Quand va-t-on comprendre que la fin du préchargement de Windows n’empêchera jamais celui qui veut cet OS de l’acheter et de l’utiliser à sa guise, et que la question de la fin du préchargement n’a pour but que d’éviter aux consommateurs qui n’utilisent pas un OS Windows, d’être contraints de le payer au seul prétexte qu’il est fourni préchargé ? Les juges, magistrats et hauts magistrats de la Cour de cassation vont-ils enfin comprendre qu’il s’agit d’un véritable hold-up sur l’argent des consommateurs ? Espérons…


[1] cf. notamment : Répertoire de droit commercial / Ventes réglementées — Stéphane RETTERER — mai 2009 (actualisation : avril 2016)

5 réponses à “10 000 $ pour un Windows 10 non souhaité !

  1. Sauf que le procès américain et vos procès ne concernent pas la même problématique:
    * aux USA, l’utilisatrice avait déjà Windows et une mise à niveau l’a poussée sur Windows 10.
    Elle n’aurait pas compris comment l’empêcher (les messages d’information de Windows la dessus sont assez retord) et le SAV a été incapable de lui expliquer comment revenir en arrière. Son ordinateur étant son outil de travail, cela l’a bloqué son activité.
    * en France, les procès portent sur l’achat du matériel qui est indésolidarisable des logiciels installés automatiquement. Ils ne portent pas sur une éventuelle mise à niveau autoritaire plus ou moins imposé.

    Toutefois là où c’est notable c’est la vitesse de la réponse judiciaire US, Windows 10 est présent depuis moins d’un an et le procès a été réglé. En France, les constructeurs informatique (et non MS) font traîner le procès (appel, cassation, etc …) pour dissuader les futurs plaignants.

    1. Comme je l’indiquais, j’ai eu aussi à traiter le cas d’un utilisateur de Windows qui entendait bien rester chez Microsoft, mais qui se plaignait de devoir payer pour un OS préchargé alors que son université lui fournissait une version plus adaptée à ses besoins. Le cas n’est pas similaire, il est vrai, mais il entre aussi dans la catégorie des pratiques commerciales déloyales.
      Par ailleurs, vous ne pouvez pas dire que le matériel est « indésolidarisable » des logiciels : c’est inexact, tant sur le plan juridique (et je l’ai fait juger à de nombreuses reprises) qu’informatique.
      Quoiqu’il en soit (mise à niveau ou préchargement) c’est toujours la fourniture d’un service non obligatoire qui est dénoncée, dans des conditions obscures d’information…

      1. « indésolidarisable » était pour exprimé l’avis des constructeurs sur le sujet et la constatation des faits: il est quasiment impossible de trouver un ordinateur sans logiciel pré-installé sur vrai dans le domaine des ordinateurs portables.

        Je vous suit tout à fait sur votre combat juridique et espère que la cour européenne de justice sera reconnaître que le hardware et software doivent être séparé sur la facture.

  2. Aaaah la maj « forcée » vers W10, que du bonheur. C’est très retors car il ne suffit pas de fermer la fameuse fenêtre d’avertissement. En effet la mise à jour se fera quand même à l’insu de l’utilisateur lambda qui ne comprendra rien à ce qui lui arrive.
    C’est juste un vrai scandale !

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